En Belgique, depuis qu’existe la monarchie (en 1831), la teneur des entretiens politiques du Roi est tenue secrète. Un modus vivendi appelé « colloque singulier » et censé garantir une certaine (mais bien sûr illusoire) neutralité du chef de l’Etat considéré comme asexué politique. Un chef de l’Etat, il n’est pas inutile de le rappeler, au pouvoir constitutionnel ultra limité et dont le rôle moral et citoyen est précisément de jouer au conseiller conjugal auprès du couple België-Belgique bien mal en point.
De crise politique en crise politique, ce colloque singulier est devenu au fil du temps une hypocrite mascarade - l’actuel premier ministre démissionnaire (Yves Leterme) s’est lui-même empressé de le violer – sans pour autant faire la Une des médias. Le château de cartes vient de s’écrouler avec la publication d’un livre reconstituant le plus fidèlement possible les entretiens d’Albert II avec les barons du régime, autrement dit les tout puissants présidents de partis, et quelques autres personnages influents du marigot belgo-belge.
« Belgique, un Roi sans pays » est ce bienvenu fauteur de trouble écrit par deux éminents journalistes politiques de la presse écrite, le francophone Martin Buxant (La Libre Belgique) et le néerlandophone Steven Samyn (De Morgen). Un opus bien utile qui offre une vue précise et circonstanciée sur ce qui se cache derrière le miroir de la monarchie. Comme il fallait s’y attendre, les critiques et l’accusation suprême d’avoir ‘dévoilé la Couronne’ ont fusé dès sa parution ce 5 mai, parmi ceux-là même qui l’ont alimenté de leurs confidences anonymes et parfois croustillantes.
Buxant et Samyn ont mené leur enquête pendant ces deux dernières années, une période cruciale pour l’avenir du pays. Ils ont ainsi collecté au fil des jours les confidences des acteurs du vaudeville institutionnel qui participent de près ou de loin aux entretiens royaux. Des caciques du nord et du sud du pays, ce qui donne bien sûr une crédibilité aux propos de l’ouvrage.
On y découvre la personnalité cachée du roi Albert II, bien seul aux côtés de son intriguant chef de cabinet (le ‘vice-roi’), et la crainte grandissante de voir lui succéder son fils Philippe unanimement considéré inapte pour tenir le rôle de roi. Tout cela dans un contexte de remise en cause de la fonction royale que la Flandre voudrait exclusivement protocolaire et des dotations aux cinq membres de la famille d’Albert II.
Le livre est édité chez Plon.