Les zélotes du Monarque, et même quelques observateurs critiques, nous expliquent également que le monarque protégea au mieux les Français devant une telle adversité. Il n'en fut rien, et il n'est pas si compliqué de démonter ce nouveau « story-telling» présidentiel.
1. En France, les conditions économiques se sont dégradées avant le grand cataclysme de l'automne. On l'oublie trop souvent. Dès avril 2008, l'emploi intérimaire s'est effondré. Au second trimestre 2008, le pouvoir d'achat des salariés s'est dégradé. Les comptes sont plombés, depuis près d'un an, par le fameux paquet fiscal. La seule défiscalisation des heures supplémentaires coûte 150 millions d'euros par mois aux comptes sociaux. Deux ans plus tard, la Cour des Comptes accusera Nicolas Sarkozy d'avoir aggravé le déficit budgétaire de la France de 0,6 point de PIB hors effets de la crise et plan de relance. Qui dit mieux ?
2. En septembre 2008, Nicolas Sarkozy est resté tétanisé 10 longs jours au plus fort de la crise financière. Rappelez-vous la séquence. Les images sont encore disponibles. Le 15 septembre 2008, la banque d'affaires Lehman Brothers, fondée 158 ans auparavant, fait faillite. Les bourses mondiales tremblent. On craint l'effondrement général, un nouveau jeudi noir, une ruée des épargnants dans leurs banques, un resserrement général du crédit qui menacerait l'économie. Mais Nicolas Sarkozy ne réagit pas, à l'inverse de tous les autres chefs d'Etat occidentaux. Il prétexte qu'il est concentré sur autre chose. Il théatralise la libération de deux otages français retenus par des pirates somaliens. Ce 15 septembre, il en a oublié la crise financière mondiale.
8 jours plus tard, toujours aucune réaction officielle. Christine Lagarde fait patienter les journalistes : Sarkozy est « en situation d'analyse avant de proposer jeudi soir toute une présentation de sa politique économique». On l'a vu discourir sur les médailles françaises aux JO de l'été précédent, ou accueillir des touristes à l'Elysée lors de la Journée du Patrimoine. Mais sur le cataclysme boursier, pas un mot...
Le 23 septembre, Sarkozy termine un weekend à New-York, avec Carla. Le voyage est semi-professionnel, semi-privé, comme souvent. Comme toujours. Il parle à l'ONU, mais ne propose rien à la France. Il s'adresse au monde, mais oublie les Français, inquiets depuis bientôt 10 jours d'une faillite généralisée des banques nationales. Quelques jours après l'une des crises financières les plus graves que le monde ait connu, le président français n'a rien de trouvé de mieux à dire qu'une succession de voeux pieux et de lapalissades.
3. Il faut attendre le discours de Toulon, jeudi 25 septembre 2008, pour enfin entendre une proposition officielle. Sarkozy annonce que l'Etat français garantira seul les dépôts de ses épargnants jusqu'à 100.000 euros. Il était temps. Dix jours à ne rien dire, ne rien proposer, ,e rien faire. En 2011, Sarkozy nous explique maintenant que cette crise fut la plus grave du siècle, plus grave même que la seconde guerre mondiale. Imaginez le Général de Gaulle patienter 10 jours encore pour délivrer son discours du 18 juin. Imaginez la France attendre 10 jours pour déclarer la guerre à l'Allemagne en septembre 1940. Nous étions et sommes encore à l'heure de l'information instantanée. Mais Nicolas Sarkozy, Monarque immobile et effrayé, a attendu 10 jours.
4. Nous sommes en octobre 2008. Nicolas Sarkozy a garanti les dépôts particuliers. Mais il ne comprend rien à la situation. C'est Gordon Brown, le premier ministre britannique, qui livre la solution : les économies occidentales sont en passe de crever d'un gigantesque « credit crunch ». Les banques et institutions financières ne se font plus confiance, et, a fortiori, ne se prêtent plus ni même aux entreprises. Il faut donc que les Etats soutiennent, garantissent et stimulent les prêts interbancaires. Sarkozy se rallie, il n'a pas la choix.
5. Le 29 janvier 2009, des millions de Français défilent dans les rues. Sarkozy s'est réfugié silencieux à l'Elysée. l'omni-président se tait. Un proche ministre confie que « le président s'est montré très surpris par la tournure des événements ». Le chômage grimpe par centaines milliers tous les mois. Sarkozy a annoncé un plan de relance... de l'offre. Des mesures d'investissements publics, par millions d'euros. Mais rien pour les ménages soudainement frappés par le chômage. Sarkozy n'a même pas remis en cause les déremboursements de médicaments, les suppressions de postes de fonctionnaires, ou l'absence de revalorisation autre que symbolique des minima sociaux. Il faut des millions de gens dans la rue pour que Nicolas Sarkozy, après quelques jours de repos luxueux en Jordanie, se décide à organiser un « sommet social ». Rappelez-vous la séquence : le sommet puis les mesures qui suivirent, pour 2,5 milliards d'euros d'aides diverses, furent décidées sous la contrainte (suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu, annulation du deuxième tiers provisionnel dès cette année, augmentation de quelques prestations familiales).
Il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser.
6. Rétrospectivement, le gouvernement Sarkozy se félicite que la consommation et le pouvoir d'achat, en France, ne se soient pas effondrés comme ailleurs. Aux Etats-Unis, des millions de maisons sont saisies. En Espagne, le chômage explose. Le 6 mai 2011, Brice Hortefeux osait encore attribuer à l'action du Monarque cette résistance exceptionnelle en Occident. Quel joli mensonge ! La France a résisté car une large part de ses revenus domestiques (retraites, fonction publique, sécurité sociale) sont insensibles, à court terme, à ses aléas de marché. Le fameux modèle social français a protégé la France, et Sarkozy, du désastre généralisé.
Finalement, que retient-on ? Nicolas Sarkozy a été dépassé par les évènements. Il a tardé à agir. Il n'a pas pris la mesure de l'ampleur de la crise. Il n'a pris aucune initiative décisive. Et il n'a pas protégé les Français. Il fallut des millions de manifestants pour qu'il daigne lâcher quelques subsides, 6 mois après le premier crash boursier.