Et cette soirée tourna plus à l'étude anthropologique qu'au défoulement prévu à la base.
Terrain étudié : le Palais M.
Club du Palais des Congrès Porte Maillot, le Palais M a la particularité d'être éclairé par de gigantesques lustres en plastique. L'espace présente un bar (dont nous présenterons les professionnels plus loin), un buffet (dont nous étudierons la composition également plus loin), des escaliers et des fauteuils. Et comme dans tout bon club qui se respecte, le noir règne en maître.
Population rencontrée : du jeune cadre dynamique à la pouf péroxydée.
Le Palais M a cette particularité d'être habité par une faune éclectique. Dès l'entrée, en début de soirée, à l'heure où blanchit l'horizon et où les coupes sont gratuites, on croise autour des points stratégiques (porte d'entrée, bar, buffet) de jeunes hommes en costumes. L'ethno-pseudo-anthropologue que je suis s'en veux de ne pas avoir noté si oui ou non ils portaient toujours leur cravate. Mauvaise observatrice que je suis. Les JCD rencontrés ici ne différent en rien de ce que l'on peut croiser dans le métro à 21h.
La soirée avançant, la population se blondifie. Et la Barbie entre en scène. En cette saison printanière, elle porte des chaussures ouvertes, et compense je-ne-sais-quoi par des talons toujours plus hauts. L'imprimé est (malheureusement) à la mode, et malgré le fait qu'il soit une espèce protégée, le léopard a fait un retour remarqué au milieu de la piste. Brigitte, si tu lis ceci, viens défendre tes amies les bêtes bordel !
Une troisième catégorie de personne évolue dans cet espace (les observatrices réalisent certes une enquête participative, elles ne vont pas en plus se prendre pour sujet de recherche !) : les barmen du club. Ou plutôt LE Barman. Oui, avec trois majuscules tellement le garçon était un phénomène. Probablement jeune prodige - ou idiot du village, on n'a jamais su, LE Barman s'applique à servir ses flûtes de champagne, deux minutes par verre, et en met autant à côté qu'à l'intérieur. Rite initiatique ? Fertilisation du plan de travail ? Libation des mains des clients ? Pertes de neurones, grillées par des séances d'UV trop nombreuses ?
Habitudes alimentaires
L'afterworker mange ce que lui donne : des salades, des taboulés, de la charcuterie, du pain, des gâteaux, des tartes... Tout pourvu que ça soit froid, que ça tienne dans une assiette en plastique, et que ça puisse se manger à la fourchette uniquement. Pour se nourrir, le client doit se soumettre à l'épreuve de la file d'attente, un peu comme celle que l'on suit dans les expo de photo au Jeu de Paume... Sauf que là, les choses à regarder sont vulgaires.
En revanche, au bar, l'anarchie règne. Oubliées les règles de bonnes conduites, les tabous quant à la hiérarchie établie, les disparités homme/femme.. Là, c'est chacun pour soi et son verre. Qui pourtant est assez infecte. Mais le client a droit à cinq verres, il les aura. Et peu importe qu'il soit coupé à l'eau (bon, ça c'est nous qui l'avons déduit du goût et des sensations ressenties, ou non, après coup).
Danses rituelles.
Qu'elle soit rurale ou urbaine, originelle ou métissée, occidentale ou non, locale ou immigrée, chaque population pratique une, voire des danses. Celles pratiquées ici jouaient sur l'âge des participants à la soirée en proposant aux danseurs des mixs entre tubes des années 80 et son électro du mois dernier. Alors oui, le résultat sonore est exécrable, mais l'effet produit est celui recherché : les gens dansent. Les ethnologues aussi. Participatif on le rappelle.
Conclusions de l'étude :
Cette expérience était à vivre, et nous la conseillons à quiconque souhaite manger et danser sans être trop regardant, et passer quelques heures, bien habillés, à critiquer ceux qui ne le sont pas. Critiquer, étudier, c'est du pareil au même de toutes façons.
De plus, cela nous a permis de manger, boire, danser, et de rentrer tôt.
Mais nous pensons très sincèrement qu'une seule expérience peut suffire à satisfaire toute une carrière anthropologique.
Les croquettes au fromage, elles, ne peuvent plus attendre.
Lo Levi-Strauss