Graoulliennes, Graoulliens, amical bonjour de la pointe Bretagne ! Soyez patient, je vous mitonne un « poulet de presse » spécial Ben Laden, mais avant d’en arriver là, je tenais à vous livrer mes impressions sur quelques journaux achetés avant l’exécution du célèbre chef terroriste. On y va ?
Ta gueule ! n°5 (avril-mai 2011) : Si l’un de mes anciens « poulets de presse » vous a donné envie de lire CQFD, Zélium, Fakir et Politis, revues de qualité dont j’ai fait l’éloge ici même il n’y a pas si longtemps encore et que vous vous êtes évanouis plusieurs fois devant l’intelligence, l’humour et le talent de ceux qui composent ces journaux, je vous rassure : Ta gueule ! ne vous achèvera pas. Le fait que ce journal bimensuel se résume, à quelques articles près, à une grande revue de presse de huit pages n’est pas en soi un défaut : c’est un peu ce que je fais avec cette rubrique, et puis il n’est pas inutile de mettre en valeur les petites arnaques et les tentatives de manipulation de la presse dominante, notamment quand elle essaie de dire ce que nous allons faire, ce que nous pensons. Non, je regrette davantage la brièveté de la majeure partie des textes, format qui laisse peu de place à une vraie réflexion, de même que la présence importante d’informations qui auraient tout à fait leur place dans la rubrique « insolites » du quotidien Ouest France. En général, j’aime bien la presse dite « alternative » parce qu’elle délivre des informations importantes qui ne passeraient pas dans les autres journaux ; avec Ta gueule !, je reste franchement sur ma faim : après tout, est-ce si important de savoir qu’il existe un jeu vidéo consacré à la série allemande Derrick (si ! si !), qu’un salarié britannique sur quatre ment sur ce qu’il a fait le week-end et que les seniors sont séduits par le I-pad ? On ne peut pas dénoncer sur une page la dérive des journaux délivrant des infos divertissantes et en faire autant dans la même page ! Mais ce n’est pas l’incohérence la plus grave de Ta gueule ! qui, page 2, exige ouvertement que Guéant « dégage » de la place Bauveau pour ensuite demander, au nom de la liberté d’expression, qu’on laisse Zemmour impuni ! Pourtant le problème est le même, puisqu’un individu payé par l’État (il ne faut pas oublier que Zemmour a tenu les propos qui lui ont valu sa condamnation sur une chaîne de télévision PUBLIQUE !) se sert de la liberté d’expression pour laisser entendre qu’il serait légitime de priver de cette liberté un certain nombre d’individus. Non, monsieur Saint-Guillaume, Zemmour n’a plus le droit que Guéant de dire n’importe quoi, ne serait-ce que parce que l’État le paie et qu’il a donc des compte à rendre à la population ! De toute façon, même en faisant abstraction de ça, la liberté d’expression ne peut se contredire elle-même et se traduire, du point de vue de son application, par la légitimation d’un amoindrissement de cette liberté ! Je commence à me fatiguer d’avoir à le répéter. Ta gueule ? Toi-même, hé !
