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Des grands-parents comme une nostalgie
La génération de nos aïeuls nous permet de remonter dans le temps, un passé inconnu ou seulement connu par les photos jaunies, sépias ou noirs et blancs quand il y en a. Entre leurs vécus et les histoires que nous avons fantasmées pour eux la marge est petite, quelquefois. Zoéchiffon ouvre ses tiroirs de photos et nous invite à la grande aventure de ses aïeuls. Avez-vous remarqué la jeunesse sur leurs traits, je suis à chaque fois sous le charme de cette jeunesse avant nous, comme étonnée aussi (comme si tout ce qui se passait avant notre naissance était floue). Que dire alors d’une photo de mariage : Maijo dévoilait un ailleurs et un autre temps en souhaitant un joyeux 90 ans à son grand-père .
Et est-ce qu’il s’agissait du bon vieux temps ? Peut-être plus ! Les envies de ces périodes arrivent par le biais des transmissions plus que dans l’envie de repartir dans le passé.
Rose nous brosse le portrait de la grand-mère de Marcel PROUST (et de sa grand-mère, un peu) et, à travers ce point de vue littéraire, nous montre les enjeux de ces relations, les nostalgies de vie. Un héritage littéraire est aussi l’héritage d’une vie: la Comtesse de SEVIGNE par ses romans nous transmet beaucoup plus que des histoires.
Nous sommes à la limite d’un changement conséquent de la grand-parentalité. Les grands-parents sont de plus en plus jeunes, actifs, la vieillesse est de mieux en mieux supportée grâce aux progrès de la médecine. Quelques images d’Epinal avec la grand-mère au chignon et son tricot et le grand-père et sa canne perdurent mais elles vont laisser la place à d’autres représentations : de sénior actifs, qui préfèrent les voyages et les activités jeunes, aux loisirs de vieux. Sauf peut-être dans des endroits reculés ou non-occidentaux.
*source : les vieilles dames de Jacques FAIZANT
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Des grands-parents dynamiques et plus enclins à l'individualité
Le dynamisme est parfois de fait. Je ne parle pas des maisons de retraites, quelques fois mouroirs, dont Holly golightly nous laisse entrevoir l'enfer …ni de la déchéance, ni de la mort en pleine solitude…ce serait un autre billet (peut-être moins partagé d’ailleurs !). Les grands-parents se laissent moins étiquetter personnes affaiblies et reviennent à la charge, entre autres de leurs amours comme le montre un livre de Doris LESSING présenté par Sylvie. Leurs activités, fantasmées ou réelles, sont encore une source d’étonnement pour nous, le livre de Quentin BALKE présenté par Clarabel nous le rappelle.
*source : photo du film « Sous le Sable » de François OZON, où Charlotte Rampling propose la représentation d’une mère, peut-être grand-mère (et quelle belle grand-mère !), à la tendresse ne trouvant satisfaction qu’ailleurs…
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Des grands-parents et leurs transmissions
Nous avons été nombreuses à parler de ces transmissions mais pas forcément d’argent, de valeurs, de traditions ou d’histoires. Comme si le principal, nos vécus, était ailleurs.
Un savoir-faire, un savoir être, une tradition, comme celle de la cuisine équatorienne ou le fait de tamiser la farine pour la grand-mère de Maijo. Rose dévoilait un peu du livre de cuisine reçu de sa grand-mère et un je ne sais quoi d’héritage spirtituel. La transmission des objets est aussi une transmission de ce qu’ils ont été : une boite à couture (Rho « Les Malheurs de Sophie » de SEVIGNE que ma grand-mère paternelle souhaitait tellement recevoir petite fille…offert à son unique petite-fille, moi !) ouverte devant nos yeux attendris par Béatrix.
Quelques fois la relation semble hors du temps, hors des contingences, elle est unique. Lysalys nous parle de cet homme, son roc, son refuge, qui l’a initiée aux mystères et à la nature. A travers les soirées occupées à tricoter, la grand-mère de Béatrix racontait des histoires, de campagne, de secrets d’antan…à travers ses récits, les contes de grands-mères apparaissent…une maille à l’endroit, une maille à l’envers dans les contes pour enfants.
Quelque fois ce sont des mots , rien que des mots, particuliers.
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Des grands-parents ressources d'une construction identitaire
Lily nous rappelle les branches de cet arbre de vie, de son arbre de vie, comme un hommage à ses racines et branches et aussi à la vie après elle. La généalogie est plus qu’une succession de branches mortes, de racines, de noms, de lieux de vie, de morts. C’est aussi ce par quoi nous sommes ce que nous sommes.
