OTAN en Libye (6 et fin) Un Berlin plus qui ne dit pas son nom : carences des Européens

Publié le 09 mai 2011 par Egea

Voici le dernier (? euh, peut-être pas, en fait) opus de ma série sur l'OTAN et Unified Protector.

source.

Le retrait initial des Américains montrait crûment les lacunes excessives des Européens au sein de l'alliance. En effet, nombre d'alliés trouvent fort pratique cette alliance où les Américains jouent les premiers rôles, où eux-mêmes obtiennent des places et une visibilité qu'ils n'auraient pas autrement, et à un coût de plus en plus réduit, chacun jouant au « passager clandestin », profitant du voyage sans payer son billet : les dépenses consacrées à la défense depuis quelques années en sont l'illustration évidente. (...)

Dans l’affaire libyenne, l’effacement américain entraîne le retrait des généraux américains : l'opération « Unified Protector » se voit commandée par le DSACEUR, le général britannique Shirreff, avec un commandant opérationnel canadien à Naples (le général Bouchard), et la mise en œuvre du commandement d'Izmir (informellement assuré par le général français Tesnière, en lieu et place du général américain Jodice). Au fond, il s'agit d'une opération Berlin Plus avec les moyens de l'alliance, la participation des Européens mais sans le label de l'UE.......

Or, l'OTAN n'apparaît pas comme immédiatement efficace et le retrait américain montre les lacunes de l'organisation. Celle-ci ressemble cruellement à la PESD, dont chacun a noté l'absence totale : au fond toutes les institutions internationales de sécurité souffrent de crédibilité. D'un point de vue machiavélique, on pourrait dire qu'on n'en attendait pas moins de la PESD. Mais que cela surprend de la part de l'OTAN. Pourtant, la chose est explicable. En effet, l'OTAN dispose de peu de moyens en propre : quelques AWACS, quelques moyens de communication, et des états-majors armés par des officiers venant des pays alliés, et donc soumis au bon vouloir de leurs autorités politiques nationales.

Ainsi, l’Alliance devient le bouc émissaire facile d’un manque de volonté politique des Européens. Ceux-ci, à ne pas vouloir investir dans leur défense, à ne pas vouloir assurer la fonction de puissance, notamment dans leur voisinage immédiat, prouvent surtout leurs lacunes. L’Alliance n’est pas le seul reflet de la puissance américaine, comme on le croit trop souvent en Europe, elle est aussi l’expression d’une volonté européenne. Les Américains ont longtemps dénoncé un « partage inégal du fardeau » : désormais, ce sont des Européens qui le disent également à d’autres Européens.

Ainsi, les carences de l'alliance sont évidentes, tout d'abord en termes de planification, mais aussi en termes capacitaires. Si certains critiquent l'attitude française, ils reconnaissent que la France est le premier contributeur de l'opération, et tient bien mieux sa partition que les Britanniques, pourtant considérés comme l'autre grand européen. L'absence allemande, les réticences turques, la discrétion polonaise sont autant de signes des difficultés européennes. Au fond, ce n’est pas l’Alliance qui est faible, c’est son versant européen.

Voici le premier grande enseignement, du côté européen, de UNified Protector.

NB : je lis dans le dernier DSI qu'on n'a pas vu le F 22 Raptor dans le ciel libyen. Derrière tous les arguments de façade, il semble que fondamentalement, le F 22 n'est pas interopérable avec les autres appareils : c'est une revanche amusante de l'histoire. Les spécialistes de l'OTAN savent en effet depuis des lustres que l'interopérabilité alliée est valable surtout pour les Européens, et que les Américains sont très souvent "en avance" : moyen pour eux d'inciter les autres à les suivre dans leur course technologique, mais aussi à acheter américain. Mais par conséquent, ils sont rarement interopérables avec l'OTAN.... L'ironie de l'histoire est une jolie réponse du berger à la bergère : moi, je la trouve savoureuse..... Même si le berger n'est pas très fringant !

Billets précédents : 1, 2, 3, 4 et 5.

Chronologie

  • 10 mars : Les MD alliés entérinent la décision du SACEUR de dérouter des navires de l'Alliance dans la zone libyenne pour y renforcer la surveillance.
  • 17 mars : le CSNU adopte la résolution 1973 (embargo sur les armes, exclusion aériennes, mesures nécessaires pour protéger la population civile).
  • 19 mars : lancement de l'opération Harmattan.
  • 22 Mars : l'OTAN lance une opération d'imposition de l'embargo ur les armes à la Libye.
  • 24 mars : l'OTAN participe aux opérations d'exclusion aérienne au-dessus de la Libye.
  • 29 mars : le sommet de Londres annonce la création d'un groupe de contact.
  • 31 mars : l'OTAN prend le commandement de la coalition engagée dans les opérations militaires en Libye.
  • 14 avril : tribune conjointe de MM. Obama, Sarkozy et Cameron. L'OTAN s'engage à intensifier sa campagne aérienne en Libye.

O. Kempf