Au paradis avec Thomas Fersen

Par Bscnews
Par Julie Cadilhac- Bscnews.fr/ Photos: Valérie Mathilde/ "Quand je rentre mon violon dans son petit cercueil" naît Je suis au Paradis... Dès les premières portées, on sourit... Thomas Fersen convoque un bestiaire digne des mille et un cauchemars, des êtres de macabre réputation dont les actes funestes résonnent dans les mémoires effrayés de tous les bons enfants que nous avons été. Sans être surpris, on est ravi de retrouver cette constante atypique et ce goût pour les personnages marginaux, empreinte d'un interprète dessiné (sur la couverture de ce 8ème album par Christophe Blain) paresseusement installé dans un vieux canapé Louis-Philippe. Est-ce donc un album sombre? Point du tout! Décorés des mots de l'artiste, monstres et créatures de la nuit deviennent  aussi drôles que sympathiques. C'est le comte Dracula qui nous accueille en premier lieu ....vous savez, cet immortel "qui dormait dans sa tombe ou bien la tête en bas" et il nous semble l'entendre gratter à notre fenêtre tellement Thomas a l'art de l'hypotypose ( Petit rappel bac français : l'hypotypose est «l'image des choses si bien représentée par la parole que l'auditeur croit plutôt la voir que l'entendre »).  Ce "fou romantique jeté dans les oubliettes" qui marque dans notre cou sa "discrète signature de vieil aristocrate", accompagné de violons et autres cordes complices,  est le délicieux prétexte à une première ballade où sont évoqués les affres de l'amour et d'une "chevelure blonde" qui provoque " des charmes bien pires que ceux que l'on prête au vampire." Ensorcelés, vampirisés, médusés sommes-nous par le génie constant de ce Maître de rimes national : manque d'objectivité ou  trop de lucidité? chaque morceau est un nouvelle rencontre où  la langue est manipulée avec génie. A l'habileté des mots se mêle un humour caustique ravissant qui justifie le  succès de ce nouvel album. Légèreté, fantastique et grivoiseries s'entremêlent à plaisir pour décliner  un des thèmes de prédilection de l'artiste à la voix :  la mort tournée en dérision. Mais si la mort s'invite, elle arrive avec élégance et humour. Meurtriers, vieux croulants, spectres, vampires, loups-garous sont tour à tour coquets, soucieux de leur confort, amoureux et c'est pour cela sans doute que l'histoire du Comte Dracula et sa "fraise en dentelle" monopolise votre lecteur CD charmé qu'il est par cet aède contemporain qu'est Thomas Fersen. Quelques rencontres à vous citer?   Félix si vieux que ses descendants sont eux aussi farcis de rides, un centenaire capable encore de jouir,  Sandra le fantôme qui vous refroidit sous la douche, jolie fille qui hante l'interprète dans les "mousselines et les voilages" et qui fait accuser " à tort la gent trotte-menue et les intempéries".... Le squelette au train fantôme qui fait crier les dames  et  affirme "Chuis mort et j'en fais pas un drame",le balafré qui n'a pas l'air d'un ange, au corps recousu et  qui mène" une vie de cigale" en jouant de la scie musicale, ou bien encore Mireille et Mathieu, parés d'une rythmique rock et de soleil en  parenthèse anarchique... Thomas Fersen convoque une fois de plus tous les registres de langue, prouve que le langage familier, s'il est poétiquement utilisé,  a toutes ses lettres de noblesse et provoque des rimes au style charmant. Certains diront que cet album surprend par sa ligne musicale, melting-pot de sonorités diverses et d'inspirations variées. Oui, Thomas Fersen s'est renouvelé, il déstructure le phrasé musical, il mêle des sifflotements, des choeurs, des dissertations fantaisistes de sons et un choix d'instruments qui détonent d'avec ses précédents albums plus farouchement accrochés à ses guitares fétiches. C'est vrai..pourtant dès les premiers couplets, on jouit, on jouit, on jouit parce que Thomas est bien là avec sa singulière façon de faire chanter le monde et ses personnages. D'une chanson à l'autre, Thomas Fersen tranche, bouscule, change radicalement d'atmosphère et si le verbe poursuit son hommage aux personnages qui peuplent les récits d'histoires qui font peur, les mélodies se permettent des fantaisies, veulent se distinguer les unes des autres...Instruments à vents, à cordes, à clavier, à percussion jaillissent d'une portée à l'autre et se crée une symphonie aux airs romantiques qui, sans faire de comparaison stérile, rappelle parfois drôlement les bandes originales des films de Tim Burton. Le piano, notamment dans "Une autre femme", confère une atmosphère éthérée et nostalgique qui évoque celle des Noces Funèbres. Plaisir de se poser là et d'écouter le conteur Thomas nous décrire toutes ces créatures fantomatiques et l'on a envie, comme lui, d'être " Logé sous un jupon où il fait noir comme du charbon" et " où l'on s'endort comme si l'on était dans un bon lit" pour l'écouter nous évoquer...ses rencontres dans "le drap blanc du brouillard" avec une inconnue " à la robe noire boutonnée jusqu'au menton comme l'on pouvait en voir jadis en pays breton", nous emmener en balade dans une époque légère où l'on redevient des polissons qui déterrent leurs vies de jeunes filles et de jeunes garçons. On se laisse rêver à ces aventures étonnantes et on clôt le cd par un  bis bis et une consultation immédiate des programmations des salles de concert du coin... et d'ailleurs, comme on n'est pas trop égoïste, on l'a fait pour vous aussi.... Un conseil? faîtes comme le balafré: fermez les yeux et vous verrez comme l'instrument sonne bien....
Crédit-illustration: Jaquette Album: Christophe Blain Loup-garou: Arnaud Taeron (création originale bscnews)