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Zélium n°3 (avril 2011) : J’ai souvent déploré le format Canard enchaîné du journal Zélium, format qui en rendait la lecture assez pénible à mon goût. Bonne nouvelle : ce numéro 3 a un format plus petit. Mauvaise nouvelle : en général, cela signifie que le journal rencontre des difficultés financières… Donc, si vous pouvez soutenir le journal par un don d’argent, en vous abonnant ou en achetant plusieurs exemplaires pour les offrir à vos amis, faites-le. Si vous pouvez, hein ! Je ne vais pas vous donner de leçons, je n’ai, pour ma part, pas assez d’argent pour me le permettre. En dépit de cette réduction du format, Zélium reste toujours aussi varié, même si le sujet dominant, qui occupe au moins cinq pages du journal, est bien évidemment le nucléaire ; difficile de passer à côté, (occasion rêvée pour Rifo d’imposer son super-antihéros Hiroshiman à la une) d’autant que le fait que la catastrophe ait eu lieu au Japon change radicalement la donne du point de vue des mentalités si l’on en croit Hervé Kempf interviewé par Linda Maziz : « Avec Tchernobyl, c’était différent, c’était des Russes, l’Union soviétique, sous-entendu un régime irresponsable qui maîtrisait mal la technologie. Avec le Japon, le pays le plus en pointe, un niveau technologique incontestable, on ne peut plus avoir cette attitude méprisante. » Le vrai début de la fin du nucléaire, alors ? Je l’espère d’autant plus que je serai ravi que soient foutus sur la paille les connards irresponsables, prétentieux et hypocrites qui dirigent la centrale de Marcoule visitée par Julien Revenu ! Mais il ne faut pas rêver, ça prendra du temps, comment le laissent prévoir les difficultés que l’on rencontre présentement pour démanteler la centrale de Brennilis… Il n’y a pas à tortiller, le nucléaire est la source d’énergie la plus conne jamais inventée par l’homme ! Allez, assez fait joujou avec l’atome, on démonte le bouzin, tant pis pour le temps que ça prendra, il aurait fallu y penser avant ! Qu’est-ce qu’il y a d’autre à dire sur Zélium ? Ah oui, j’ai reconnu le « dirlo au RMI » soi-disant interviewé par Anne Cunoir : c’est Étienne Liebig ! Ah, on ne me la fait pas, à moi ! Enfin, signalons une bonne nouvelle relayé par le journal : l’ONU reconnaît tout à fait officiellement que l’agriculture biologique AUGMENTERAIT les rendements dans les pays en développement ! Les lobbys de la monoculture traitée aux produits chimiques n’ont dont même pas cet argument pour défendre leur empoisonnement aggravé par l’appauvrissement des populations, crime motivé uniquement par la recherche du profit à court terme et par un néo-colonialisme de mauvais aloi visant à maintenir les peuples du Tiers-monde dans la servitude la plus noire… Finalement, quand on cherche bien, beaucoup de fléaux actuels ont des causes beaucoup moins complexes qu’on ne le croit !
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Psikopat n°231 (mai 2011) : L’ambiance est plutôt au rire jaune dans ce numéro de Psikopat qui, Fukushima oblige, consacre son dossier du mois au nucléaire, à grands renforts d’annonces de la fin du monde et d’images de mutants plus ou moins monstrueux… Il est vrai que conserver son humour avec ce genre de catastrophe est déjà méritoire, j’ai moi-même eu un mal de chien pour y arriver quand nous étions au plus fort de l’événement, et pourtant ce n’est pas à moi qu’il faut apprendre à quel point la dérision est indispensable surtout quand des problèmes de cette ampleur nous tombent dessus ! Il y a cependant deux choses qui me gênent dans ce mensuel habituellement irréprochable : premièrement, rappelant que nous profitons tous de l’énergie nucléaire, l’habituellement sagace Jean-Luc Coudray tient un discours culpabilisant : « Nous troquons un léger bienfait contre la censure définitive de l’avenir. Nous regardons nos téléviseurs contre la déformation génétique de nos enfants. Nous profitons de nos ampoules électriques contre la contamination de la biodiversité. Ce décalage est celui du riche qui fait souffrir cent travailleurs pour se payer ses enjoliveurs ou du dictateur qui torture mille personnes pour se baigner dans sa piscine privée. Nous sommes tous des salauds de patrons et des salauds de dictateurs, mais vis-à-vis de la planète et de nos enfants ». Je n’ai jamais été favorable à ce que fait aussi Nicolas Hulot, à savoir culpabiliser le citoyen moyen plutôt que de s’en prendre aux industriels et politiciens. Vous ne croyez pas que chacun de nous ne demanderait pas mieux que de tirer l’énergie d’autre chose que du nucléaire ? Vous ne croyez pas