François Hollande poursuit sa stratégie médiatique, du Printemps de Bourges au sillonage de ses terres corréziennes. Récemment, il recevait Nicolas Sarkozy - en déplacement dans cet ancien fief chiraquien - à l'occasion d'une réception. En présence également de Bernadette Chirac, invitée, qui n'avait jamais été à pareil plaisir. Mais en se rendant à l'ouverture du Printemps de Bourges, François Hollande parlait là aux jeunes. A savoir deux volets traditionnels d'une campagne électorale présidentielle, des plus classiques.
Autour de Bernadette Chirac, Hollande et Sarkozy faisaient assaut de séduction. Mais ce n'était pas pour elle, ni Jacques Chirac, qu'ils brûlaient, mais pour la Corrèze. Symbôle de la France profonde, la France éternelle, synonyme de terroir et d'authenticité. “La Corrèze, fabrique de présidents, disait Hollande, sous l'approbation de Sarkozy“. La classique posture barrésienne, la terre qui ne ment pas. C'est une règle que l'on a longtemps cru d'Erin, sous la Ve République. Chaque président devait posséder son terroir d'origine, ou à la rigueur d'adoption. Chirac avait opté pour la Corrèze, tout comme Mitterrand avait adopté le Nivernais. “Pour incarner la France, un candidat devait incarner la figure désormais commune et légendaire au XIXe s., du petit provincial humilié, sensible, mûr pour l'ambition, qui connaîtra dans la capitale son éducation sentimentale et y enterrera ses illusions perdues“, dixit Eric Zemmour.
Sarkozy avait marqué une nouvelle rupture sur ce plan. Il était l'élu de Neuilly/Seine et Français de sang mêlé. C'était la trouvaille d'Henri Guaino, dans un pays où l'urbanisation et les évolutions sociales ont bouleversé le rapport à la terre. Ségolène Royal affichait par conséquent, ses quartiers de terroir. Pour 2012, DSK est aussi le non-dit de Hollande. Le Normand d'origine, élu en Corrèze depuis trente ans, n'a pas de divergence idéologique fondamentale avec son camarade socialiste. Ils sont tous les deux, européistes, ouverts à la mondialisation, “des enfants de Delors et de Jospin“. Alors pour accentuer le clivage avec le candidat lointain de Washington, Hollande joue sur cette image de terroir, compensant son manque de charisme personnel. Sarkozy a trouvé lui, plus cosmopolite et plus proche des élites mondialisées que lui, en la personne de Dominique Strauss-Kahn, et il a donc décidé d'accuser le contraste.
François Hollande joue sinon sur l'autre tableau, en se rendant récemment à l'ouverture du Printemps de Bourges, moyen de parler aux jeunes. Mais ce n'est guère nouveau, en même temps, tous les politiques s'y sont essayés : Mitterrand, Chirac. Et ils étaient tous aussi ridicules, à l'époque. C'est une question de génération, de tout de façon. C'est une question de décalage, en profondeur. Mais en effet, le problème spécifique de François Hollande et de la gauche, c'est qu'elle a perdu l'électorat populaire. Le 21 avril 2002, n'est pas bien digéré. L'électorat populaire ne vote plus à gauche. Et François Hollande essaye de remettre la main dessus et de récupérer un électorat populaire nouveau. Ségolène Royal avait réussi en 2007. Eric Zemmour et Jaffrès avaient fait un papier, à cet effet, expliquant comment elle était parvenue à rallier à elle, dans certains quartiers populaires de banlieue. Mais sans vouloir la médire, certainement aussi, pour ne pas voter Sarkozy. Il y a un enjeu, auprès de la jeunesse dans son ensemble, qui est complètement dépolitisée. Ce qui les amène à parler de leurs chansons préférées, au Printemps de Bourges.
François Hollande rejoue ainsi cette double carte, de la candidate socialiste de 2007, pour se lancer dans la course à la présidentielle. Mais on leur demande aussi d'avoir un projet mobilisateur, à droite comme à gauche, plutôt que de tomber dans cette cosmétique-là. Personne n'est dupe, ni eux, ni même les Français. Chacun joue consciencieusement son rôle. “Mais après tout, Blaise Pascal n'a-t-il pas dit un jour : Agenouillez-vous et vous croirez“.
J. D.