Glenn Branca l’interview

Publié le 11 mai 2011 par Hartzine

Glenn Branca fait partie de ces légendes qu’on ne sait trop par quel bout attaquer, et de ces musiciens dont on a l’impression qu’on ne comprendra jamais l’oeuvre tant sa complexité et son intelligence nous dépassent. Sa force se trouve dans une sorte d’évidence qui refuse de se révéler à la première écoute. La musique de Branca n’est pas facile. Il faut aller à sa recherche, l’observer longtemps avant de pouvoir commencer à l’apprivoiser - peut-être. Ses albums forment un chaos déroutant que l’on sait parfaitement ordonné et régi par des lois mathématiques précises sans parvenir à y discerner une quelconque structure. Ses morceaux sont comme un monument sans portes ni fenêtres : on sait que son ascension sera longue.

L’homme lui-même comporte plusieurs facettes complexes. D’abord acteur, puis auteur et metteur en scène de théâtre, il fonde le Bastard Theater à Boston, pour lequel il composera ses premiers morceaux, vers 1975, interprétés en live pendant les représentations. Peu de temps après son installation à New-York en 1976, il rencontre Jeff Lohn, avec qui il crée les Theoretical Girls, fameux groupe no wave qui exista jusqu’au début des années 80, et au sein duquel son intérêt pour les riffs répétitifs et les changements soudains de dynamique commence à émerger. C’est d’ailleurs à la même époque que Branca se révèle en tant que compositeur. En 1981, il publie The Ascension, un album pour quatre guitares, une basse et une batterie, sorte de cataclysme électrique qui prend déjà de l’avance sur tout ce que le rock alternatif pourra faire de mieux dans les trois décennies à venir. Les liens entre le compositeur d’avant-garde et la scène rock new-yorkaise sont d’ailleurs loin d’être inexistants : c’est au sein de ses formations que Lee Ranaldo, Thurston Moore (Sonic Youth) ou encore Michael Gira (Swans) ou Page Hamilton (Helmet) ont fait leurs classes. Visionnaire et ambitieux, Branca se plonge ensuite corps et âme dans la création de symphonies - il en a composé une quinzaine à ce jour, toutes interprétées par des orchestres majeurs à travers le monde. En juin 2001, dans une sorte d’avant-goût apocalyptique des événements à venir, Glenn Branca dirige un ensemble monstrueux de 100 guitares au pied du World Trade Center. Cette année, il revient avec la suite de The Ascension - The Ascension: The Sequel -, qu’il présentera pour la première fois au public français le 28 mai prochain dans la Grande Halle de la Villette à l’occasion de l’irréprochable festival Villette Sonique. En attendant, il se confie à Hartzine sur ses relations avec Sonic Youth, le rock et les arts plastiques.

Quel rôle vous sied le mieux : compositeur, interprète, chef d’orchestre ?
Which role suits you best among composer, performer or conductor?

J’aime écrire, c’est tout. Si je n’y étais pas obligé, je ne quitterais jamais mon appartement. J’ai commencé comme acteur lorsque j’avais 11 ans, mais arrivé à l’âge de 20 ans, j’écrivais et je dirigeais déjà des pièces. Jouer ne m’intéressait plus. En même temps, j’étais un fanatique et un collectionneur de musique depuis mon adolescence. J’ai commencé à jouer de la guitare à 15 ans et j’ai toujours pensé à former un groupe, mais je n’ai jamais pris cette idée au sérieux puisque le théâtre était ma priorité. Mais finalement, j’ai commencé à incorporer de la musique originale à mes pièces. Puis, quand j’ai déménagé à New-York, j’ai rencontré par pure coïncidence une personne qui faisait du théâtre et était aussi très intéressée par la musique (Jeff Lohn, ndlr). Nous avons fondé le groupe Theoretical Girls pour rigoler. Nos goûts se sont révélés être très semblables. Nous étions tous les deux intéressés par le jazz, le rock, la musique classique moderne, l’expérimentalisme et l’art performance. Le groupe était donc un étrange mélange de toutes ces influences. Etonnamment, après seulement quelques performances dans des lofts et des lieux dédiés à l’art, nous avons acquis une large audience et avons obtenu quelques critiques dans la presse. A partir de ce moment-là, je me suis beaucoup intéressé à la guitare et j’ai commencé à penser que je pourrais appliquer mes idées sur le théâtre à la musique ; sauf que pour la musique, j’avais besoin de jouer. Le groupe n’a duré qu’environ un an mais j’imaginais le potentiel qu’il pourrait y avoir à écrire des morceaux qui dureraient toute une soirée, comme des pièces de théâtre. Encore une fois, je me voyais obligé de jouer alors qu’une musique de cette ampleur avait besoin d’être dirigée. Bien que j’aimasse diriger, ce n’était pas aussi satisfaisant que de composer. C’était une immense distraction, mais aussi le seul moyen de faire jouer cette musique. C’est encore très souvent le cas, et c’est l’unique raison pour laquelle je me produis encore moi-même.