que ça arrangerait tout le monde de ne pas avoir un mode de vie imposé de l’extérieur par des margoulins qui nous font perdre notre vie à la gagner ? Je me sens donc plus proche de Dédé la Science (André Langaney) qui préfère souligner que « le problème des centrales électronucléaires dangereuses, c’est le problème du capitalisme sauvage et des gouvernements irresponsables pour lesquels le profit immédiat est plus important que les bavures et les problèmes à long terme ». Rien à ajouter ! La deuxième chose qui me gène, qui n’a rien à voir avec le nucléaire, c’est le refus formulé par Carali dans son « Zlata » de se joindre au concert de réactions indignées suscitées par les propos d’Éric Zemmour. Ne pas vouloir s’indigner là où on lui dit de s’indigner est à son honneur, mais il fait, à mon humble avis, une erreur en affirmant que Zemmour gène simplement parce qu’il ose sortir de la masse et ouvrir sa gueule. Se défendant de soutenir l’éditorialiste du Figaro magazine, le dessinateur avoue néanmoins « je ne suis ni assez politisé ni assez cultivé pour défendre ces gens-là, je défends la liberté d’opinion et d’expression, point barre ». Carali, à cet égard, me semble victime de la stratégie des « nouveaux réacs » dont le but n’est pas de faire avancer le débat mais de brouiller les cartes en faisant passer pour un exercice légitime de la liberté d’expression la défense d’idées dont l’application se traduirait par la privation, pour une ou plusieurs personnes, de cette liberté, de façon à rendre acceptables ces idées infâmantes. Enfin, je dis ça, mais c’est peut-être moi qui me trompe ! Après tout, ce que j’en dis… Combien vous pariez que le dossier du prochain Psikopat sera consacré aux terroristes ?
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Le canard enchaîné n°4718 (30/03/2011) : Ce numéro du vénérable journal satirique a paru après le second tour des cantonales : il se fait donc tout naturellement l’écho de l’ambiance délétère qui règne au sein de l’UMP. Le « parti en ordre de marche » que vous ventait à tire-larigot la presse amie de Sarkozy est désormais loin derrière nous… Évidemment, ce n’est pas si important que ça, je dirais même que savoir que les requins de l’UMP s’entredévorent n’est pas d’une grande utilité pour le citoyen de base qui préférerait voir les politiciens s’occuper de ses problèmes (que le Canard n’ignore d’ailleurs pas, un papier publié à la une traite explicitement des prix qui montent sans cesse) plutôt que de se regarder le nombril. Mais tant pis, comme disait François Béranger, « c’est tellement bidonnant de les voir se casser les dents en s’envoyer dans le nez toutes leurs turpitudes passées », alors ne boudons pas notre plaisir ! Cela dit, n’en déplaise à Ta gueule ! (décrit plus haut) qui a descendu en flammes le « Palmipède » comme l’appelait De Gaulle, il n’y a pas que des bruits de cour dans le Canard, il y a aussi des informations qui ne passent pas dans les autres journaux. Par exemple, avez-vous entendu parler de la pratique du « pantouflage » qui consiste, pour les membres des conseils généraux sortants, à essayer de se faire embaucher par des sociétés faisant des affaires avec leur département ? Saviez-vous que les responsables de la centrale nucléaire de Grenoble, une des seules villes au monde à avoir une centrale intra-muros, traitent de la sécurité du site avec une légèreté qui n’est que moyennement rassurante ? Que Pierre Coppey, P.D.-G. de Vinci Autoroutes, a pu prendre le TGV sans payer grâce à un coup de fil d’un cadre de la SNCF qui a ordonné aux contrôleurs de « ne pas verbaliser monsieur Coppey », confirmant à quel point le pouvoir et l’argent donnent à certains l’illusion d’être au-dessus des lois (c’est malheureusement un peu vrai) et de notre mépris (là, c’est râpé) ? Mais le plus fort, à mon sens, reste ce qui arrive à Nouméa ou, pour lutter contres les moustiques porteurs du virus du chikungunya, la municipalité vaporise un produit interdit en France depuis 2009 ? Il s’agit du malathion, « connu en tant que puissant neurotoxique (il attaque le système nerveux), très nocif en cas d’ingestion, très néfaste aux insectes utiles (abeilles) et aux poissons. Et, pour couronner le tout, le produit de décomposition du malathion (le malaoxon) est considéré comme 60 fois plus toxique que le malaoxon pour le foie des mammifères. » Vous vous rendez compte du tollé que ça provoquerait, si cela avait lieu en métropole ? Mais ça a lieu dans nos colo…pardon, dans un territoire d’outre-mer situé de l’autre côté de la terre, alors on s’en fiche… J’ai subitement comme un coup de bourdon.
