Dans une tribune du Monde daté du 4 mai 2011, Fabrice Gerschel explique la raison pour laquelle les marchés ignorent les "cignes noires" : évènements marquants mais uniques annonçant un changement fort. Il illustre son propos sur la situation observée dans les semaines qui ont suivi la catastrophe de Fukushima, sur le plan de la finance mondiale.
Il conclue ses propos par l'impossibilité pour les gouvernements (quelque que soit leur bonne volonté) d'agir en faveur du climat de manière suffisamment radicale pour éviter une élévation moyenne des températures de plus de 2 degrés. Il conseille de s'adresser aux marchés, et donc de les intéresser au sujet.
La capacité des états à avoir un effet régulateur est, contrairement à ce qu'ils annoncent est essaient de nous faire croire, très limitée. Et le secteur de la finance est l'unique réel opérateur du développement mondial, de l'orientation des politiques publiques ... Le conseil de M. Gerschel est donc parfaitement judicieux, d'autant plus qu'il vise à nous intéresser au fonctionnement de cet acteur sur-puissant. Car, malheureusement, comme tout acteur puissant, il ne s'intéresse qu'à son propre devenir. Donc pour se faire écouter, il faut savoir lui parler dans son langage, selon ses codes ... Dans le cadre du Grenelle de l'Environnement, il n'était pas présent parmis les "parties prenantes", mais celles qui ont participé aux échanges ont pu évoluer pour comprendre les enjeux et donc les positions des autres acteurs. Il aurait été opportun que le monde de la finance veuille bien participer à ces travaux.
Mais c'est le défaut des acteurs sur-puissants : ils se considèrent supérieurs à tous les autres et, souvent, refusent d'échanger avec eux ... Jusqu'à ce qu'ils soient renversés. Les exemples récents des pays arabes en sont l'illustration, ou encore TepCo dans sa gestion de la crise de Fukushima. Mais si ces évènements peuvent être souhaités par certains, les situations de boulversement rapide ne sont jamais faciles à gérer. Des transitions plus souples sont préférables, mais rarement souhaités par les acteurs les plus forts.
Le conseil de M. Gerschel va donc dans le sens d'une transition, mais sans éviter la situation révolutionnaire.
Il souligne d'ailleurs la préoccupation que génère pour lui la déconnexion entre l'opinion et le monde économique. Dans cet avis, il faut comprendre "l'opinion" comme l'opinion publique, celle du peuple, celle de la forme de production du "monde économique" (ce qui rend l'avis encore plus préoccupant !) ... Et ne faudrait-il pas réduire le "monde économique" au monde de la finance, qui dirige l'ensemble des acteurs économiques ?
Mais cette situation n'est-elle pas le produit d'une démarche volontaire du monde économique ? C'est en tout cas l'interprétation qui pourrait être faite de la manière dont le monde économique communique (ne pas communiquer est une forme de communication) en direction de la population et des autres acteurs. Les annonces ou les exercices d'explications "grand public" tendent à ressembler aux paroles de la reine, face à la révolte du peuple affamé :
"Ils n'ont pas de pain ? Ils n'ont qu'à manger des brioches !"