*source : arbre familial de Norman Rockwell
Les grands-parents sont aussi ceux que nous choisissons. La sagesse des vieilles personnes, de toutes, au village, comme une aide à la sérénité, une oralité complète, soutenante. Caroline nous dévoile ces sagesses africaines qui marquent la tradition, l’identité et la sociabilité fabuleuse de ces peuples.
Il ya quelques temps, j’invitais mes grands-parents, et ceux de mon fils, à transmettre l’histoire familiale, à faire revivre ce qui a fait d’eux ces grands-parents-ci. Je voulais appartenir à une lignée familiale et proposer à notre petit loup un écrit, fait pour lui, avec tous ce qui tient au cœur de ses aieux.
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Des grands-parents comme prise de conscience de l’éphémère et de la durée de la vie
Là ce sont vos messages privés qui parlent, vos messages rien qu’à moi, cette douleur de l’absence, cette grande émotion, trop réelle, trop vivante, d’un départ parfois prévisible. Il s’agit aussi de la grande Histoire qui attaque les familles, des zones d’ombres, de grand noir, qui ont décimé l’un des grands-parents (ou arrières grands-parents). Il s’agit là aussi d’un devoir de mémoire autant que d’une initiation au cycle de la vie.
J’aurais aimé mettre la sculpture d’Auguste RODIN, Le génie de l’éternel repos, ici, mais je ne peux que vous convier à aller la regarder là .
Katell en rendant hommage à ses grands-parents, à ce qui lui reste en mémoire de détails, nous rappelle que nous le sommes en devenir, que nous, Passeurs d’imaginaires, seront peut-être des Passeurs de vie et d’histoires.
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Des grands-parents, êtres hors du temps
Etre grand-parent, c’est être une tierce personne pour le petit-enfant, pas le parent, pas l’éducateur, pas l’autorité…une personne dont la vie nous a échappée jusqu’à maintenant. Là, je ne parle pas pour les sociétés africaines mais bien pour les nôtres, occidentales. Ses rôles de travailleur, de conjoint, de parent, de personne sociale, sont quelque fois derrière eux et nous. Il arrive que ce saut de génération permette de changer le point de vue sur ce personnage.
Rose nous laisse rentrer dans la grande histoire d’un pays mais aussi dans l’histoire intime d’un homme. Esteban, le patriarche fictif de Isabel ALLENDE dans « La Maison aux esprits », rude, tyrannique, qui en devenant grand-père se fait attendri et aimant, présente en filigrane un portrait du grand-père de Rose (un peu, beaucoup, cela reste secret !). Je vous livrais des après-midi hors du temps avec des grands-mères choisies en omettant toutes les autres dont la mère de mon grand-père, pas par le sang, qui me préparais des haricots blancs rien que pour moi (au désespoir des autres qui commençaient à en avoir assez et qui me tricotait des tapis de sol pour mettre au pied de mon lit ou des chandails pour les épaules, comme une princesse).
Mais aussi c’est toute une représentation de chaleur humaine, de partage, de transmission, de mémoire familiale qu’il y a derrière ce terme. L’imagination prend quelques fois la place du vécu pour nous donner chaud au cœur et croire en une tierce personne qui raconterait à elle-seule une part de notre bien-être familial. Virginie VGM nous décrit les constantes d’un grand-père imaginaire .
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Quand je pense aux grands-parents, la vieillesse en est le premier pendant. J’aime ces rides, ce visage marqué et si jamais c’était par la sagesse, je serais comblée. Les Prix Chronos de la littérature jeunesse, créés par le Fondation Nationale de Gérontologie, ne se sont pas trompés dans leur intitulé : « Grandir c'est vieillir, vieillir c'est grandir ». Je me vois aussi comme une Passeuse, d’histoires, d’imaginaires, de vécus familiaux…de petits riens qui font l’envie d’être ensemble. Je sais aussi que, loin d’être source aboutie et importante de connaissance et de savoir, je me veux aussi en relation épistolaire, avec des potentiels petits-enfants, sanguins ou choisis, avec d’autres générations, avec la mienne…je l’ai commencé sur ce blog, non ? Mais être grand-parent n’est pas une évidence, ce n’est pas un choix, ce sont bien nos enfants qui nous y entraînent… Et que dire des grands-parents que nous avons créés en devenant parent?
*source « Espoir » de Gustav KLIMT
Merci infiniement de vos partages : Béatrix, Virginie VGM, Rose, Caroline, Zoéchiffon, Maijo, Lysalys, Katell et Lily. Et inconsciemment Clarabel, Sylvie et Holly golightly.
Et merci aux autres qui se reconnaitront pour leurs mots en secret…chut, je ne dévoile rien, c’était si troublant…
NB : Pour aller plus loin, voici une idée des livres pour enfants parlant de grands-parents et une notion de la vieillesse dans les livres jeunesse.