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Le livre de ma mère, Albert Cohen

Publié le 11 mai 2011 par Kenza
Le livre de ma mère, Albert CohenLecadre Alphonse Eugène (1842-1875), Le Sommeil. (C) RMN / Gérard Blot. Nantes, musée des Beaux-Arts***
Le livre de ma mère, Albert CohenMot de l'éditeur
Peu de livres ont connu un succès aussi constant que Le livre de ma mère. Ce livre bouleversant est l'évocation d'une femme à la fois "quotidienne" et sublime, une mère, aujourd'hui morte, qui n'a vécu que pour son fils et par son fils. Ce livre d'un fils est aussi le livre de tous les fils. Chacun de nous y reconnaîtra sa propre mère, sainte sentinelle, courage et bonté, chaleur et regard d'amour. Et tout fils pleurant sa mère disparue y retrouvera les reproches qu'il s'adresse à lui-même lorsqu'il pense à telle circonstance où il s'est montré ingrat, indifférent ou incompréhensif. Regrets ou remords toujours tardifs. "Aucun fils ne sait vraiment que sa mère mourra et tous les fils se fâchent et s'impatientent contre leurs mères, les fous si tôt punis." Mais, il faut laisser la parole à Albert Cohen.
"Allongée et grandement solitaire, toute morte, l'active d'autrefois, celle qui soigna tant son mari et son fils, la sainte Maman qui infatigablement proposait des ventouses et des compresses et d'inutiles et rassurantes tisanes, allongée, ankylosée, celle qui porta tant de plateaux à ses deux malades, allongée et aveugle, l'ancienne naïve aux yeux vifs qui croyait aux annonces des spécialités pharmaceutiques, allongée, désoeuvrée, celle qui infatigablement réconfortait. Je me rappelle soudain des mots d'elle lorsqu'un jour quelqu'un m'avait fait injustement souffrir. Au lieu de me consoler par des mots abstraits et prétendument sages, elle s'était bornée à me dire: "Mets ton chapeau de côté, mon fils, et sors et va te divertir, car tu es jeune, va, ennemi de toi-même." Ainsi parlait ma sage Maman."
Biographie
Le livre de ma mère, Albert Cohen Albert Cohen, né en 1985 à Corfou (Grèce), a fait ses études secondaires à Marseille et ses études universitaires à Genève. Il a été attaché à la division diplomatique du Bureau international du travail, à Genève. Pendant la guerre, il a été à Londres le conseiller juridique du Comité intergouvernemental pour les réfugiés, dont faisaient notamment partie la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis. En cette qualité, il a été chargé de l’élaboration de l’accord international du 15 octobre 1946 relatif à la protection des réfugiés. Après la guerre, il a été directeur dans l’une des institutions spécialisées des Nations-Unies.
 Albert Cohen a publié Solal en 1930, Mangeclous en 1938 et Le livre de ma mère en 1954. En 1968, le Grand Prix du roman de l’Académie française lui est décerné pour Belle du Seigneur. En 1969, il publie Les Valeureux, en 1972 Ô vous, frères humains et en 1979 Carnets 1978. Il est mort à Genève le 17 octobre 1981.
Extraits
 "Un dernier regard au miroir, pour ôter les dernières traces de la poudre de riz qu'en ce jour de fête elle mettait en secret et avec un grand sentiment de péché, une naïve poudre blanche de Roget et Gallet, qui s'appelait, je crois, " Vera Violetta ". Et vite elle allait ouvrir la porte, assujettie par une chaîne de sûreté, car on ne sait jamais et les souvenirs des pogromes sont tenaces. Vite préparer l'entrée des deux précieux. Telle était la vie passionnelle de ma sainte mère. Peu Hollywood, comme vous voyez. Les compliments de son mari et de son fils et leur bonheur, c'était tout ce qu'elle demandait de la vie."
 

Le livre de ma mère, Albert Cohen

Bachelier Jean-Jacques (1724-1806), Chat angora. RMN / Agence Bulloz

 "C'est le seul faux bonheur qui me reste, d'écrire sur elle, pas rasé, avec de la musique inécoutée de la radio, avec ma chatte à qui, en secret, je parle dans le dialecte vénitien des Juifs de Corfou, que je parlais parfois avec ma mère. Mon impassible chatte, mon ersatz de mère, ma piteuse petite mère si peu aimante. Quelquefois, lorsque je suis seul avec ma chatte, je me penche vers elle et je l'appelle ma petite Maman. Mais ma chatte me regarde et ne comprend pas. Et je reste seul, avec ma ridicule tendresse en chômage."
 "Maintenant, c'est la portière du wagon à la gare de Genève, et le train va partir. Décoiffée, le chapeau piteusement de côté, la bouche stupéfaite de malheur, les yeux brillants de malheur, elle me regarde tellement, pour prendre le plus possible de moi avant que le train s'ébranle. Elle me bénit, elle me recommande de ne pas fumer plus de vingt cigarettes par jour, de bien me couvrir en hiver. Dans ses yeux, il y a une folie de tendresse, une divine folie. C'est la maternité. C'est la majesté de l'amour, la loi sublime, un regard de Dieu. Soudain, elle m'apparaît comme la preuve de Dieu."

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