THOMAS FERSEN - TOURNÉE
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30  Habère Poche (74)  Festival Rok and Poche


LES LOUPS-GAROUS ( chanson de l'album)
Je menais une vie honorable
Sans un remous, sans un frisson,
Avec un peignoir sur le râble
Et aux pieds une paire de chaussons.
Par une rare conjonction
Entre Vénus, Mars et Saturne,
Mordu par un chien taciturne,J’avais reçu l’extrême-onction.
Je n’allais pas passer la nuit
Et je faisais une drôle de tête,
Mais sur les douze coups de minuit,
J’ai repris du poil de la bête,
J’ai déterré ma vie d’garçon,
La terre était légère et meuble,
Ma pioche, en rencontrant le meuble,
A rendu un lugubre son.
Quand la nuit tombe sur la ville,
Je renfile
Ma vieille peau de loup-garou
Pleine de trous.
Les poules se sont mises à brailler
Comme quand le renard les dérange,
Quand j’ai pris l’auto dans la grange
Qui leur servaient de poulailler.
J’avais pas touché un klaxon
Ni démarré ce tas d’ferraille
Depuis les fameuses funérailles,
J’étais pas sorti d’mon caisson.
Quand la nuit tombe sur la ville,
Je renfile
Ma vieille pelisse de loup-garou
Pleine de trous.
Ma vieille perruque de loup-garou
Pleine de poux,
Mes vieilles chaussures de loup-garou
Pleines de boue.
Qu’est-ce que j’entends?
Une voix me raisonne:
“Tu n’as plus vingt ans
Et tes tempes grisonnent,
Et tu t’en vas courir la gueuse
Comme un jeune homme!”
J’ai roulé à tombeau ouvert
Et tant pis pour les hérissons
Qui viennent se mettre en travers,
J’ai déterré ma vie d’garçon.
J’ai déterré ma vie d’garçon,
La terre était légère et meuble,
Ma pioche, en rencontrant le meuble,
A rendu un lugubre son.
Quand la nuit tombe sur la ville,
Je renfile
Ma vieille pelure de loup-garou
Pleine de trous.
J’avais pour éteindre l’amour
Déversé le sable des jours,
Et malgré tout ce Sahara,
Je n’ai pu oublier Sarah.
Ses cheveux blonds comme pépite
Qui lui descendaient dans le dos,
Je n’en croyais pas mes orbites
En voyant cet Eldorado,
Elle déterrait sa vie d’jeune fille,
Je déterrais ma vie d’garçon,
Ensemble on est parti en vrille,
Les morts sont de grands polissons.
Quand la nuit tombe sur la ville,
On enfile
Nos vieilles peaux de loups-garous
Pleines de trous.
Quand la nuit tombe sur la ville,
On enfile
Nos vieilles pelisses de loups-garous
Pleines de trous,
Nos vieilles perruques de loups-garous
Pleines de poux,
Nos vieilles chaussures de loups-garous
Pleines de boue.
Basse violoncelle, tambourin, synthétiseur ~ Olivier Daviaud
Batterie ~ Lionel Gaget
Mandolines ~ Joseph Racaille et Pierre Sangrã (intro)
Guitare ~ Thomas Fersen
choeurs ~ Anne Millioud, Thomas Fersen