Pourquoi la gratuité dérange-t-elle tant les idées dominantes ?
De plus en plus de citoyens ne croient plus aux discours des partis politiques, ils sont de plus en plus nombreux à chercher une voie nouvelle : le débat sur la
gratuité est un tout début de réflexion plus générale sur les possibilités d'inventer une autre société qui sorte des stéréotypes du système actuel.
Nous vivons l'époque de la gestation d'une autre civilisation où toutes les idées dominantes se heurtent à la réalité du monde. Il est intéressant que des élus se prononcent contre la
gratuité et présentent leurs arguments en défendant le système économique actuel, en défendant l'idée que parce que des gens peuvent payer, il n'y a pas de raison que la gratuité soit
généralisée. Sans doute faut-il revenir sur ce qu'est la valeur, sur ce qui la fonde, la produit. En cela se prononcer pour la gratuité revet une forme de subversion sociale à l'égard
d'un système qui devient de plus en plus dépendant du capital, fétichiste de l'argent et par conséquent déshumanisant . La gratuité a toujours posé un problème philosophique dans les sociétés
marchandes puisque dans ces sociétés les hommes ne peuvent réaliser leur puissance que par l'argent et ne peuvent être reconnus que par leur appartenance de classe fondée sur la possession du
capital.
Pourtant dans ces mêmes sociétés des actions collectives ont permis à ceux qui ont besoin de la mise en commun des richesses, des pouvoirs et des savoirs d'obtenir des gratuités qui existent par une solidarité imposée par la loi ou les votes des instances délibérantes (école, routes, éclairage public, service de police et de secours, distribution d'ordinateurs aux collégiens, entretien des villes, certains services de santé, vaccinations, etc...) Dans ce cas ce ne sont pas les usagers qui financent mais ceux qui sont contraints de contribuer par la fiscalité à l'intérêt général. Or la gratuité devient pour le capitalisme un scandale, un non-sens puisqu'il a réduit les rapports et le travail humains à ceux de marchandises comme facteurs principaux de production du capital. L'idée de la gratuité prise dans la diversité des situations pose au-delà d'un besoin de justice sociale la question d'un autre type de développement humain, en cela elle est fondamentalement subversive. C'est ce débat qui dans les prochains mois et les années futures viendra en force dans un combat radical et massif contre un système qui fait de l'argent l'alpha et l'omega de la civilisation."
Jean-Paul LEGRAND