I like to write. That’s it. I would never leave my apartment if I didn’t have to. I started performing as an actor when I was eleven years old but by the time I reached my early 20’s I was writing and directing plays. Performing no longer interested me. At the same time I had been a fanatic music lover and collector since my teens. I had started playing the guitar when I was 15 and had always thought about starting a band but never took it seriously since theater was what I intended to do. But eventually I started incorporating original music into my theater pieces. Then, purely coincidentally, when I moved to New York I met someone who was doing theater but was also very interested in music (Jeff Lohn). We started the band Theoretical Girls as a lark. As it happened our tastes were very similar. We both were interested in jazz, rock, modern classical music, experimentalism and performance art. So the band was an odd mixture of all of these influences. Surprisingly after just a few performances in lofts and art spaces we had gained a large audience and were getting some write-ups in the press. At this point I was taking a serious interest in the guitar and began to think that I could apply my ideas about theater to music, but the music required me to perform. The band only lasted for about a year but I was already imagining the potential for writing full evening length music pieces similar in a way to writing plays. Again I found myself having to perform since this kind of larger scale music had to be conducted. Although I enjoyed conducting it still was not as satisfying as writing music. It was also a tremendous distraction but was the only way I could get the music performed. Very often this is still the case and is really the only reason that I perform anymore.

Le 28 mai, vous allez jouer juste avant Thurston Moore. Où en sont vos relations avec Sonic Youth aujourd’hui ?
On the 28th of May, you’re going to perform right before Thurston Moore. How would you describe your relationship with Sonic Youth today?

Il n’y a pas grand chose à dire. Nous sommes en contact occasionnellement, mais uniquement pour des raisons professionnelles. Même quand nous partageons une affiche ou que nous jouons dans le même festival, nous ne faisons que nous croiser. Pour la plupart des choses, nous ne faisons pas partie du même monde.

Nothing much to describe. We still stay in touch on occasion but usually only for business purposes. We rarely only see each other when we’re playing on the same bill or festival. For the most part we don’t occupy the same worlds.

Au début des années 80, l’artiste conceptuel Dan Graham vous a demandé de composer le Theme for a Drive through Suburbia pour sa vidéo Rock my Religion (extrait). Quels souvenirs avez-vous de cette expérience ?
In the early 80’s, the conceptual artist Dan Graham asked you to compose the Theme for a Drive through Suburbia for his video Rock my Religion (extract). What memories did you keep of this experience?

Dan et moi avons beaucoup travaillé ensemble. J’étais avec lui quand il a filmé The Drive Through Suburbia. Nous nous sommes même arrêtés à la maison dans laquelle il a grandi dans le New Jersey. En fait, Suburbia était une vidéo indépendante qui a été incluse dans Rock my Religion. Plus tard, nous avons collaboré pour une installation à l’occasion d’une rétrospective de son travail à Berne. Le morceau que j’ai écrit pour cette performance s’appelait Acoustic Phenomena. A la fin des années 70, mon groupe The Static a partagé l’affiche avec sa performance Performer/Audience Mirror aux Riverside Studios de Londres. J’ai aussi écrit un morceau pour choeur intitulé Bestiarium pour une série d’installations du même nom sur laquelle Dan travaillait avec Rudiger Schottle. Je crois que le spectacle tourne en France en ce moment. Pendant quelques années, nous avons également travaillé ensemble sur un opéra collaboratif fondé sur le film des années 60 Wild in the Streets, pour lequel nous avons aussi essayé de récolter des fonds.

