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Comment Laurent Wauquiez a déplafonné la démagogie

Publié le 10 mai 2011 par Letombe
Comment Laurent Wauquiez a déplafonné la démagogie

Il voulait incarner la « droite sociale », cette composante alibi d'une politique séculaire de classe. L'actuel ministre aux affaires européennes était secrétaire d'Etat à l'emploi dans le précédent gouvernement Fillon, et même porte-parole du gouvernement.
En fait, il cherchait surtout sa médaille. Wauquiez a l'autonomie d'un mouton. Le candidat Sarkozy avait placé la barre à droite, à l'extrême droite. Fidèle soutier de son Monarque, Laurent Wauquiez ne se sentait pas d'autre choix que de dériver à son tour.
Les trois idées « Toc » de Wauquiez
Il avait la tête penchée, le costume gris mais la cravate rouge écarlate sur sa chemise blanche. Il lisait ses fiches quand il sortait ces chiffres. Laurent Wauquiez lança donc ses idées, comme ça, tout de go, dimanche dernier sur BFMTV-RMC. Déçu d'avoir été éjecté, l'an dernier, de l'équipe qui prépare le programme du candidat Sarkozy au profit du plus expérimenté Bruno Le Maire, Wauquiez espérait que Nicolas Sarkozy l'écouterait.
1. « En contre-partie du RSA, il faut que chacun assume chaque semaine 5 heures de service social.» Esclavage ou travail forcé ? Les travaux d'intérêt général étaient jusque là réservés à certains condamnés. Rappelons que le RSA est de 460 euros par mois pour une personne seule, et de 588 euros pour un couple sans enfant ni ressources.
2. Wauquiez ajouta la seconde idée, concoctée à l'Elysée : « Aujourd'hui un couple qui ne travaille pas, qui est au RSA, en cumulant les différents systèmes de minima sociaux peut gagner plus qu'un couple dans lequel il y a une personne qui travaille au SMIC. En gros, avec l'APL, les différentes aides, vous pouvez tourner autour de 1200, 1150 euros. Plus que le SMIC... Ça n'est pas logique... ça, c'est la société française qui tourne à l'envers. Ce qu'on propose donc, c'est de plafonner tous les minima sociaux à 75% du SMIC maximum... Pas plus...» Vous avez bien lu, Laurent Wauquiez propose qu'une famille sans emploi ne bénéficie qu'au mieux de 804 euros par mois. Le SMIC, depuis le 1er janvier dernier, est de 1.365 euros bruts, soit 1.073 euros nets. Opposer travailleurs pauvres et sans-emplois précaires est une vieille ficelle à droite, mais la proposition Wauquiez est surtout une belle arnaque : nombre de famille SMICARDS bénéficient aussi de minima sociaux.
3. Troisième idée, fidèle à la tactique national-frontiste du moment, l'ancien responsable de la fusion de pôle emploi veut que l'assurance sociale ne bénéfice qu'aux étrangers ayant cotisé au moins cinq ans en France. Mais bizarrement, alors qu'il recule le bénéfice de la Sécu à des salariés ayant pourtant cotisé, il suggère d'avance à trois mois (contre 6 mois actuellement) la période de résidence en France pour qu'un travailleur étranger soit assujetti à l'impôt. Comme le rappelle notre confrère Slovar, cette double et dernière proposition revient à discriminer l'accès à nos services publics, à cotisation et impôts égaux, sur le simple critère de l'origine ou de la nationalité. Exiger d'un travailleur étranger qu'il cotise, pour rien, pendant cinq ans, mais qu'il paye des impôts plus tôt (dès 3 mois), est une idée stupide ou ignoble.
Au choix.
De quoi parle-t-on ?
Il faudra attendre le dépôt du projet de loi pour identifier les détails de la proposition Wauquiez sur le plafonnement des minima sociaux. En l'état, on comprend qu'il fixe un nouvel étalon de la solidarité version droite sociale : pas plus de 804 euros d'aide sociale par mois et par famille. Mais de quels minima sociaux parle-t-il ?
Sur les 9 minima sociaux existants, Wauquiez ne pouvait pas penser au minimum vieillesse, réservée aux plus de soixante-cinq ans n'ayant pas ou peu de droits à l'assurance vieillesse ; ni à l'allocation de parent isolé (API) qui a été fondue dans le RSA ; ni non plus à l'allocation temporaire d'attente (ATA) qui concerne pour les détenus libérés, et demandeurs d'asile avant que ceux-ci ne plongent également dans le RSA. De même, on n'ose imaginer qu'il inclue l'allocation adulte handicapé (AAH) ou l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), dans son raisonnement. Ces dernières sont justement censées compensé les difficultés d'emploi pour cause de handicap. Imaginait-il inclure l'allocation équivalent retraite (AER) dans son plafond ? Destinée aux chômeurs de moins de 60 ans ayant cotisé 160 trimestres, sa suppression, prévue à compter de janvier 2009, a été retardée. Elle ne concerne plus que les bénéficiaires indemnisés avant cette date.
