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Comment ne pas être frappé par la similitude des existences de la femme chinoisequ’elle soit Han ou Hui à l’époque des dynasties chinoises, etde la femme musulmane marocaine d'autrefois : même enfermement, même non -existence,même statut inférieur ! Concubine ou femme de harem ,femme sans droit , étouffée etsans liberté, quelle différence ?Qu’onrelise le terrible et émouvant livre « Pierresde l’oiseau Jing Wai » de Qiu Jin , , ou « Jia»(1931 )de Ba kin , et pour ce qui est de la littératuremarocaine d’expression française, d’abord sous la plume d’hommes prenant ladéfense des femmes opprimées par la société patriarcale marocaine « Lacivilisation ma mère ! » (1972) de Driss Chraïbi ou « Lanuit sacrée »(1987) qui valut à Tahar Benjelloun le prix Goncourt et dont l’intrigue est tout àfait similaire au film chinois de Tian Ming Wu« le roi de masques»(1996)
Mais il faut souligner l’énormedifférence entre les femmes musulmanes chinoises et marocaines : Lesfemmes musulmanes chinoises, de par la constitution laïque de la Chine sont d’abordet exclusivement chinoises au regard de la loi , tandis que les femmesmarocaines , sujettes d’un royaume danslequel l’Islam est religion d’état, sont soumises à la loi religieuse du statutpersonnel « la Moudouana » qui certes a été modifiée une première fois en1993 sous le Roi Hassan II puisbouleversée en 2003, à l’initiative de Sa Majesté le Roi MohammedVI.L'essentiel des modifications de cette loi porte sur l'âge du mariage fixé désormais à 18 ans , sur la disparitionde la tutelle de la femme pour le mariage, sur le fait que l'homme ne peut plusrépudier sa femme , que celle-ci peutdemander le divorce et que la polygamieest désormais interdite. Quelques années après, on constate que la pratiqueréelle est quand même loin des principes du texte, même si le nombre de demandede divorces, faite à l’initiative de la femme, a explosé en ville.) ****
Née en 1940 à Fès, Fatema Mernissi estinscrite dans l’une des premières écoles privées mixtes du pays. Elle poursuitses études à Rabat, puis en France et aux Etats-Unis. Professeur àl'institut universitaire de recherche scientifique de l'université Mohammed-V àRabat, elle est membre du Conseil d'universitédes Nations unies Le Fennec. Âgée de 66 ans. Elle est considérée comme l’unedes voix féminines les plus importantes du monde arabe et a été récompenséepour son oeuvre en 2003 par le Prix Prince des Asturies, distinction derenommée mondiale, se situant, selon les experts, juste derrière le Prix Nobel
Dans Rêvesde femmes, l’auteur nous convie, à traversle regard volontiers frondeur d'une petite fille , à une plongée dans l'univers clos des femmes qui rêvent sur les terrasses de Fès, capitalespirituelle du Maroc, à un monde où il n'yaurait plus de barrières, où l'espace serait désormais ouvert.
Pour Fatema Mernissi , le harem « c'est avant tout une architecture où le monde est divisé en deux :l'espace privé et l'espace public. Les hommes ont accès aux deux quand lesfemmes restent cantonnées dans l'espace privé. Dans mon harem, les femmesn'avaient pas le droit de sortir. Aller écouter Allal El Fassi (1)à la Qaraouiyine(2) donnaitdéjà lieu à de redoutables négociations»déclare Fatema Mernissi, qui aconnu l'authentique "espace musulman" de la séparation des sexes,grandissant parmi des femmes cloîtrées dans des jardins, qui donnent sur descours, qui donnent sur d'autres jardins... mais jamais dehors .Constatant qu’onne sort jamais indemne d’un Harem elle ajoute « En fait, le harem est une architecture que l'on s'impose à soi-même,quel que soit l'endroit ou la culture. »(interview dans l’hebdomadaire marocain « Telquel »en 2003)
le Coran lui-même souligne trois supériorités à respecterscrupuleusement (on dirait presque quelques unes des règles confucéennes, lareligion en plus !!): celle du musulman sur le non-musulman, celle dusujet libre sur l'esclave et celle de l'homme sur la femme. Peut-il êtrepossible, dans ces conditions, dechanger cet ordre des choses dans le monde musulman ?
Ce sera pourtant le défi de toute l’œuvre de FatemaMernissi qui à travers l’étude de la Sunna (tradition), des milliers de Hadiths qui lasous-tendent (dires attribués au Prophète), et de toute la Sira (biographie de Mohammed) relève que les femmes sont autour du Prophète, d’une omniprésence capitale : « le premier humain converti parMohammed est d’ailleurs une femme, Khadija. Par ailleurs, au cours de sesrecherches ,elle arrive au constat que tout ce que la Sira raconte des relations duProphète et de ses différentes épouses, montre un couple magnifiquementéquilibré. ". Mais si les nombreusescorrections que les musulmans apporteront au Coran et à la Sunna (tradition) partiront dans beaucoup de directionscontradictoires, un seul domaine sera systématiquement corrigé dans le mêmesens : les femmes devront nécessairementêtre soumises aux hommes, alors que cette "évidence" s'oppose à toutl'élan initial de la prophétie ».Et d’ajouter : « Ce n'est que treize siècles après, que cet aspect dumessage peut de nouveau être entendu »constant que dans le camp sunnitecomme dans le camp chiite « lafolle intuition féminine du Prophète sera étouffée »(entretien avec larevue française« nouvelles clés »).Donc, l’enfermement des femmes est du exclusivement aucaractère patriarcal des sociétés et non à la religion musulmane, religion surlaquelle au contraire il faudrait s’appuyer, dans son authenticité, pour faireévoluer la condition des femmesmusulmanes arabes
Rèves de femmes, c’est déjà aujourd’hui, pour certaines des filles de ces femmes, emmurées vivantes derrière lesmurs et les moucharabieh (3) : elles ont pris leur place dans la société marocaine d’aujourd’huiet se sont fait un destin à la hauteurdes rêves de leur mère ou de leur grand-mère. Mais la crispation de l’Islamintégriste, sa progression rampante dans la société défavorisée pourrait faireredouter le pire ! .