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L'histoire de Sayo n'a pas un objectif documentaire. Comme le dit le texte dans le dossier de fin, il s'agit de raconter une histoire librement inspirée d'une biographie.
La fin de la guerre sonnait comme une période de paix, de tranquillité sauf que ce n'était pas le cas. À ce moment-là, le combat de Sayo commence mais aussi celui de sa soeur, Akiyo. Elles doivent survivre dans un pays où elles sont considérées comme des ennemis. Au marché, les prix augmentent parce qu'elles sont japonaises. Dans un environnement hostile, elles se retrouvent livrer à elles-mêmes avec des enfants en bas-âge. Sans compter que Sayo est enceinte. Pendant ce temps, la délation apparaît. Des chinois "vendent" aux Russes les adresses des ressortissants japonais. Et puis la solidarité s'avère relative. Le personnage de Mme Kobayashi montre que certains ont profité de la détresse de leurs compatriotes pour se faire de l'argent. De l'autre côté, le manque d'argent se fait à sentir. Sans, impossible d'acheter de la nourriture, alors les biens les plus précieux sont vendus.
Au fil des pages, le quotidien des soeurs défile et j'ai trouvé intéressant de voir combien elles étaient différentes. Akiyo, stricte presque injuste, Sayo douce et trop gentille. L'une a perdu ses illusions (son mari est mort au combat) et va jusqu'à s'inscrire au Parti Communiste pour protéger sa famille. L'autre a l'espoir de retrouver son époux parti à la guerre et espère retourner au Japon. La plongée dans leur intimité montre des moments très durs. Je pense notamment à celui où Akiyo fait comprendre à Sayo qu'elle ne doit plus toucher à sa nourriture. Cependant, sans sa soeur, la jeune mère n'aura pas eu la chance de quitter la Chine. D'ailleurs je me suis demandée d'où Sayo tirait la conviction que son mari était en vie. En tout cas, cela m'a semblé être la source de sa force. Et la raison pour laquelle, elle ne veut pas avorter (p.159).
Malgré la note heureuse de fin, on oublie difficilement que beaucoup d'autres n'ont pas eu sa chance. Encore une fois, ce genre de récit rappelle que la guerre et le désir de revanche n'épargnent personne. Je dirais que L'histoire de Sayo est une lecture qui donne envie de fouiller, de trouver des témoignages, d'en savoir plus.
Le graphisme rond et même mignon aide à bien faire passer l'histoire mais j'ai un peu tilté en voyant le médecin ressembler à Black Jack. Disons que d'un coup, j'ai eu le sentiment de changer d'univers. Mais les expressions sont vraiment parfaites et elles en disent plus long que n'importe quel dialogue, comme lorsque sur le bateau en direction du Japon, les passagers pleurent en apercevant la terre. Ou encore la frénésie et la panique à l'hôpital au moment de l'accouchement.
Le dossier final permet d'en apprendre plus sur le processus. Les croquis de Yoshiko Watanabe sont intéressants et montrent son approche du sujet. Toutefois j'aurai bien aimé savoir pourquoi ils avaient eu envie de faire cette bande dessinée. Je suppose que Yoshiko Watanabe avait eu envie de parler de ce que sa mère avait vécu durant l'après-guerre.