Je m'aperçois que j'ai un peu (beaucoup) laissé tomber les revues de presse, la dernière remontant déjà, mine de rien, à deux mois et demi. C'est dommage, car il me semble que l'exercice est plutôt intéressant et, ma foi, assez distrayant. Je ne vais pas remonter tout ce qui a pu se dire ces deux derniers mois sur Wikipédia et Wikimedia, et je vais donc me contenter de ces trois-quatre dernières semaines dans le cadre, bien sûr, d'une sélection non exhaustive, comme d'habitude1.
Vous le savez déjà, si vous suivez assidûment l'actualité ou, encore mieux, le blog de l'ami Moyg, notre suzerain suprême va se rendre, à l'invitation de l'autre suzerain suprême, au "G8-forum de l'Internet" qui se déroulera à Paris les 24 et 25 mai prochains, réunion elle-même préparatoire au véritable G8, consacré à la Toile, qui aura lieu à Deauville les deux jours suivants. Le site Internet du quotidien économique français La Tribune nous indique ici de quelle manière l'Élysée prépare cet événement. Outre la liste des invités (Dieu, donc, ainsi que Xavier Niel, Mark Zuckerberg, Vint Cerf, Jeff Bezos, Stéphane Richard ... Bref, des "institutionnels" et des dirigeants, ce qui, à mon humble avis pessimiste, préfigure déjà l'échec relatif probable du raout, la communauté des internautes étant comme d'habitude mise au ban. À noter cependant que Jimmy Wales semble en avoir conscience, puisqu'il a appelé sur son blog à lui soumettre quelques suggestions en vue de ce G8. En espérant qu'il répercute les bonnes idées qui lui seront indiquées...), l'article nous informe que la plupart des aspects de la vie sur Internet feront l'objet de débats : la croissance économique autour du Web, l'innovation, les modèles économiques et, ce qui concerne sans doute davantage encore Wikipédia, la propriété intellectuelle sur Internet, ainsi que les questions relatives à la vie privée. Les participants doivent ainsi rendre leurs conclusions sur toutes ces thématiques au président français qui, ensuite, devrait en faire part à Deauville. Ce qui n'empêche pas que des tractations diplomatiques, selon La Tribune, sont naturellement déjà en cours. L'objectif, si j'ai bien compris, est avant tout d'arriver à un consensus sur le droit de la propriété intellectuelle et la protection de la vie privée. Il est possible également que Nicolas Sarkozy développe davantage le concept de "l'Internet civilisé" qu'il avait déjà évoqué, et qui avait suscité de nombreuses critiques.
Concernant, justement, la vie privée sur Wikipédia, j'ai déniché, sur un blog à vocation scientifique hébergé par le site internet de Courrier international, ce billet reprochant à Wikipédia une supposée violation de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme quant à la protection de la vie privée en menant une "chasse aux faux-nez" excessive et en s'appuyant, selon l'auteur, sur de simples soupçons insuffisamment étayés par l'examen du CheckUser (CU), ce qui renforce, paraît-il "l'arbitraire" et la "dictature des administrateurs" sur certains sites, notamment Wikipédia. Rien que cela. La remarque sur l'impossibilité de savoir si c'est bien la même personne qui se trouve derrière une même machine utilisant deux comptes est toutefois théoriquement exacte, et la suspicion de faux-nez reste donc une hypothèse. En théorie. Après, si ces deux comptes tiennent un discours rigoureusement identique, la probabilité qu'il s'agisse dans ce cas de la même personne est extrêmement élevée, et le (faible) doute qui subsiste malgré tout doit s'effacer devant l'impératif de bonne gestion du site qui commande alors la prise de mesures administratives. C'est une violation d'une liberté fondamentale ? À voir : Wikipédia n'est ni une démocratie, ni même un État, ni même une personne morale. Du reste, le pseudo-raisonnement juridique sur lequel s'appuie l'auteur du blog est biaisé dès le départ : la jurisprudence qu'il cite sur la "mise en place d'un système de filtrage et de blocage" concerne un fournisseur d'accès internet, et non un site. De toute façon, l'exemple pris pour illustrer la "démonstration" se suffit à lui-même pour déterminer les motivations sous-jacentes du rédacteur du blog : les faux-nez des mois de mars et avril dernier autour de l'affaire Bogdanoff ... Ce billet, publié deux semaines plus tard sur le même blog, confirme avec certitude cette impression de simple (et ici énième) règlement de comptes.
