Mercredi soir 27 avril, plusieurs dizaines d'immigrés tunisiens, réfugiés au parc de la Villette à Paris, ont été interpellés par les forces de l'ordre. Cette rafle a été effectuée au moment où un repas chaud était distribué à plusieurs dizaines de migrants par une organisation humanitaire. La préfecture de police a indiqué que l’objectif était de "contrôler toutes ces personnes arrivées en masse", "d'établir un diagnostic de la situation de chacun", et de traiter "au cas par cas" leur situation. Elle précisé ensuite que "la majorité" des Tunisiens ainsi arrêtés "vont faire l'objet d'arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière".
Sans traiter le cœur même de la question, je m’attache simplement ici à analyser le vocabulaire utilisé. Ces personnes sont arrivées en masse. La réalité est qu’elles ne sont pas arrivées isolément mais en groupe. Le terme de masse n’est là que pour faire écho aux imprécations de ceux qui brandissent le spectre d’une invasion de la France par des immigrés déferlant par milliers, quand ce n’est pas par millions. Mais, bien évidemment, notre pays, défenseur des droits de l’homme va examiner leur situation au cas par cas. Ce qui veut signifier qu’on procèdera à un traitement individuel de chacun de ces immigrés.
Là où le mensonge devient évident, c’est quand la préfecture ajoute que la majorité sera reconduite à la frontière. Quelle frontière ? La Méditerranée ? Naturellement non, sauf à adopter les méthodes prônées par la délicieuse élue UMP Chantal Brunel. Celle avec l’Italie ? Cela n’est guère compatible avec les termes du traité de Schengen. D’où ma perplexité. Mais le plus maladroit est ce terme de majorité. Si l’on procède à un examen au cas par cas, rien ne permet de connaître à l’avance le pourcentage de ceux qui ne seront pas admis sur notre territoire.
Pour le faire comprendre à nos pandores, je vais me risquer à un exemple j’espère à leur portée. Supposons que j’ai reçu de quelque ami un panier rempli de pommes. Il s’avère que certaines de ces pommes sont susceptibles d’être abîmées. Je me propose de les examiner une à une pour déterminer quelles sont celles que je vais conserver et celles que je vais me résoudre à jeter. Tant que je ne les aurai pas toutes examinées, il m’est impossible de savoir si je vais devoir perdre la majorité de ce cadeau.
Une autre phrase prononcée en ces circonstances par Manuel Valls m’a indigné : ces immigrés "n’ont pas vocation à rester en France". Je ne suis pas en mesure d’en juger mais je ne sais pas si le père de Manuel, fuyant l’Espagne franquiste, aurait apprécié de se voir éconduit faute d’une vocation suffisante. On m’objectera bien sûr qu’il était réfugié politique. Certes, mais y a-t-il une telle différence entre vouloir échapper à une menace mortelle et chercher, au péril de sa vie, un avenir meilleur ?