Les députés ont achevé hier la discussion des amendements relatifs aux articles de la propositon de loi déposée par M Christian Jacob et "visant à interdire l'exploration et l'exploitation des mines dhydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique". Analyse des modifications du texte qui fera l'objet d'un vote solennel ce jour.
De manière générale, les débats qui se seont déroulés à l'Assemblée nationale hier soir ont démontré l'existence d'un problème juridique important. En effet, s'il existe manifestement un consensus sur le diagnostic - c'est à dire sur les risques liés à la technique de fracturation hydraulique - il n'existe pas de consensus aussi fort sur la question des moyens de prévenir ces risques. Des divergences d'analyse se sont exprimées, à l'endroit notamment des dispositions de l'article 2 de la proposition de loi.
Tous les intervenants, au cours de la discussion générale, ont pu ainsi souligner, à raison, que le code minier n'offrait pas à ce jour à l'Etat les moyens suffisants pour répondre à la difficulté soulevée par les projets de forages de mines d'hydrocarbures non conventionnels.
Vous pouvez télécharger ici la "petite loi" soit le texte résultant des débats en séance publique mais pas encore voté par l'Assemblée nationale.
Sur les principes de précaution et de prévention
L'article 1er de la "petite loi" fait référence, d'une part à la Charte de l'environnement, d'autre part au "principe d'action préventive et de correction prévu à l'article L.110-1 du code de l'environnement".
Il y a lieu de se réjouir que la Charte de l'environnement ait été au centre des débats parlementaires sur cette proposition de loi et que son contenu ait permis d'orienter la rédaction du texte. Cela démontre tout à fait la portée et l'utilité de ce texte qui a permis d'inscrire les principes directeurs du droit de l'environnement au plus haut de notre édifice normatif. Cela démontre aussi que la Charte de l'environnement n'a pas qu'une valeur déclarative ou symbolique mais permet bien au contraire l'élaboration de dispositions concrètes applicables à un cas concret, en l'occurrence celui des hydrocabures non conventionnels.
A noter : la rédaction retenue par la Commission du développement durable faisait référence, tant au principe de précaution inscrit à l'article 5 de la Charte de l'environnement, qu'au principe de prévention inscrit à l'article L.110-1 du code de l'environnement. Ceci revenait à faire état d'un principe à valeur constitutionnelle et d'un principe à valeur législative. De plus, ces deux principes sont tout à la fois inscrits dans la Charte de l'environneemnt et dans le code de l'environnement. Enfin, d'autres principes, tel celui de participation pouvait être utilement visé.
En définitive, le texte de la petite loi fait référence à "la Charte de l'environnement" et donc à toutes ses dispositions. A cette référence constitutionnelle est ajoutée celle relative au "principe d'action préventive et de correction prévu à l'article L.110-1 du code de l'environnement.
Ce qui est intéressant tient à cette double référence aux principes de prévention et de précaution. Une même technique ou une même activité est donc susceptible de générer des risques, tant avérés qu'incertains.
Sur l'interdiction de la technique de fracturation hydraulique de la roche
Depuis le texte initial de la proposition de loi déposée par Christian Jacob, la rédaction de l'article premier a connu plusieurs évolutions, outre celle relative à la mention des principes de prévention et de précaution.
La version retenue par les députés centre l'interdiction sur la technique fracturation hydraulique qui est précisément celle susceptible, en l'état des connaissances, de présenter un risque de pollution. On notera que tous les amendements tendant à conditionner ou à assouplir cette interdiction ont été écartés. En conséquence, à la date d'entrée en vigueur, aucun forage suivi d'une fracturation hydraulique, pour l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux, ne pourra être légalement réalisé.
Sur l'abrogation des permis de recherche
Les députés ont longuement débattu de la manière d'abroger les permis exclusifs de recherche d'ores et déjà délivrés et permettant l'exploration de gisements d'hydrocarbures non conventionnels. Si un accord avait été trouvé en Commission, l'analyse juridique des conditions de cette abrogation a différé, en séance publique, entre les représentants de la majorité et de l'opposition.
Dans tous les cas de figure le problème juridique était d'une réelle complexité. Plusieurs questions de droit étaient posées : la loi peut elle ainsi abroger un acte administratif individuel créateur de droit ? La loi peut elle ainsi intervenir dans le champ de compétences du pouvoir réglementaire ? Est-il permis d'abroger un permis exclusif de recherches d'hydrocarbures non conventionnels alors que le code minier ne connaît que des hydrocarbures liquides ou gazeux sans distinguer selon leur caractère "conventionnel" ?
En définitive, la rédaction retenue de l'article 2 dispose :
"I - Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, les titulaires de permis exclusifs de recherches de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux remettent à l'autorité administrative qui a délivré les permis un rapport précisant les techniques employées ou envisagées dans le cadre de leurs activités de recherches. L'autorité administrative rend ce rapport public.
II. - Si les titulaires des permis n'ont pas remis le rapport prescrit au l ou si le rapport mentionne le recours, effectif ou éventuel, à des forages suivis de fracturation hydraulique de la roche, les permis exclusifs de recherches concernés sont abrogés.
III (nouveau). - Dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, l'autorité administrative publie au Journal officiel la liste des permis exclusifs de recherches abrogés.
IV (nouveau). - Le fait de procéder à un forage suivi de fracturation hydraulique de la roche sans l'avoir déclaré à l'autorité administrative dans le rapport prévu au l est puni d'un an d'emprisonnement et de 75000 € d'amende."
Une procédure d'abrogation différée et sous condition d'information est donc mise en place. Des sanctions pénales ont été également définies pour assurer l'effectivité de cette mesure.
L'information du Parlement
Enfin, l'article 4 de la petite loi prévoit la remise annuelle au Parlement par le Gouvernement d'un rapport sur "l'évolution des techniques d'exploration et d'exploitation et la connaissance du sous-sol français"
Le vote solennel de ce texte est prévu ce jour, lors de la 1ère séance publique qui commence à 15h.