Outre le RSA, Wauquiez pensait peut-être à l'allocation de solidarité spécifique (ASS), 15 euros par jour, mais déjà sous conditions de ressources : il faut justifier de moins de 1.229 euros par mois pour un couple pour la percevoir à taux plein. Sinon, elle est réduite du montant des ressources perçues. On n'ose croire qu'il faisait référence au dernier minimum social connu dans ce pays, l'allocation veuvage. Son exemple - un SMIC contre deux bénéficiaires de minima sociaux - tomberait à l'eau. Et l'allocation veuvage - 712 euros par mois - est déjà déduite des ressources que la veuf (ou la veuve) peut toucher par ailleurs.
Que reste-t-il ? Si aucun des minima sociaux du pays ne peut-être, sérieusement, concerné par la proposition Wauquiez, que reste-t-il ?
Dans son intervention, Laurent Wauquiez, pourtant attentif aux notes placées devant lui, évoque l'APL... L'aide personnalisée au Logement n'est aucunement un minimum social. C'est ce que d'aucun à droite appellent une « niche sociale ». Plafonner les niches sociales ? Quelle idée ! Rappelons que ce gouvernement s'enorgueillit d'avoir plafonné les niches fiscales. Et quel plafond: 25 000 euros plus 8% du revenu imposable par contribuable. Plus on est riche, plus le plafond augmente. Quel concept ! Pour les pauvres, les précaires, les fragiles... le plafond sera donc en valeur absolue.
Lundi, devant le tollé, à gauche, et même chez certains à droite (comme Roselyne Bachelot), Laurent Wauquiez se félicitait d'avoir ouvert le débat.
Quel débat ?
Assistanat des riches
Quelle stupeur ! On est d'abord surpris par cette charge. On sait que les comptes publics sont en mauvaise posture. La récente réforme de la fiscalité du patrimoine est, in fine, un joli cadeau d'environ un milliard d'euros cette année. Laurent Wauquiez n'avait aucune proposition à faire sur le sujet. Et on ne compte plus, depuis 2007, les mesures d'assistanat fiscal réservées aux plus riches.
On est ensuite surpris par l'auteur de l'attaque anti-assistanat. On attendait un Madelin ou un Longuet. C'est le (jeune) fondateur de la « droite sociale » qui s'y colle. La démarche est surprenante, et politiquement dangereuse. Le même jour, le Nouveau Centre présidé par l'ancien ministre de la Défense Hervé Morin annonçait son ralliement à la Confédération des Centres de Jean-Louis Borloo. Une vraie catastrophe pour Nicolas Sarkozy. On aurait croire que Wauquiez capitaliserait sur son image de social de droite. Que nenni ! L'homme n'a pas cette intelligence politique.
Ensuite, Wauquiez, comme ses collègues cumulards, nombreux, du gouvernement, ne veut pas que l'on plafonne davantage ses propres avantages. Il tente ainsi de faire croire, comme d'autres, que l'on peut assumer deux fonctions à temps plein aussi importantes que maire et ministre. le gouvernement a ainsi fait retoquer les différentes propositions de lois de l'opposition visant à limiter le cumul des mandats. On n'a pas non plus entendu Laurent Wauquiez s'indigner qu'un député devenu ministre puisse récupérer son siège à l'Assemblée sans élection.
Enfin, Laurent Wauquiez lui-même, étudiant multi-diplômé et brillant (ENS, Sciences Po, ENA), a bénéficié de faveurs politiques qui inciteraient à la modestie. Le jeune ministre (36 ans depuis le 12 avril dernier) est devenu élu par la grâce d'une suppléance bien placée : quand il devient commissaire européen, l'ancien député centriste Jacques Barrot lui donna les clés de sa circonscription dorée en juillet 2004. Depuis, Wauquiez ne plafonne plus ses mandats : il reprend la mairie du Puy-en-Velay temporairement gérée par la gauche, il créé son propre part Nouvel oxygène, pour lequel il sollicite, en pleine affaire Woerth, quelques généreux donateurs alors qu'il est ministre. En 2010, il se fait éjecter de l'équipe UMP en charge de la rédaction du projet pour 2012. Il en profite pour lancer sa « droite sociale ». Et comme il lui fallait un coup de pub, le voici qu'il lance sa proposition, un jour de mai 2011. 
Pourtant gros bosseur, le ministre s'est récemment fait planter en direct, sur la même station RMC, il y a 15 jours. Il était incapable de donner le nombre exact d'Etats européens adhérents à l'espace Schengen (22). Il ferait mieux de réviser ses sujets.
Roselyne Bachelot l'a désavoué lundi. L'UMP du libéral Copé l'a félicité. Marine Le Pen s'est régalée.
Mais Laurent Wauquiez, comme l'été dernier, avait fait son devoir, fidèle grognard du candidat Nicolas. Il obéissait aux ordres de l'Elysée.
Sans surprise.

Sarkofrance


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