Autre article grognon : "Le Web pas toujours fiable" de SudOuest.fr. Le site internet du quotidien régional nous raconte ici, et c'est hélas chronique avec les articles de presse, l'histoire d'un vandalisme lambda sur l'article de la commune de Saint-Savin-de-Blaye en Gironde, concernant spécifiquement son pauvre maire Jean-Claude Récappé, et qui a persisté plus de 10 jours (comme quoi, les vandalismes ne sont pas forcément revertés le jour-même...). Le problème est le suivant : la commune s'est vue faussement attribuée un maire par intérim, au nom imaginaire et appartenant à un parti pour le moins folklorique. Malgré la "suppression immédiate" consécutive au signalement du problème, le journaliste s'empresse de gloser sur le manque de fiabilité et d'objectivité de Wikipédia tandis que la mairie met en garde : au prochain vandalisme de ce genre, "plainte sera déposée". On ne sait pas contre qui (l'auteur est responsable, donc...), et surtout sur quel fondement : dans le cas présent, rien ne me semblait pouvoir faire l'objet de poursuite. Le faux maire est une personne imaginaire (donc absolument pas une victime), et ne pas mentionner le nom correct d'un maire d'une commune ne me semble entrer dans aucun champ délictuel. Mais du moment qu'on peut dire que Wikipédia raconte n'importe quoi, c'est le principal.
Dans le même style, mais avec beaucoup moins de mauvaise foi, on peut citer ce billet sur le blog d'AdmiNet qui revient sur la faible qualité (et quantité) de certains articles de Wikipédia. Et il s'agit ici du point de vue d'un lecteur, et non d'un contributeur. Prenant pour exemple cet article sur une œuvre de John Brunner, l'auteur déplore que les articles de Wikipédia soient d'une qualité profondément inégale, s'étonne qu'on puisse autoriser de tels contenus indigents et faméliques sur Wikipédia, et, un peu dégoûté, refuse d'y contribuer (ce qui est un tort indéniable) et s'en va ailleurs faire ce qui ressemble furieusement à du WP:Point. Il reste que son constat ne manque pas, hélas, d'une certaine lucidité — même si ses solutions, ou devrais-je dire son absence de proposition de solutions, ni de volonté d'investissement personnel pour y pallier, sont critiquables — et cela rejoint en bonne partie les constats que je faisais ici et là sur le problème réel qu'il y a à privilégier la quantité (le nombre d'articles) sur la qualité, l'influence de plus en plus néfaste de cette stratégie sur le lectorat, et donc ma conclusion qu'il faudrait se mettre à sérieusement penser à consolider et améliorer l'existant plutôt que de vouloir toujours davantage s'étendre, au risque que Wikipédia ressemble de plus en plus à un géant aux pieds d'argile.
À la suite de l'étude, publiée sur le blog de Wikimédia France, sur le profil des contributeurs de Wikipédia, plusieurs organes de presse ont relayé l'information, y allant de leurs petits commentaires. Ainsi, le site internet de La Dépêche du Midi revient ici sur les résultats de cette étude. On y apprend donc que le Wikipédien est à 80% lecteur, 20% contributeur, qu'il est en moyenne plutôt jeune, masculin, avec un assez haut niveau d'études et, s'il travaille, est plutôt dans les catégories socio-professionnelles supérieurs (cadres et autres). Rien de bien surprenant, remarquez bien. J'aurais aimé quand même que soit spécifiquement calculée la part d'informaticiens, Wikipédia étant réputée être un milieu de geeks, une réputation à confirmer ou démolir. Il est également précisé que Wikipédia est essentiellement utilisée pour la "culture générale" plutôt que pour des raisons professionnelles.
Retour ensuite sur deux événements symboliques relevés et commentés par les médias. Tout d'abord, la barre des 10 millions de fichiers (mais pas forcément utilisables ni utilisés, comme je le disais chez un collègue blogueur), a été franchie sur Commons, un cap salué par exemple par Numerama. ParisTribune.fr, pour sa part, revient le mois dernier sur le partenariat conclu en février entre Wikimédia France et le château de Versailles, et donne la parole à Adrienne Alix, présidente de l'association, Benoît Evellin, qui travaille sur place, et Jean-Jacques Aillagon, le directeur du château. Un article sympathique et rapide à lire.
Enfin, pour terminer, je vous signale, si vous ne l'avez pas écoutée, cette nouvelle intervention de Ludo29 sur la Radio suisse romande (RSR), pour parler des 10 ans de la Wikipédia francophone, l'anniversaire approchant à grands pas.
1. ↑ Ce n'est de toute façon pas le but.