Dan and I did a lot of work together. I went with him when he shot The Drive Through Suburbia. We even took a stop at the house where he grew up in New Jersey. Actually Suburbia was a separate film that was included in Rock My Religion. Later we collaborated on a performance installation that we did as part of a retrospective of his work in Bern. The piece I wrote for that was Acoustic Phenomena. Earlier on in the late 70’s my band The Static performed on the bill with his performance piece Performer/Audience/Mirror at the Riverside Studios in London. I also wrote a choral piece called Bestiarium for a group installation of the same name that Dan was working on with Rudiger Schottle. I believe that the show is on display in France at the moment. Over the years we’ve also worked on and been trying to raise money for a collaborative opera based on the 60’s film Wild In The Streets.

Avez-vous collaboré de la même façon avec d’autres artistes visuels ? Quels sont vos rapports avec les arts plastiques ?
Did you collaborate with any other visual artist in a similar way? How are you related to visual arts?

Il n’y a pas eu tant de collaborations, mais j’ai moi-même produit des oeuvres appartenant aux arts plastiques. J’ai eu deux expositions personnelles et ai participé à plusieurs expositions collectives. Au milieu des années 80, je faisais des dessins à partir de mon travail sur les séries harmoniques. Ils ont été présentés à l’exposition Classical Space. Pendant un moment, ces dessins ont été rattachés à l’éphémère scène de l’abstraction néo-géométrique. J’ai aussi édité, avec ma copine de l’époque (Barbara Ess, ndlr), trois numéros de Just Another Asshole (un magazine no wave, ndlr). J’ai écrit plusieurs pièces de danse et de théâtre et j’ai composé des musiques de film, pour Peter Greenaway entre autres. Robert Longo voulait que je m’occupe de la bande originale de Johnny Mnemonic, mais l’Union des Musiciens Canadiens ne permettait pas à un compositeur américain de le faire.

Not so much collaboration. But I have done some visual art myself. Two solo shows and a number of group shows. In the mid-80’s I was doing drawings based on my work with the harmonic series. That show was called Classical Space. For a time these drawings were included as part of the short-lived Neo-Geometric Abstraction scene. I also edited, with my girlfriend at the time (Barbara Ess), three issues of Just Another Asshole (a no wave magazine). I’ve written many pieces for dance and theater as well as some film music for Peter Greenaway among others. Robert Longo wanted me to do the soundtrack for Johnny Mnemonic but the Canadian musicians union wouldn’t allow an American composer to do it.

Une dernière question à propos de Dan Graham et de Sonic Youth… Quand on parle des débuts de Sonic Youth, vous êtes systématiquement cité, mais jamais Dan Graham. Pourtant, il me semble qu’il a joué un rôle important dans la naissance du groupe. Pourquoi cet oubli ?
I have a last question about Dan Graham and Sonic Youth… When we talk about Sonic Youth’s beginnings, you are systematically mentioned whereas Dan Graham isn’t. Though, it seems to me that he held an important role in the band’s birth. Why this omission?

Ce n’est pas à moi de le dire, je ne suis pas journaliste. Peut-être est-ce parce que Dan n’est pas musicien ? Peut-être parce que le groupe lui-même n’en parle pas vraiment ? D’un autre côté, Lee et Thurston ont tous les deux joué dans mon groupe pendant une assez longue période et ont enregistré avec moi. Et c’est sans compter le fait que c’est mon label qui a publié les deux premiers albums de Sonic Youth. Et puis, évidemment, il y a le fait que pendant des années, la presse a accusé Sonic Youth de voler ma musique. Vous savez comment est la presse : il suffit que quelques personnes commencent à dire quelque chose pour que ce soit répété et devienne finalement évident. L’opposé peut aussi être vrai. Si personne n’en parle, eh bien personne n’en parle. En fait, Dan a peut-être plus à voir avec les débuts de Theoretical Girls. Après tout, c’est lui qui nous a dégoté notre premier concert.

