Une chouette rencontre, de celles qui font boum boum dans le cœur et guili guili dans le bidou

Par Anaïs Valente

Je le vois et je sens un truc.  Il est grand.  Brun.  Pas spécialement ténébreux mais que soit (comme dirait je sais qui et tu sais qui aussi).  Son look pas rasé de quelques jours, mmmmmh, j’aime.  Et il a un joli manteau brun, long, qui lui va à ravir.  J’adore les longs manteaux sur un mec, ça donne une classe folle.  Et je sens que j’aime parce que j’ai envie de toucher, de caresser, d’embrasser.  Bon, je m’emballe là.  Ne t’emballe pas, ça va tourner en eau de boudin, comme d’hab…

J’en suis là de mes pensées que paf, il me propose un cinéma le soir même.  Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah.  Je veux mourir de bonheur.  Bon, je prends un air blasé et murmure un « pourquoi pas ».  Rendez-vous est pris au Caméo.  On va la faire à l’ancienne. 

Surexcitée par la perspective, mais n’ayant pas le temps de rentrer chez moi après le boulot me faire une beauté (cette opération me prend des plombes, car tout le monde sait que faire du beau avec du moche, c’est un challenge quasi impraticable, comme les autoroutes belges après l’hiver quoi), je décide de manger en ville en attendant l’heure du rendez-vous.

Je me rends dans le petit truc italien à côté de l’Eldorado.  Un cornet de pâtes fera l’affaire, et tant pis si je ballonne ensuite, faudra bien qu’il m’aime comme je suis, mon brun pas ténébreux.  4 eur le cornet de pâtes, pffff, ça devient cher.  Et 5 eur si deux sauces.  Même que le nombre de cuillérées est indiqué, dingue la précision de ce petit resto.  Je prends un cornet jambon crème.  Que je reçois.  Mais y’a comme une confusionnation avec un autre client, et paf, je me retrouve avec un petit cornet bolo, que je paie finalement 2,90 eur, va comprendre. Ça doit être la version enfant.  Tant pis, je ballonnerai moins.  J’engloutis mes pâtes à la vitesse V V’, vu que le cornet est quasi vide.  Une véritable arnaque.  Mais pourquoi j’ai pas rouspété, pourquoi je me laisse toujours faire, pourquoi la vie est-elle si cruelle…

Je glande longuement en attendant mon rendez-vous, cœur serré à la perspective de le revoir.  Puis, je m’y rends, à petits pas, histoire de pas être en avance.  Ni en retard.  Soudain, je réalise que j’ai pas remis mes bottes.  J’avais mis mes pantoufles au resto italien, histoire d’être à l’aise.  Mes pantoufles vaches moelleuses reçues à mon anniversaire, on n’a que le bien qu’on se fait ma bonne dame.  Mais pour un premier rendez-vous, ça la fout mal, très mal.  Je deviens blonde, moi, grave, aller à un rendez-vous en pantoufles, m’enfin.  Je mets vite vite vite rouf rouf rouf mes bottes, et j’ai deux minutes de retard, du coup.

Je sais qu’il est là, je l’ai repéré en remplaçant mes pantoufles par mes bottes.  Il est drôlement habillé, mais que soit hein (bis).  Je rejoins le cinéma, feintant de ne pas l’avoir vu.  Il se précipite vers moi.  Si, il s’est précipité, je l’ai vu.  Impatient qu’il était, na.  Je m’excuse de mon retard, omettant d’en expliciter la raison.  Il est toujours aussi craquant, pire qu’une craquotte à la fraise.  Mieux qu’une craquotte à la fraise, plutôt. 

Je lui explique que je ne suis pas rentrée chez moi après le taf, que j’ai traîné en ville en l’attendant.  Et lui de me répondre « rho, tu aurais dû le dire, tu serais venue chez moi, j’aurais préparé un petit truc ».  Aaaah, je crois rêver, c’est nirvanesque, il cuisine ET il aurait aimé m’inviter.  Nirvanesque je vous dis. 

Il me propose de choisir le film… mais me suggère une nouveauté qui lui plairait bien, dont j’ai oublié le titre, un truc anticipatif sur des volontaires au don de rein qui prennent un traitement pour préparer leur organe, ce qui les transforme, mais attention s’ils sont choisis ils n’auront plus la liberté de refuser.  Oui, bon, pas très glamour, mais why not ?

Une fois dans la salle, en galant homme, il me propose un petit truc à manger ou à boire.  Je refuse poliment, alors que j’ai soooooooooooiiiiiiiiiif.  Quand il part se chercher quelque chose, je suis tenter de hurler « j’ai sooooooooooooooooooooooooooooiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiif, prends-moi un Coca light (et prends-moi, là, de suite, sur le siège du ciné – non je rigole, jamais le premier soir) ».  Il revient et rapporte un paquet de chips à un ami qu’il avait salué en partant.  La gentillesse incarnée que cet homme.

En attendant que le film commence, je me love dans mon fauteuil, songeant au moment où je pourrai enfin me lover contre lui.  Je ferme doucement les yeux pour savourer pleinement ce moment, et je les rouvre, étendue en croix sur mon lit, sur le ventre.  Dehors, l’aube pointe le bout de son nez.  Les oiseaux gazouillent d’un air moqueur.  Il est 5h03 à mon réveil.  Je refuse de me réveiller, je veux repartir au cinéma, je veux le revoir.  Je tente tant bien que mal de me rendormir pour le rejoindre.  En vain.  Putain de rêve.