Un article de Paul de Grauwe fait du bruit en ce moment. Il vient d'ailleurs d'être loué par Paul Krugman, après Martin Wolf du Financial Times.
De Grauwe est professeur d'économie monétaire et ancien conseiller de Barroso. Pas un eurosceptique.
Il explique qu'entre l'Espagne et le Royaume-Uni, les performances macroéconomiques brutes sont identiques. Mais que comme les marchés savent qu'en cas de tension sur les capacités de remboursement problème britannique, une dévaluation peut aider à remonter la pente.
Ce n'est pas le cas avec l'Espagne, puisque comme l'écrit Martin Wolf "le pays devient comme un pays sous-développé qui a emprunté en monnaie étrangère". l'Espagne ne controlant plus sa monnaie, elle ne peut pas dévaluer.
Krugman ajoute que le problème est aggravé par le comportement "maniaquement anti-inflation" de la BCE.
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En réalité, les crises de la zone euro sont comme des tremblements de terre.
En temps normal, le jeu des dévaluations et réévaluations permet l'ajustement entre économies différentes (par leur rythme d'inflation, leur taux de croissance, leur démographie).
Lorsqu'on bloque ces dévaluations et réévaluations par un taux de change fixe (l'adoption d'une monnaie unique équivaut à l'adoption de changes fixes), ces ajustements sont supprimés.
A ce point, comme pour un tremblement de terre, les plaques font pression l'une sur l'autre jusqu'à que se produise un réajustement brutal qui libère toute l'économie accumulée (entre temps les banquiers ont fait la fête et prêté à robinet ouvert).
Depuis 1999, le coût du travail allemand a grimpé d'environ 6%, contre près de 35% pour l'Italie, l'Espagne, la Grèce et le Portugal. La France est restée en ligne avec l'objectif de 2% annuel.
Il faudrait, dans le cas européen, que lors de ces réajustements brutaux, les coûts soient égalisés, pour remplacer le réalignement "naturel" par les taux de change : les salaires portugais ou grecs doivent être réduits pour se caler sur l'évolution des salaires allemands (la zone de référence de la zone euro, lire un autre billet de Paul Krugman à ce sujet). On pourrait imaginer que l'Allemagne accepte de faire un peu d'inflation, mais on pourrait aussi bien imaginer l'Union européenne démocratique (c'est d'ailleurs exactement le point qui était l'une des clés du plan Keynes de 1944 : il obligeait à un réalignement les pays en excédent comme ceux en déficit).
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Tous les ajustements au Portugal, en Grèce et ailleurs se font au nom de l'euro, sont un tribut à payer pour l'édification de ce monument inutile (est-ce qu'une fois l'Union a proposé/imposé de payer son pétrole en euro ?). Vivement l'éclatement.