That’s not for me to say. I’m not a journalist. Maybe it’s because Dan’s not a musician? Maybe because Sonic Youth doesn’t say much about it? But on the other hand Lee and Thurston were both in my band for quite a long time and did quite a few recordings with me. Not to mention the fact that my label released their first two albums. And then of course there’s the fact that for many years the press accused Sonic Youth of stealing my sound. You know how the press is, if a few people start saying something it gets repeated and eventually becomes axiomatic. The opposite can also be true. If no one’s talking about it then no one talks about it. Actually Dan may have had more to do with Theoretical Girls’ beginnings. After all he did get us our first gig.

Vous avez composé et dirigé des pièces pour une centaine de musiciens, dans lesquelles la part d’improvisation était nulle. Quelle place tient l’improvisation dans le reste de votre travail ?
You composed and directed different works for hundreds of musicians in which the improvisation part was nonexistent. How important is improvisation in the rest of your work?

Oui, j’ai écrit des morceaux pour des centaines de musiciens, mais jamais pour plus de cent à la fois. Je ne suis pas sûr de la raison pour laquelle vous m’interrogez sur l’improvisation. C’est vrai que je mets toujours en oeuvre de l’improvisation structurée dans ma musique. Ça n’a rien à voir avec l’improvisation libre. En réalité, ce type d’improvisation est tellement structuré que personne dans le public ne remarquera jamais qu’on improvise. Cette technique est totalement différente du jazz, et le mot même d’”improvisation” est impropre dans ce contexte.

Yes, I’ve written works for hundreds of musicians but never for more than 100 at any given time. I’m not sure why you’re asking me about improv. It’s true that I’ve always used structured improv in my music, and still do. But structured improv is an entirely different thing than free improv. In fact this type of improv is so tightly structured that no audience would ever know that that technique was being used. This type of improv is nothing like jazz and the word improv is really a misnomer in this context.


Vous avez travaillé avec des groupes de rock, des ensembles de guitares, des orchestres symphoniques… Avez-vous une préférence pour l’une de ces configurations ?
You collaborated with rock bands, guitars ensembles, symphonic orchestras… Do you have any preference for one of these configurations?

Oui : je suis plus intéressé par le fait d’écrire pour des orchestres symphoniques. Trois albums de ma musique pour orchestre sont désormais disponibles, bien que j’en aie composé bien plus dans les vingt-cinq dernières années, en comptant un opéra qui n’a pas été produit. En ce moment, je travaille sur ma Symphony No. 14 (The Harmonic Series), dont le premier mouvement a déjà été commandé et joué par l’orchestre symphonique de Saint-Louis dirigé par David Robertson.

Yes, my primary interest is in writing for symphonic orchestras. There are three albums of my orchestral music now available although I’ve written far more orchestra music than that in the last 25 years, including an unproduced opera. Right now I’m working on my Symphony No. 14 (The Harmonic Series) the first movement of which has already been commissioned and performed by The St. Louis Symphony Orchestra conducted by David Robertson.

J’ai lu que désormais, vous étiez plus amateur de littérature que de musique. Il n’y a pourtant jamais eu beaucoup de mots dans vos morceaux. Avez-vous déjà eu envie de collaborer avec un écrivain ou de mettre une oeuvre littéraire en musique ?
I read that you were now more into literature than into music. Yet, there have never been a lot of words in your works. Have you ever wanted to collaborate with a writer or turn a literary work into music?

