“Revolucion” film collectif
Le 20 novembre 1910 débutait la révolution mexicaine et le soulèvement des peons contre le régime dictatorial de Porfirio Diaz. Cent ans après, que reste-t-il de ce soulèvement populaire? Le peuple est-il plus heureux qu’à l’époque? La société est-elle plus juste qu’avant? Quelle trace ont laissé dans l’histoire les grandes figures révolutionnaires, les Zapata, Pancho Villa, et consorts ?
Ces questions ont été posées à dix cinéastes mexicains plus ou moins célèbres : Carlos Reygadas, Rodrigo Garcia, Rodrigo Plà, Gael Garcia Bernal, Amat Escalante,.. Ils ont eu carte blanche pour les traiter à leur façon, dans des courts-métrages qui ont été regroupés dans l’anthologie Revolucion sortie au Mexique à la date anniversaire de sa révolution.
Comme dans la plupart des compilations de courts et des oeuvres collectives, l’ensemble est inégal. Les films sont plus ou moins longs, plus ou moins inspirés, plus ou moins réussis… C’est le problème récurrent de ce genre de film. Mais il est ici amplifié du fait de la grande liberté laissée aux auteurs et de l’absence de lien entre les différentes parties. Les cinéastes ont pu éviter une approche trop frontale de la thématique imposée et emprunter des chemins de traverse pour livrer une critique politique et sociale du Mexique contemporain à travers ces travaux de commande. Intéressant. Mais le revers de la médaille, c’est que ça part un peu dans tous les sens, sans ligne directrice forte…
Au rayon des réussites, citons les court-métrages de Carlos Reygadas, “Ceci est mon royaume”, où une grande fête de famille se termine par un déchaînement de violence assez étrange ou “A notre bien-aimé” de Patricia Riggen, qui traite sur le ton de la comédie du sujet de l’immigration mexicaine aux Etats-Unis et de l’attachement à la terre natale. L’héroïne, citoyenne américaine, se voit contrainte de rapatrier le cadavre de son père au Mexique, où il veut se faire enterrer. Et s’il est difficile pour un mexicain de franchir la frontière en direction du pays de l’Oncle Sam, le voyage du retour est également compliqué et coûteux…
Et mentionnons les deux films qui collent le plus au sujet de départ. Celui de Rodrigo Garcia, “7th street & Alvarado”, qui fait défiler les fantômes des grandes figures révolutionnaires dans les rues d’une cité moderne, entièrement urbanisée et pleine de yuppies en costumes-cravates. Et surtout, celui de Rodrigo Plà, “30/30” qui montre comment le petit-fils de Pancho Villa, héros de la révolution, se retrouve exploité par un politicien sans scrupules, désirant uniquement soigner son image auprès des classes populaires en honorant une figure de la révolution avec laquelle il n’a rien en commun… Décapant et subversif…
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Revolucion
Réalisateurs : Fernando Eimbcke, Patricia Riggen, Gael Garcia Bernal, Amat Escalante, Carlos Reygadas, Mariana Chenillo, Gerardo Naranjo, Rodrigo Plà, Diego Luna, Rodrigo Garcia
Origine : Mexique
Genre : anthologie de courts-métrages
Durée : 1h40
Date de sortie France : 11/05/2011
Note pour ce film : ●●●○○○
contrepoint critique chez : Le Figaro
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“L’oeil invisible” de Diego Lerman
L’oeil invisible du titre peut être vu comme celui de la junte militaire qui a sévi en Argentine depuis le coup d’état du 24 mars 1976 jusqu’à la défaite de la guerre des Malouines en 1982.
Le 24 mars 1976, c’est la date de naissance du cinéaste Diego Lerman, qui a été marqué par cette période sombre de l’histoire de son pays.
Et 1982, c’est l’année où se déroule son nouveau film, juste avant la chute du régime…
Tout se passe en vase clos, dans un établissement scolaire très strict et guindé, le lycée national de Buenos Aires, chargé de former les jeunes esprits destinés à devenir les élites de demain. Un microcosme très hiérarchisé, symbolique du pays sous la dictature où chacun est sous l’emprise d’une couche de pouvoir supérieur, avec en haut de la pyramide, le général-dictateur et en bas, une jeunesse opprimée, étouffée… On a donc d’un côté un pouvoir archaïque, sur le déclin, et de l’autre une jeunesse tournée vers l’avenir, désireuse de changement et de liberté… Et entre deux, des maillons de la chaîne dictatoriale, chacun jouant le rôle pour lequel il a été conditionné.
Il y a cette jeune femme, Marita, qui occupe un emploi de surveillante dans le lycée. Elle n’a que 23 ans mais elle est si sévère, si stricte, si formatée selon les codes moraux du régime qu’elle paraît vieille. Mais peu à peu, elle se laisse envahir par ses pulsions sexuelles, son désir, son trouble pour un jeune étudiant et elle s’adonne en cachette aux plaisirs solitaires dans les toilettes des garçons…
Il y a aussi son supérieur, Monsieur Biasutto, le surveillant en chef. Encore plus guindé et plus strict qu’elle. Et plus frustré sexuellement… Il se montre de plus entreprenant avec elle, n’attendant que l’occasion de la soumettre à son propre désir…
Ce sont ces personnages que le cinéaste choisit d’observer, car leurs tiraillements et leurs troubles, les luttes qui les agitent créent une ambiance intéressante, où le sexe et la violence, étouffés, ne demandent qu’à jaillir. Un peu comme dans les films que Carlos Saura tournait dans les années 1970, sous la dictature franquiste. On pense notamment à Ana et les loups ou au Jardin des délices…
… En moins bien, quand même. Le film est un peu trop linéaire et manque de rythme. Diego Lerman utilise néanmoins au mieux son décor et joue sur les angles de vue pour mettre en place une atmosphère oppressante, glaciale.
En fait, tout tient surtout sur l’interprétation de la jeune actrice Julieta Zylberberg, mystérieuse et charnelle, qui apporte au personnage toute l’intensité souhaitée, et sur celle d’Osmar Nuñez, glacial de perversion et de violence sous-jacente.
Présenté l’an passé à la Quinzaine des réalisateurs, à Cannes, ce film avait séduit les festivaliers. Souhaitons à cette belle allégorie de la chute de la dictature argentine de trouver son public dans le reste de l’hexagone…
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La mirada invisible
Réalisateur : Diego Lerman
Avec : Julieta Zylberberg, Osmar Nuñez, Marta Lubos, Gaby Ferrero, Diego Vegezzi
Origine : Argentine
Genre : autopsie d’une dictature
Durée : 1h35
Date de sortie France : 11/05/2011
Note pour ce film : ●●●●○○
contrepoint critique chez : Le Nouvel Observateur
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