Le matricule 7952 du camp de concentration de Buchenwald est devenu jeudi 24/04/2001 à 97 ans le premier déporté homosexuel fait chevalier de la Légion d'honneur, devant des lycéens impressionnés et très émus par le courage de ce vieil homme frêle.
Lorsque l'hymne de la Résistance française, le Chant des partisans, a retenti dans le collège Maréchal-Leclerc de Puteaux (Hauts-de-Seine), la présence du Français d'origine tchèque Rudolf Brazda, "probable dernier survivant connu des triangles roses", a donné des frissons à toute l'assistante.
Comme Rudolf, quelque 10.000 à 15.000 personnes, selon les estimations, ont ainsi été déportées sous Hitler en raison de leurs tendances sexuelles, les nazis considérant l'homosexualité comme une épidémie dangereuse pour la perpétuation de la race.
C'est devant des élèves de troisième qui étudient la seconde guerre mondiale que Rudolf a reçu ses insignes de chevalier, une cérémonie d'autant "plus singulière que le destin de ces homosexuels déportés pour avoir simplement aimé, est absent des livres d'histoire", selon le président d'Elus locaux contre le sida, Jean-Luc Romero.
"Rudolf incarne un temps nouveau où tout être humain a le droit d'aimer comme il l'entend. Gardez-vous jeunes gens de la renaissance des idées négatives", leur a lancé la présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Marie-Josée Chombart de Lauwe, qui a remis l'insigne à Rudolf.
Lui semble un peu absent. "Je suis heureux et je reçois ce prix au nom de tous ceux qui ont connu les mêmes souffrances que moi", a dit en allemand, d'une voix lente mais forte, M. Brazda qui semblait goûter davantage la poignée de questions des collégiens que les honneurs.
Son interprète, Jean-Luc Schwab, a d'ailleurs tenu à souligner qu'il était "là pour dire et redire ce qui s'est passé et dans quelles circonstances. L'école, c'est l'apprentissage du vivre ensemble et l'acceptation de la différence".
"Comment vos parents ont-ils accepté votre homosexualité ?", demande en allemand une élève. "Ils m'ont toujours accepté tel que j'étais", répond M. Brazda, qui a tenu à détailler son parcours jusqu'aux geôles nazies.
A la manière du Maréchal Foch : « Parce qu'un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ».
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Texte : Pauline Talagrand AFP / Photo : Frédérick Florin AFP