J’adore lire. Les auteurs que j’aime sont trop nombreux pour être listés ici. C’est mon passe-temps. Mais mon véritable intérêt, c’est la musique. Cette dernière est un casse-tête que mon esprit essaye de résoudre continuellement, que je sois en train d’écrire ou pas. Les gens les plus intéressants que j’aie jamais rencontrés sont des écrivains, et leur travail est une immense source d’inspiration. Parfois, je me représente la musique comme un roman - la chanson étant alors la nouvelle.

I love to read. The authors I like would be far too many to list here. I also collect. It’s my hobby. But what I’m into is music. Music is a puzzle that my mind is working on all the time whether I’m writing it or not. The most interesting people I’ve ever met are writers and their work is a tremendous inspiration. Sometimes I think of the long form of music as being like a novel. The short story being the song form.

Vous avez dit : « J’écris de la musique seulement pour moi-même ». Est-ce que vous pensez que c’est ce que tout compositeur devrait faire ? Le public doit-il avoir un rôle actif dans vos oeuvres ou se contenter d’écouter ?
You once said: “I write music totally for myself“. Do you think every composer should act the same way? Do you think the audience should play an active role in your works or should they just be listeners?

Je ne pense pas que tous les compositeurs travaillent de cette façon. Mais si vous lisez les interviews de n’importe quel artiste ou compositeur sérieux, vous trouverez la même réponse. Les musiciens pop et les écrivains commerciaux font ce qu’ils pensent que le public veut, mais quelqu’un qui crée pour l’amour de l’art et pas uniquement pour l’argent ou la gloire le fait pour lui-même. Si vous voulez faire quelque chose de nouveau, quelque chose de différent, quelque chose que personne n’a déjà vu ou entendu avant, vous ne pouvez pas vous contentez d’imiter ce que le public aime déjà. Vous devez ressentir le besoin de quelque chose que vous ne pourrez pas obtenir de ce que les autres font, puis penser à un moyen de le réaliser. Le seul critère que vous devez remplir est celui de votre propre satisfaction.
Est-ce que je pense que le public devrait jouer un rôle actif ? Je ne suis pas d’accord avec vous sur le fait qu’écouter n’est pas déjà un rôle actif. L’écoute est ce par quoi j’ai commencé, et ce que je fais toujours. C’est grâce à l’écoute que j’ai appris ce que la musique était et ce qu’elle pourrait être.

I don’t think every composer acts the same way. But if you read interviews with any serious artists or composers you’ll eventually find the same answer. Pop musicians and commercial writers and artists may do what they think the audience wants but anyone who does it for the love of it and not just the money or fame does it for themselves. If you want to do something new, something different, something that no one’s ever seen or heard before you can’t just imitate what the audience already likes. You have to need something that you aren’t getting from what other people are doing, then start thinking about a way to do it. The only criteria you have to succeed in this is in satisfying yourself.
Do I think the audience should play an active role? I don’t agree with you that listening is not an active role. Listening is how I started and what I still do. Listening is how I learned what music was and what it could be.

De quels musiciens vous sentez-vous proches ?
Which musicians do you feel close to?

Les minimalistes. Steve Reich, Phil Glass, Phill Niblock, John Adams, Charlemagne Palestine, Michael Gordan, Phil Kline, La Monte Young… Des gens qui sont bons et originaux, qui sont restés intègres et ont cru dans ce qu’ils faisaient quand ce n’était le cas de personne. Et bien sûr les compositeurs que je nomme à la fin de l’interview.

The minimalists. Steve Reich, Phil Glass, Phill Niblock, John Adams, Charlemagne Palestine, Michael Gordan, Phil Kline, La Monte Young… People who are good and original, who have maintained their integrity and have believed in what they do even when others didn’t. And of course composers like the ones named at the end of the interview.

Vous semblez vous concentrer davantage sur la rigueur des compositions que sur leur interprétation et les effets. Pourtant, ce n’est pas forcément facile à entendre au premier abord pour le public. Qu’en pensez-vous ?
You seem to be more focused on the rigor of compositions than on the interpretation and effects. However, it is quite hard for the audience to notice that at first listen. What could you say about this?

