Il est des événements de la vie culturelle qui semblent totalement incontournables. Ceux pour lesquels on va mettre une robe, faire trois heures de queue, dépenser une fortune et tuer tout un tas de gens. La Monumenta fait partie de ces OVNI.
Exposition-installation éphémère sous la nef du Grand Palais, Monumenta, cette année, c'est Anish Kapoor. LA star de l'art contemporain. Celui dont il faut caser le nom dans les conversation branchées du milieu culturel. Et aujourd'hui avait lieu le vernissage de ce qui était attendu depuis un an : Leviathan.
L'avantage d'avoir dans ses proches amis un chargé de mécénat, c'est qu'il peut vous trimbaler à tous les vernissages parisiens. Et je me serais battue pour être à celui là. C'est donc armée d'une robe noire et d'un vernis à ongle fuchsia que je me suis rendue au Grand Palais.
Et que j'y ai vu le monstre. Ou plutôt, que je l'ai appréhender, que je l'ai vécu.
Attention. Spoiler.
Si jamais vous avez l'intention d'y aller, je vous déconseille de lire la suite, qui dévoile des moments clés de l'intrigue.
Léviathan est bel et bien un monstre, gigantesque, grenat, en plastique plus ou moins mou, quadrilobé. Une baudruche géante. Une cacahouète énorme. D'abord, on lui tourne autour, on s'approche, on touche afin de voir si la bête est inerte, on cherche le buffet, et on finit par se rendre compte que des centaines de personnes font la queue... Pour entrer à l'intérieur du monstre.
A ce stade, une stratégie s'impose : faire la queue au buffet, chopper des flutes de champagne, dresser une liste de sujets de conversation, et rejoindre la file de visiteurs (chargés de mission culturelle, conservateurs, galeristes, pétasses, bobos, couples gays et élèves de l'Ecole du Louvre... la faune habituelle).
Des médiateurs distribuent allégrement les livrets de présentation, pour passer le temps. Mais le champagne et les conversations langue-de-pute sont bien plus efficaces. Bien entendu, il convient de ne pas oublier de caser, disons tous les vingt mètres, à quel point Anish Kapoor est un artiste majeur, Ma-Jeur !
1h15 plus tard, une pyramide de flûtes vides, dressées par les visiteurs au fil de la soirée, annonce la fin de la récréation, et le début des choses sérieuses. Un sas. Un second sas plongé dans la pénombre. Un tourniquet. Et le vide.
Ou plutôt, un espace plein de vide, noir et rouge, étouffant, à peine éclairé... Le Léviathan nous a bel et bien avalés tout cru, et nos repères avec. On ne voit rien, on ne sait pas où sont les murs, on ne sait pas non plus si le bruit assourdissant vient de l'extérieur de l'oeuvre ou si c'est l'échos de nos conversations, on ne voit pas le sol... Pinochio dans le ventre de la baleine.
Nous sommes restés 1h40 dans le Grand Palais, deux minutes dans l'oeuvre. Tout ça pour ça ? Oui, et ça en valait la peine.
Lo, dévorée