C'est la semaine où les cultivateurs ont à redouter les "gelées blanches". Presque tous les ans, dans le cours du mois de mai, on observe ainsi un refroidissement survenant après une courte période de chaleurs presque estivales, et très souvent les arbres fruitiers et les plantes délicates ont à souffrir.
D'après le calendrier populaire, c'est aux "saints de glace" que nous devrions ce retour offensif du froid. Les "saints de glace" sont saint Mamert, saint Pancrace et saint Servais. Ils ont leurs jours les 11, 12 et 13 mai.
La tradition remonte haut, et pour expliquer ce refroidissement brusque, un astronome allemand, Erhmann, a même imaginé une théorie qui peut se résumer en quelques mots ; d'après lui, la Terre croise, vers les 11, 12 et 13 mai, un anneau d'astéroïdes - étoiles filantes, débris de comètes ; - ces petits corps célestes s'interposent entre le soleil et la terre et forment écran : la chaleur est ainsi interceptée, et nous avons froid.
"L'explication, a fait remarquer M. Henri de Parville, le savant vulgarisateur, est évidemment ingénieuse ; seulement, elle n'est pas exacte. D'abord, si elle était vraie, le refroidissement reviendrait toujours à la même date. Or, les "saints de glace" sont quelquefois si cléments que le coup de froid se produit dès les premiers jour de mai. D'autres fois, il ne se fait sentir que bien après les 11, 12 et 13. Cela dépend des années. Puis, le refroidissement est quelquefois très court ou, au contraire, il dépasse de beaucoup la durée des "saints de glace". Si bien qu'en définitive, il est malaisé de trouver une relation de cause à effet entre l'arrivée des jours consacrées aux saints Mamert, Pancrace et Servais et les froids printaniers. D'autre part, si le refroidissement avait pour origine un écran d'astéroïdes, l'écran agirait sur notre globe entier, tandis que le refroidissement observé n'est que local, embrassant une étendue plus ou moins grande, mais ne se retrouvant point partout".
La vérité est que les coups de froid du mois de mai nous viennent à la suite d'orages et de tempêtes. La terre est à peine échauffée, et il suffit d'un vent froid pour nous rappeler les rigueurs de l'hiver. Cet abaissement de la température frappe surtout notre attention au mois de mai, parce que la nature a déjà repris son air de fête, que le printemps a recommencé son oeuvre éternelle, que les oiseaux chantent et que les plantes fleurissent. Mais il n'y a ici que le résultat de dépressions barométriques arrivant de l'Atlantique sans nous prévenir et souvent par un chemin détourné. On constate ainsi une fois de plus que c'est la météorologie de l'Atlantique qui nous donnera la clef du temps pour nos climats.
"Pourquoi, demande M. de Parville, le froid récidive-t-il vers les 11, 12 et 13 mais, un peu avant, un peu après, mais vers cette époque ? En d'autres termes, pourquoi des vents du Nord à ce moment du mois de mai ? C'est que es grands courants atmosphériques se déplacent en latitude selon les déclinaisons de la lune.
"Le vent du Nord a toujours tendance à souffler après le lunistice austral, au printemps. C'est lui, et non pas les "saints de glace", qui fixe l'arrivée du froid en mai. Si le lunistice coïncide avec les 11, 12 et 13 mai, alores les "saints" sont froids ; s'il ne survient qu'un peut plus tard, les "saints" sont en retard.
En sorte que, tout compte fait, il faut consulter surtout l'arrivée du lunistice bien plutôt que les "saints de glace" pour fixer très approximativement les dates du refroidissement anormal de mai."
Cette histoire de M. de Parville a été adoptée par beaucoup de savants. Il faut la recommander à l'attention de tous ceux qui ont à redouter les gelées printanières. Et si elle est reconnue exacte, on devra accorder leur réhabilitation à ces infortunés Mamert, Pancrace et Servais, de qui le vieux dicton dit : "Sans froid ces saints ne vont jamais !" et qui pourtant, ne seraient pour rien dans le refroidissement observé d'ordinaire en mai.
Article de 1901