Oui, c’est vrai. Et oui, c’est parfois difficile à entendre au premier abord. Mais l’une des plus merveilleuses choses à propos de la musique est que l’on peut l’écouter plusieurs fois. J’aime la musique qui, plus je l’écoute, me donne davantage. La musique que je préfère est celle que j’ai détestée la première fois que je l’ai entendue.

Yes, I am. And yes it is hard to notice it at first listen sometimes. But one of the great things about music is that you can listen many times. I like music that gives me more the more I listen to it. Some of my favorite music is music that I hated the first time I heard it.



Vous avez eu une grande influence sur plusieurs groupes de rock, mais votre musique semble plus difficile d’accès que le rock. Finalement, à quel monde appartenez-vous, celui du rock ou celui de la musique expérimentale ?
You had a huge influence on several rock bands, although, your music seems harder to understand than rock. In fact, do you associate your music to rock music or experimental music?

J’ai toujours été un expérimentaliste. J’ai d’abord pensé que mon groupe faisait du rock expérimental, jusqu’à ce qu’on commence à appeler ça no wave. Quant à ce que je fais désormais… Je veux seulement que ce soit bon.

I’ve always been an experimentalist. I first thought of my band as “experimental rock” until they started calling it No Wave. As far as what I do now… I just want it to be good.


Enfin, pouvez-vous nous présenter ce que vous allez interpréter à Paris le 28 mai ?
At last, could you introduce us to what you’re going to play in Paris on the 28th of May?

Nous allons jouer en entier mon nouvel album, The Ascension: The Sequel.

We’re going to do the whole of my new album The Ascension: The Sequel.

The Ascension: The Sequel est un nouvel album écrit et enregistré en 2009 et publié en 2010. Il utilise la même configuration que l’Ascension originale de 1981 - quatre guitares, une basse et une batterie. Les morceaux qui figurent sur l’album sont : The Tone Row that Ruled the World, Carbon Monoxide, Quadratonic, Lesson No. 3 (Tribute to Steve Reich), The Blood, et Lost Chords. Ils ont été enregistrés et mixés par James Farber dans le même studio que l’Ascension d’origine. La pochette est de Robert Longo, comme celle de la première Ascension. Les musiciens, dirigés par Glenn Branca, sont Reg Bloor, Greg McMullen, Eric Hubel et Evelyn Buhler à la guitare, Ryan Walsh à la basse et Libby Fab à la batterie.

The Ascension: The Sequel is a new recording written and recorded in 2009 and released in 2010. This recording is for the same instrumentation of four guitars, bass and drums as was the original Ascension that was released in 1981. The pieces on this CD are: The Tone Row That Ruled The World, Carbon Monoxide, Quadratonic, Lesson No. 3 (Tribute to Steve Reich), The Blood and Lost Chords. It was recorded and mixed by James Farber in the same studio and the same room as the original Ascension. The cover is also by Robert Longo who did the cover for the original Ascension. The musicians are, on guitars: Reg Bloor, Greg McMullen, Eric Hubel and Evelyn Buhler. On bass: Ryan Walsh and on drums: Libby Fab. Conducting is Glenn Branca.

Pourriez-vous nous composer une petite playlist commentée ?
Also, do you think that would be possible to do a small playlist with comments?

La musique qui m’intéresse le plus en ce moment est celle de Debussy, de Xenakis, de Scelsi, d’Ives, et les sonates pour piano de Beethoven, ainsi que le jazz de la fin des années 50 et du début des années 60 du style de Miles Davis. Plutôt que de la commenter, je crois que leur musique parle d’elle-même. Je pense aussi que les compositeurs du XXIe siècle gagneraient beaucoup à l’écouter avec attention.

The music that most interests me at the moment are the works of Debussy, Xenakis, Scelsi, Ives and the piano sonatas of Beethoven as well as the Miles-style jazz of the late 50’s to the late 60’s. As far as commenting on it I think that the music speaks for itself. I also think that composers of the 21st Century would benefit greatly from paying close attention to it.


Traduction : Lüna Sayag, Hamza Alami et Emeline Ancel-Pirouelle

Merci à Adrien Durand.

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