Pouvez-vous nous présenter le «Euromed Transport Project » ?
Le programme Régional d’Action «Euromed Transport» est un programme lancé dans le cadre Euro-méditerranéen du Processus de Barcelone (1995) qui s’est inscrit par la suite dans la politique de voisinage (PEV) de l’UE, qui a donné lieu à des actions d’assistance technique aujourd’hui placés également sous l’égide de l’Union pour la Méditerranée (UpM).
Ce programme PART ( Plan d’Action Régionale de Transport) comprend plus de 30 actions liées à tous les modes de transport.
L’action « Autoroutes de la Mer », appelée MEDAMoS I, a été finalisée mi-2010. Un nouveau programme, MEDAMoS II, a démarré fin 2010 avec une équipe d’experts basée à Casablanca.
Ces programmes d’assistance technique visent à établir avec les pays du voisinage de l’Union Européenne des axes de transport à segment maritime performants et de référence et à constituer à terme un réseau d’autoroutes de la Mer en Méditerranée, au service des échanges commerciaux entre les marchés de la région.
Les « Autoroutes de la Mer » sont constituées d’un ensemble de solutions destinées à rendre, sur ces axes de référence de haute qualité, l’intermodalité terre-mer la plus fluide possible, grâce à une utilisation optimale des infrastructures et équipements de transport et à des mesures de facilitation aux interfaces Mer-Port-Terre.
Les questions de QSE (Qualité Sécurité Environnement) sont nécessairement intégrées dans les enjeux de fluidité et d’efficacité : moins de nuisances, moins de congestion, moins de pollutions.
Dans le cas du Maroc, pour les exportations de primeurs, MedaMoS a accompagné le développement des services maritimes entre Agadir et les marchés européens via Port-Vendres (et étendus par la suite à Dunkerque). Ces services ont permis d’établir puis de renforcer, avec un soutien financier de l’UE (Programme Marco Polo), le basculement progressif du mode routier vers le mode maritime, et donc de capitaliser une réduction des émissions de CO2.
Quels sont les différents enjeux environnementaux dans la logistique maritime et portuaire?
Il convient de considérer en premier lieu que le choix du transport maritime est plus respectueux au plan environnemental du fait de son caractère massif, qui permet de faire des économies de carburants par unité transportée (tonne, palette, conteneur, remorque routière). Face à cet enjeu, le choix se porte désormais sur le « low-steaming », notamment depuis 2008 sur les lignes longues, et ce ralentissement de la vitesse des navires entraîne un allongement des temps de trajets entre la Méditerranée et l’Europe d’une part, l’Asie d’autre part.
La rupture intervenue à l’occasion de la crise de fin 2008 a les impacts suivants : recherche de réduction de carburants, baisses des émissions, augmentation des temps de trajet. Ceci a été surtout favorisé par l’explosion des coûts des carburants, cas intéressant de coïncidence entre les facteurs économiques et environnementaux.
Sur des trajets plus courts, intra-méditerranéens, où la vitesse des navires, et donc la consommation de carburants, doivent tenir compte d’horaires plus tendus, notamment pour les navires Ro-Ro / ferries, la consommation des carburants est importante, et le recours à des navires plus grands pour réduire l’impact environnemental à l’unité de marchandises transportée est moins significatif.
Pour les ports, l’enjeu environnemental est surtout urbain pour le très grand nombre de ports situés au cœur des villes ou dans leur proche périphérie. Il s’agit de concilier des contraintes de type industriel avec la proximité d’activités humaines, de gérer l’intermodalité du fret et des passagers en intégrant les gares ferroviaires et le réseau routier, afin de fluidifier la circulation des biens et des personnes tout en améliorant le bilan carbone des infrastructures portuaires.
Quelles évolutions ont-elles permis une meilleure prise en compte des enjeux environnementaux dans la logistique maritime et portuaire?
Les enjeux environnementaux sont pris en compte à des niveaux différents selon les acteurs de la filière.
Transporteurs maritimes : la prise de conscience est relativement récente et encore en partie hésitante face aux contraintes réglementaires subies, mais la volonté d’apparaître comme pratiquant des bonnes pratiques sectorielles est de plus en plus manifeste. Le curseur se déplace progressivement vers le déterminant environnemental, en partie grâce aux contraintes d’exploitation, prix du carburant oblige.
Certaines régions, à l’exemple de l’Europe du Nord, mettent en place des dispositions d’exclusion des navires les moins « verts », et ces expériences s’étendront aux autres zones maritimes à plus ou moins long terme.
D’autres solutions, plus techniques, apparaissent dans le recours aux énergies renouvelables, au moins en énergie d’appoint ou en « mixte ».
Gestionnaires de port : La plupart des ports s’inscrivent aujourd’hui dans une démarche volontariste de « ports verts ». De nombreux colloques ou autres événements tenus ou à venir cette année (Venise, Tanger, Hambourg) permettent d’échanger les expériences et d’étendre les meilleures pratiques. Les autorités portuaires travaillent à la mise à niveau de leurs infrastructures et équipements, en fonction du niveau réglementaire local. La sensibilisation et les actions sont particulièrement marquées en Europe du Nord. En Californie, les autorités obligent les navires, lors de leur escale à quai, à utiliser l’énergie du port afin d’éviter l’utilisation du fioul lourd des navires. Et des mesures sont prises dans de nombreux ports pour recueillir les déchets des navires et faciliter la récupération et le traitement contrôlé des huiles usagées, en application de conventions internationales.
Il est intéressant de noter qu’à Tanger-Med, infrastructure portuaire nouvelle, où ont été pris en compte les enjeux les plus récents en matière de logistique, de systèmes d’information, d’intermodalité et de capacités d’extension, il a été possible d’intégrer en amont les objectifs environnementaux, à la différence des ports anciens où on adopte plutôt une politique correctrice.
Chargeurs, représentants de la marchandise : Les politiques environnementales des firmes exportatrices et importatrices sont diverses, selon leurs produits, leurs processus logistiques, les labels et certifications qui peuvent les obliger à imposer des contraintes à leurs prestataires logistiques. Certains, fortement impliqués par leur image environnementale, ne peuvent pas faire le choix de solutions de transport polluantes, sauf à brouiller la perception de leurs marques. Ces donneurs d’ordres mettent ainsi la pression sur leurs prestataires pour que l’impact environnemental du transport soit conforme à l’image qu’ils souhaitent véhiculer. De façon générale, les comportements restent différents en fonction des contraintes de mise sur le marché des biens commercialisés par les donneurs d’ordre.
Marc ABEILLE, économiste, gérant du Cabinet CopeTrans – Paris, intervient en qualité de consultant en transport maritime et chaînes de transport à maillon maritime pour le compte d’institutionnels internationaux, entreprises – opérateurs, ports, utilisateurs de transport ou d’organisations professionnelles.Spécialiste des transports multi / intermodaux, il effectue régulièrement des études et missions de conseil dans les domaines qui s’y rapportent.
Maître de Conférence associé à l’Université Paris I Panthéon- Sorbonne jusqu’en 2010, Marc Abeille assure des formations centrées sur les thèmes de la coordination intermodale des transports et de l’intégration des schémas de transport dans les chaînes logistiques.
Fondateur et animateur de 2000 à 2004 du Bureau de Promotion du « Short Sea Shipping » en France et du European ShortSea Network, Marc Abeille a dirigé le programme Euro-Med Transport d’Autoroutes de la Mer pour 12 pays méditerranéens (MedaMoS 2007 – 2010), et un programme identique pour 8 pays de la Mer Noire et la Mer Caspienne (Black & Caspian Sea MoS 2009 – 2011).