Car les anglais sont excentriques, monarchistes et bons enfants. Et buveurs de bière, mais c'est un détail qui n'a rien à faire ici. Quoi qu'il soit raisonnable de penser qu'ils ont vidé quelques pintes en l'honneur de la duchesse de Cambridge et du duc de Carrickfergus.
God save the Queen !
Outre Manche, on s'interroge, par vieil atavisme pas tant républicain que teinté d'anglophobie, sur la raison d'un tel engouement pour les arrières-petits-enfants de Georges VI. Sans doute, d'accord avec Maupassant, nous demandons-nous pourquoi faudrait-il être heureux à date fixe, sur décret du gouvernement. C'est sans doute ce même esprit de rébellion bien gaulois qui fait que nous assistons chaque 14 juillet à l'institutionnel défilé des troupes de la République.
Au final, l'événement n'en était un que parce que vendu comme tel par les médias. Mais la liesse populaire était bien réelle. Faut-il, à l'instar de paysanheureux être heureux de voir des gens heureux ? Ou bien, douter du genre humain avec Pensecris, qui ne comprend pas que l'on puisse s'intéresser à un tel spectacle, mais si peu aux injustices du monde ?
La réponse est dans l'énoncé : la crise économique, les catastrophes nucléaires, les tarifs des plombiers, le racisme dans le milieu du football, c'est déprimant, c'est triste, c'est pas beau... Les quelques millions de personnes qui ont suivi l'événement à la télévision ne se désintéressent sans doute pas de toutes les calamités qui s'abattent sur ce pauvre monde ; seulement, à choisir entre le spectacle de la misère et celui de la joie, même si il s'agit d'une joie mise en scène, institutionnelle et devenue un objet de consommation de masse par la grâce des médias, le choix, pour nombre de personnes, a été vite fait.
Un mariage royal, finalement, c'est une nouvelle incarnation du divertissement pascalien... Loin de me faire douter du genre humain, me voilà conforté dans ma vision des choses.
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Trois jours à peine après cette joie naïve, on a pu voir d'autres images de joie : celle de la foule américaine manifestant son bonheur à l'annonce de la mort d'Oussama Ben Laden. On a alors vu de braves employés de supérettes, de doux agents immobiliers, d'inoffensifs analystes financiers (encore que pour ceux là, on soit moins sûr) agiter des drapeaux, se grimer de masques grotesques et, allez savoir, sans doutes d'honnêtes grand-mères ont-elles arboré des costumes ridicules.
Times Square on the night Osama bin Laden killed, CC Josh Pesavento
Car cette fois c'était sûr, le grand croquemitaine des peurs occidentales était mort. Ces gens, américains, new-yorkais en tête, criaient leur joie, leur soulagement. Alors ils ont levé leurs verres en plastique, scandé U-S-A jusqu'au bout de la nuit, et agité bougies et drapeau, dans une ambiance entre kermesse et concert de rock. Car les américains sont exubérants, patriotes et enfants de la liberté.God bless America.
Ils étaient libérés d'un souci, d'un fardeau, d'un cauchemar. Mais plus que la fin d'une menace, c'était surtout la disparition d'un symbole et l'assouvissement d'une vengeance qui étaient célébrés. Cette joie là me fait peur. Dix ans de "guerre contre le terrorisme", 300 000 morts -en grande partie des civils, ce qui tend à prouver qu'il s'agit bien d'une guerre- des restrictions à nos libertés dont nous paierons longtemps le prix, et pas beaucoup plus de sécurité au final. La guerre est-elle vraiment finie ? Est-ce qu’on peut remettre du shampooing dans notre bagage cabine ? (dixit Michael Moore)
Non, bien sûr.
Osama Dead - CC Sebastian Niedlich
La mort du terroriste le plus connu depuis Carlos ne changera rien. Depuis 2001, nous vivons sous le règne de la peur. Peur qui nous a fait renoncer à nos valeurs : on surveille, on censure, on torture, on emprisonne sans procès. Cette exécution saluée comme une justice rendue ne vient qu'apporter une touche complémentaire à l'édifice ignominieux construit depuis le 11 septembre 2001, dans le bruit des armes et la fureur de la vengeance.Je ne vois pas où sont les raisons de se réjouir. Heureusement qu'il nous reste les mariages royaux.
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Le titre est bien sûr un clin d’œil à un autre William, royal à sa façon.