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Bikini n°1 (avril-mai 2011) : « Gratuit, indépendant, régional » : trois épithètes par lesquels ce nouveau magazine gratuit diffusé en Bretagne se définit. On ne peut pas me soupçonner d’une sympathie démesurée pour les journaux gratuits que j’ai souvent considérés comme des chevaux de Troie destinés à étouffer la presse payante et ainsi assurer aux entreprises qui les éditent un quasi-monopole de l’information et donc un pouvoir effroyable sur l’opinion publique. Dans le cas de Bikini, ce problème ne se pose pas vraiment puisqu’il traite de « société et pop culture », et donc surtout pas de politique, sauf peut-être à travers les propos des personnalités interrogées par l’équipe du journal. Bikini est plutôt comme une plaquette sur l’actualité culturelle et sociale de la région, mais en plus étoffé ; l’ensemble est honnête, bien ficelé et agréable à lire, même si certains rédacteurs ont un style qui n’est pas exempt de volonté affichée de faire « branché », mais ce n’est pas bien grave. Le seul vrai point noir est peut-être le reportage de Julien Marchand « J’ai rencontré un raëlien » dans lequel l’accent est mis précisément sur le fait que le mouvement raëlien ne cesse de perdre de l’influence… Je ne vois donc pas véritablement l’intérêt d’en parler encore : c’est le meilleur moyen pour faire de la publicité à une secte qui est sur le point de tomber dans un oubli mérité ! Enfin, tant pis, le projet éditorial défendu par la rédaction est tout de même sympathique : « ce bimestriel a l’ambition de porter un regard différent sur l’actualité culturelle et sociétale. Et ainsi d’apporter une voix de plus à la presse régionale. Média culturel au sens large du terme, Bikini traitera avec la même considération l’ensemble des phénomènes. Qu’ils soient minoritaires ou grand public, émergents ou installés, indé ou institutionnels. Tous les acteurs nous intéressent. Nous avons la même curiosité pour un artiste confirmée que pour un newcomer, du moment qu’il défend un projet cohérent. » En dépit du fait qu’ils auraient pu écrire « nouveau-venu » plutôt que « newcomer » qui fait un peu snob, on ne peut que leur souhaiter bonne chance, surtout que la presse gratuite en Bretagne, ce n’est pas évident : je me souviens qu’il y a quatre ans avait fleuri en Bretagne un quotidien gratuit, fixé sur l’actualité, appelé Bretagne plus, organe de presse qui a échoué à survivre face aux deux quotidiens régionaux payants, Le Télégramme et Ouest France ; la presse gratuite ne fait sans doute pas partie de la culture des Bretons, ce qui explique peut-être le choix par Bikini de la parution bimensuelle, par nature moins casse-gueule le quotidien… Enfin, qui vivra verra et vogue la galère ! Qui peut jamais savoir de quoi demain sera fait ? Allez, kenavo !
Ah ben tiens, en parlant de bikini et de Bretagne... Cliquez pour agrandir.