Le 24 mars, à Deraa les services de sécurité tirent à balles réelles sur les manifestants et des unités spéciales attaquent la mosquée transformée dans ces circonstances en hôpital pour les blessés. Depuis cette date, les manifestations ont pris de l’ampleur dans toute la Syrie, tout comme la répression. Dans la petite ville d’Al-Beida, tous les hommes ont été arrêtés en une seule journée. Plusieurs villes ont été encerclées par l’armée et, dans certains cas, privées d’électricité, de téléphone, de nourriture et d’eau. Quotidiennement, dans toutes les régions de la Syrie, les forces de sécurité tirent sur les manifestants. Ils achèvent ensuite les blessés à coups de matraque dans la rue, ou dans les hôpitaux. Les morts se comptent par centaines.
Le gouvernement, tout en niant le fait qu’il y ait des manifestations, a d’abord dit que les violences étaient l’œuvre d’agitateurs israéliens, ou de gens travaillant pour les intérêts occidentaux, qui visent à déstabiliser le pays. Plus tard, le gouvernement a affirmé qu’il s’agissait plutôt d’islamistes. Ces allégations n’ont convaincu personne : les autorités égyptiennes et libyennes avaient tenté la même diversion. Afin d’éviter le même sort que les régimes tunisien, égyptien et libyen, le régime syrien s’est inspiré de l’expérience iranienne pour réprimer les manifestations : il a remplacé l’armée et la police par les membres des services secrets et par des unités militaires spéciales dirigées par le frère du président, Maher Al-Assad. Ces gens d’armes de carrière sont habillés en civil et attaquent une population qui ne porte que des fleurs et des branches d’olivier en signe de pacifisme. Le président, Bashar Al-Assad, peut ainsi nier toute implication de l’état dans les violences commises sur la population. Pourtant, la chaîne Al-Jazeera, entre autres, a diffusé une vidéo montrant les agents de sécurité, lourdement armés, battant des civils ligotés et entassés sur le sol et revendiquant l’autorité du président en disant : « Dieu, Syrie, Bashar et c’est tout ! » et « Bashar, ne t’inquiète pas, tu as des hommes qui boivent du sang ! » Quant au peuple, leur slogan est différent : « Dieu, Syrie, liberté et c’est tout ! » Il revendique la liberté pour tous : musulmans, chrétiens, druzes, alaouites, kurdes et ismaéliens. Les manifestants demandent la levée de l’état d’urgence, la libération de tous les prisonniers d’opinion, la démocratie, la fin de la corruption, des lois d’exception et de l’ingérence des forces de sécurité dans tous les aspects de la société. Contrairement à l’image que le régime essaie de donner, les gens qui se révoltent en Syrie sont des jeunes hommes pacifiques sans appartenance politique, des intellectuels, des militants pour les droits de l’Homme, etc. Ils aspirent tous à la liberté et ne portent que pour seule arme leur voix pour condamner la tyrannie du régime syrien.
Le gouvernement a ensuite changé de stratégie : il a été déclaré que des groupes terroristes extrémistes se trouvaient à Deraa. Le lundi 25 avril, à trois heures du matin, les chars de l’armée encerclent la ville. L’électricité a été coupée ainsi que tous les moyens de communication. Les soldats tirent dans toutes les directions et tuent 25 personnes, et détruisent les réservoirs d’eau potable. Ce scénario s’est répété aussi à Douma, Al- Maadamiyeh et Jableh.
Malgré ces massacres, il n’y pas de vrai engagement de la part de l’ONU pour la protection des civils en Syrie. Washington se contente jusqu’à maintenant de se déclarer timidement « très inquiète » et d’étudier la possibilité de faire des sanctions ciblées contre les responsables syriens impliqués. La Maison Blanche appelle « le gouvernement syrien à cesser d’avoir recours à la violence ». Pareillement en Europe, la France appelle les autorités syriennes à renoncer à l’usage de la violence contre leurs citoyens et le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague condamne « le meurtre inacceptable de manifestants par les forces de sécurité syriennes ». Au sein de l’ONU, on discute d’un projet de condamnation.
Le peuple syrien attend de l’ONU plus qu’une simple condamnation, mais une attitude politique plus engagée envers leur révolution. Comment expliquer l’hésitation des autorités internationales ? La population syrienne compare la situation avec celle de la Libye et sent qu’il y a deux poids, deux mesures. Serait-ce parce qu’il n’y a pas de pétrole en Syrie ? Le 27 avril, le conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni mais n’est pas parvenu à prendre une résolution. Les grandes puissances ont toutefois pris des résolutions superficielles : les Etats-Unis ont bloqué les comptes bancaires de certains dirigeants syriens … qui n’ont pas de comptes bancaires aux Etats-Unis, et l’Union Européenne ne vendra plus d’armes au gouvernement syrien, alors que celui-ci les achète aux Russes. De toute évidence, avec ces annonces, les dirigeants occidentaux ne s’adressent pas au régime d’Al-Assad mais plutôt à leurs propres citoyens : il s’agit de présenter une image acceptable pour l’opinion publique. Le régime syrien a bien compris qu’on lui laissait du temps pour terminer ce qu’il a entrepris : deux jours plus tard, plusieurs massacres ont été commis, faisant 65 morts, selon l’Observatoire des Droits de l’Homme syrien. Le jour même, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a accusé le gouvernement syrien de crime contre l’humanité et a réclamé une enquête.
Malgré tous les sacrifices et le grand nombre de blessés et de morts (plus de 580 jusqu’à présent selon les militants des Droits de l’Homme), le peuple syrien se sent gagné par un sentiment de liberté et est convaincu que la tyrannie du régime vit son agonie. Il n’y a plus de retour en arrière et le combat continuera jusqu’à la libération qui viendra tôt ou tard.
Ahmed Yousef