Vous allez voir, il n’y en aura que pour 1981, le seul 10 mai reconnu par le lobby médiatique ! Et pourtant, les 10 mai français sont nombreux et bien plus importants : c’est le 10 mai qu’en 1871 le traité de Francfort met fin à la guerre franco-allemande, le 10 mai qu’en 1940 l’Allemagne nazie envahit la Belgique, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas, le 10 mai 1968 qu’a lieu la première nuit des barricades…
- en 1871 vers la Commune puis la IIIème République avide de « réarmement moral » et d’instruction du peuple,
- en 1940 vers la plus grave défaite de la France en sa mentalité, ses élites, son confort moral et son pastis, incitant à la Résistance et à la régénération du pays par le Conseil National en 1944,
- en 1968 vers la chute du vieux monde ranci, autoritaire et hiérarchique, imposé par des vieux sur la société tout entière, avec des valeurs rigides d’un autre temps.
Le 10 mai 1981, parmi tous ces 10 mai, apparaît comme un détail de l’histoire, la première élection sous la Ve République d’un président de gauche qui qualifiait les institutions de « coup d’état permanent »… La célébration 2011 du 10 mai 1981 n’est guère plus que celle du 19 mai 1974 qui vit la victoire de Giscard d’Estaing en plus jeune président de la Vème République : un incident du XXe siècle.
Oh, certes, on voit bien où cet anniversaire des « trente ans » veut en venir : encore ! encore ! encore ! C’est toute la gauche qui saute comme un cabri pour revoir ça.
La victoire de François Mitterrand n’avait rien d’acquis ni de logique. L’Union de la gauche battait de l’aile entre un parti Communiste méfiant et un parti Socialiste qui ne se sentait plus, lui même écartelé entre le jacobinisme mitterrandien et la deuxième gauche rocardienne. Les intellos de gauche flottaient dans la désillusion idéologique depuis les boat people vietnamiens en 1975, qui ont voté massivement avec leurs rames contre le communisme Viêt-Cong – tant chanté par les Jean Lacouture. Le Cambodge du pote Pol n’a pas été sympa avec les bourgeois, mais pas non plus avec les urbains, en bref avec 80% du peuple qu’il a « rectifié » à la campagne et dans les camps, ce qui a fini par se voir en 1979 malgré les dénis obstinés et les œillères idéologiques. C’est le moment que choisit la moitié asiatique du communisme mondial pour reconnaître que « peu importe qu’un chat soit blanc ou jaune s’il attrape les souris », ouvrant la voie au capitalisme surveillé par le parti, boulevard du développement chinois… Le 10 mai 1981 n’est donc pas une victoire de l’idéologie de gauche, seulement celle d’un habile stratège de parti.
- Les Français veulent travailler, pas se faire assister (ce que Villepin n’a pas compris, ni Aubry avec ses emplois-parking pour léjeunn, cette race bizarre de fouriens) ;
- Les Français populaires veulent s’élever dans la société, pas rester « éduqués » à exprimer leur indigence (ce que l’E.NA-tionale n’a pas compris avec le spontanéisme, l’abandon de l’orthographe et de la rédaction, le bac-pour-tous… et la sélection drastique à l’université, dans les grandes écoles, pour le premier emploi) ;
- Les Français moyens veulent un emploi, se loger et assurer un avenir à leurs enfants, pas plus mais pas moins (et surtout pas payer encore des impôts pour le tonneau des danaïdes de l’immigration sauvage, des banlieues ghetto et des fabriques à crétins).
Ne pas rêver donc, mais, comme à l’école primaire, savoir lire un programme, savoir juger le réaliste et savoir compter.
1981 est aussi l’aboutissement de deux chocs pétroliers, celui de 1973 après la guerre israélo-arabe du Kippour (hop ! plus 70% de hausse pour le prix du baril) et celui de 1979 après la victoire de l’obscurantisme chiite avec Khomeiny en Iran. Le président Giscard a mal joué en hébergeant un serpent en son sein, tout comme Sarkozy récemment avec Kadhafi.
La gauche pourrait gagner seulement parce que la droite peut perdre. Car la crise d’hier revient aujourd’hui :
- Réformes : Elle a fait du mal au septennat malgré ses réformes libérales (majorité à 18 ans, divorce, droit à l’avortement, suppression du monopole ORTF, création du système monétaire européen, lancement des études pour le TGV).Or la crise est là encore aujourd’hui.
- Divisions : La trahison de Jacques Chirac, maître du RPR, qui n’appelle pas à voter Giscard au second tour, ressemble fort à celle de Villepin aujourd’hui.
- Affaires : Les diamants ont crispé en 1981 le président sortant, l’incitant au déni et au mépris, ce qui n’a pas aidé les quelques électeurs hésitants à le garder. Les affaires Bettencourt, Alliot-Marie, après celle du fils et quelques autres peuvent jouer le même rôle en 2012 qu’en 1981…
- Tous les 10 mai sur Wikipedia
- 1871 le traité de Francfort
- 10 mai 1940
- 1940 l’étrange défaite, note d’Argoul sur Ideoz
- Marc Bloch, L’étrange défaite, 1940, Folio histoire 1990, 326 pages, 9.97€
- Revue L’Histoire numéro spécial avril 2010, Autopsie d’une défaite – France 1940, 6,50€
- Mai 68 en France sur Wikipedia
- Mai 68 en héritage, note d’Argoul sur AgoraVox
- Le 10 mai 1981 sur Hérodote
- Jean-François Sirinelli, Le 10 mai 1981 n’aura pas lieu, revue Le Débat n°164, mars-avril 2011
- Témoignage de Jean Daniel du Nouvel Observateur sur le 10 mai 1981
- Le 10 mai 1981 vu par la télévision suisse romande (vidéo)
- Archives INA, journal Midi 2 du 10 mai 1981