La droite gouvernementale catholique que l’on pensait modérée vient de donner par la voix de Laurent Wauquiez un sacré coup de barre à droite. Le maire de la très pieuse cité du Puy-en-Velay enfourche le vieux cheval de la chasse aux “dérives de l’assistanat” qualifié de “cancer de la société française“. Le ministre des affaires européennes sort étrangement de son domaine de compétence pour ouvrir un débat a priori porteur pour le candidat Sarkozy. Quitte à venir braconner sur des thèmes jusqu’alors réservés au Front National.
Laurent Wauquiez ne manque pas d’ambitions. Ses propos servent le candidat Sarkozy et sa propre carrière si le président sortant réussi à décrocher un deuxième mandat. Loin de constituer un élément modérateur d’une majorité sensible aux sirènes de l’extrême-droite le jeune ministre verse un peu d’huile sur le feu.
Laurent Wauquiez propose un projet de réforme d’attribution des minima sociaux : “On a tout le concert des bien-pensants et du politiquement correct qui veulent que rien ne bouge. Aujourd’hui, la principale injustice dans la société française, c’est cette faiblesse de différentiel entre les minima sociaux et les revenus du travail”. “Dans notre esprit, c’est vraiment une mesure de justice qu’on assume totalement. Je pense que c’est un vrai débat et un débat salutaire“, estime le ministre nettement moins imaginatif dans son domaine de compétence pour améliorer le fonctionnement des institutions européennes ou relancer la construction de l’UE.
Le président du club « la droite sociale » suggère d’imposer aux bénéficiaires du RSA des heures hebdomadaires de service social, de plafonner le cumul de tous les minima sociaux à 75% du Smic et établir une durée minimale de travail -cinq ans- pour que les étrangers puissent y prétendre. Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un nivellement par le bas.
L’ex secrétaire d’Etat à l’emploi se garde bien à l’inverse de défendre un relèvement du Smic, autre mesure possible pour creuser le différentiel avec les bénéficiaires de prestations sociales et pour éradiquer la catégorie des travailleurs pauvres. Que le RSA soit un dispositif imparfait, qu’il y ait des abus, c’est certain. Mais Laurent Wauquiez va plus loin qu’une simple critique ou proposition d’amélioration, il pratique un amalgame odieux qui vise à opposer les Français entre eux et à stigmatiser les bénéficiaires de prestations sociales. C’est pourtant d’un nouveau contrat social dont ont besoin les bénéficiaires, pas d’une décision unilatérale volontairement humiliante.
Roselyne Bachelot rappelle qu’une mission d’évaluation sur le RSA doit rendre ses conclusions en juillet à partir desquelles elle soumettra des «pistes d’amélioration du dispositif au président de la République et au Premier ministre». La ministre des solidarités souligne également que le RSA joue un «rôle d’amortisseur social pour les personnes dépourvues de revenu» et offre «un accompagnement et une incitation vers l’emploi».
Pour sa part, Martin Hirsch créateur du RSA, se déclare choqué dans les colonnes du Parisien par les propos employés Laurent Wauquiez. L’ancien Haut-Commissaire aux Solidarités dénonce “une campagne de désinformation“. A Laurent Wauquiez qui réclame 5 heures de travail par semaine d’intérêt général aux titulaires du RSA, Martin Hirsch fait remarquer : “Qu’on demande aux allocataires du RSA de travailler, oui, bien sûr, mais avec un salaire. (…) Le danger, sinon, ce serait que les employeurs s’empressent de substituer cette main d’œuvre gratuite aux salariés en contrats aidés, dont certains sont au RSA”.
Martin Hirsch, comme beaucoup d’observateurs, reste perplexe devant la méconnaissance du sujet de de Laurent Wauquiez qui a cosigné la loi sur le RSA. “On ne peut pas gagner moins d’argent en travaillant avec le smic qu’en vivant des minimas sociaux. C’est justement impossible depuis la loi du 1er décembre 2008. Même chose concernant le plafonnement du cumul de tous les minimas sociaux. (…) “Enfin, quand il suggère aujourd’hui d’établir une durée minimum de cinq ans pour que les étrangers puissent prétendre au RSA… c’est déjà dans la loi !“. Tous les coups ne sont pas permis contre la vunérabilité des gens s’est indigné sur France 2 l’ancien président d’Emmaüs.
Le secrétaire national de la CFDT Laurent Berger évoque un ministre qui “se dit de la “droite sociale”, mais ça frise plutôt avec la droite extrême“. “Ce discours vise à se positionner dans le discours ambiant sur le fait qu’il y aurait à la fois des chômeurs qui seraient des profiteurs et des étrangers qui profiteraient de notre système social“, estime le syndicaliste.
Les propositions de Laurent Wauquiez ont provoqué des réactions trés vives à gauche et divise la droite elle même.
Très intelligemment politiquement, le Front National se démarque de la position du ministre et considère que “les Français ne sont pas des assistés“. “Marine Le Pen et le Front National demandent au gouvernement de ne pas tenir un double langage et de commencer à vraiment considérer les huit millions de pauvres de notre pays“, peut-on lire dans un communiqué.
Dans cette situation à front renversé, le FN prône un discours social quand « la droite sociale » prend des accents frontistes version Jean-Marie. A un an des présidentielles, on peut légitimement craindre le pire pour la suite.