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Droit de ne pas oublier

Par Fmariet


Jean-Michel Rey, L'oubli dans les temps troublés, Editions de l'Olivier, 2010, 150 p.
L'ouvrage a pour objet l'oubli de l'histoire que des gouvernants veulent imposer sous prétexte de raccommoder les communautés nationales, et surtout parce qu'ils sont mal à l'aise avec une certaine partie de l'histoire, généralement criminelle. Ainsi a-t-on voulu que les Français oublient : les massacres d'Albigeois (1208-1249), l'Edit de Nantes (1598) et sa Révocation, la Révolution de 1789 (cf. la Charte de Louis XVIII), la Commune de Paris, l'Affaire Dreyfus, et, plus récemment, la collaboration de nombreux français avec les nazis, etc. Effacer, amnistier, refouler. Décréter l'amnésie... L'oubli est toujours en faveur des assassins et des criminels.
De quel droit des gouvernants intiment l'oubli, prient les victimes de se taire, rectifient l'histoire ? Arguments connus : il faut arrêter de resssasser, voir plutôt l'avenir, rétablir la concorde, pardonner, au nom de l'unité nationale... "L'incident est clos je vous demande [...] d'oublier ce passé pour ne songer qu'à l'avenir", ordonne le ministre des armées après la grâce du capitaine Dreyfus. Autre exemple, plus récent : pendant dix ans, la diffusion à la télévision d'Etat du film documentaire "Le Chagrin et la pitié" a été bloquée (sorti en 1969, il ne sera diffusé à la télévision qu'en 1981) au prétexte que film rouvrait des plaies et divisait la France ! A la même époque, Paul Touvier, milicien, assassin, bénéficiait en 1971 d'une grâce présidentielle (novembre 1971). Cf. document : à 1h 05mn 39s de la conférence du Président).
Le livre analyse, déplie méticuleusement les raisonnements politiques qui fondent la réclamation de l'oubli, leur grammaire, leurs mots. Exercice convaincant : il faut oublier l'oubli et réclamer la justice, toute la justice qui seule, sans doute, peut frayer un chemin sinon à l'oubli, au moins à la paix.
Alors que, à propos du Web et des bases de données, on débat dans les assemblées parlementaires du droit à l'oubli, la réflexion de Jean-Michel Rey sur l'histoire est de première utilité. Le droit à l'oubli importe moins que le devoir de mémoire.


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