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Nous entamons aujourd’hui une série de trois articles sur les caractéristiques des titres payeurs de dividendes croissants. Nous commencerons par discuter du marché, de psychologie, de spéculation et d’investissement dans les titres de valeur. Nous nous interrogerons alors sur les particularités des dividendes et en particulier des dividendes croissants. Enfin, nous terminerons cette série en tirant quelques enseignements utiles pour tout investisseur orienté revenu et valeur.
Le Net regorge de sites payants qui vous proposent de battre le marché. Il existe différents systèmes plus ou moins compliqués qui permettent de réaliser des performances excédentaires, en misant notamment sur des ventes à découvert, des valeurs spéculatives, des sociétés en faillite ou des petites capitalisations. Si certaines de ces méthodes portent leurs fruits à court et moyen terme, elles le font au prix d’un risque accru et de frais de gestion élevés. Elles reposent pour la plupart sur des anomalies temporaires du marché qui tendent à se corrigent sur le long terme.
Dès qu’une martingale boursière se fait connaître, Mr. Market la rend désuète tandis que de nouveaux acheteurs (ou vendeurs) apparaissent. Dans le meilleur des cas, ils annihilent l’avantage d’être placé sur une niche, un secteur ou une valeur sous-évaluée. Ce phénomène se passe également lorsqu’un petit fond de placement devient populaire suite à une succession de bons résultats. Plus il a de clients, plus il doit acheter de titres, et plus son rendement va s’aligner sur le marché. Mais dans le pire des cas, le succès d’un type de placement peut créer une bulle spéculative.
On a même vu à de nombreuses reprises des chaînes de Ponzi se répéter au cours de l’histoire, comme si l’Homme n’avait pas la faculté de se souvenir de ses erreurs pour éviter qu’elles ne surviennent à nouveau. Chaînes de Ponzi et bulles spéculatives ne sont pas si éloignées quand on y pense, les deux reposant sur l’avidité sans limite d’un vendeur qui veut réaliser son bénéfice et de celle d’un acheteur encore plus fou qui espère pouvoir faire aussi bien, le tout ne reposant sur aucun fondement réel de l’économie.
C’est cette différence entre l’économie réelle et la psychologie humaine qui distingue l’investissement basé sur la valeur de la spéculation. Cette dernière se nourrit de la cupidité et de la peur des Hommes. Elle a par ailleurs besoin du temps pour faire naître, s’épanouir et mourir des bulles spéculatives. Le temps leur permet aussi de se faire oublier des Hommes pour mieux resurgir plus tard, raison pour laquelle elles feront toujours partie intégrante du marché.
En ne se focalisant pas sur les tendances et les modes boursières, mais sur la valeur d’un actif à un instant donné, quelques rares investisseurs sont parvenus à battre le marché sur le long terme. Les plus connus sont bien entendu Warren Buffet et Benjamin Graham. Leurs principes sont finalement simples, mais ils requièrent du sang-froid et un détachement total par rapport à la majorité des autres investisseurs et spéculateurs. Investir sur la valeur, c’est finalement simplement savoir ce que l’on paie en fonction de ce que l’on obtient.
On peut s’intéresser à des actifs, des bénéfices, des dividendes… des éléments tangibles et bien réels, tout l’intérêt étant de payer le moins cher possible pour les obtenir. André Gosselin résume à merveille dans le texte ci-dessous les qualités multiples des dividendes, et en particulier leur faculté à se détacher de la perception des investisseurs, pour se focaliser sur la croissance réelle des sociétés :
Selon la firme de recherche de Chicago Ibbotson Associates, les dividendes ont constitué 43 % du rendement total offert par les entreprises du S&P 500 entre 1926 et 2004. Les investisseurs qui négligent les titres à dividendes courent donc le risque de laisser sur la table une part énorme du rendement total que nous offre le marché des actions. On sait également que les sociétés qui offrent un dividende, du moins aux Etats-Unis, connaissent une croissance de leurs profits supérieure à celles qui n’en offrent pas. Une découverte qui ébranle nos certitudes, puisqu’on a longtemps pensé, à tort, que les entreprises qui réinvestissent tous leurs profits (plutôt que d’en donner une partie à leurs actionnaires) jouissent d’une meilleure croissance de leurs revenus et bénéfices. Autrement dit, les entreprises qui réinvestissent tous leurs profits ne le font pas toujours à bon escient. Il serait souvent plus sage de verser les profits aux actionnaires plutôt que de les gaspiller en projets bâclés ou en acquisitions douteuses (…). Les titres à dividende sont aussi de 10 % moins volatils que les titres qui n’en distribuent pas, et les distributions de dividendes ont fluctué en moyenne (à la hausse ou à la baisse) de 1,6 % entre 1926 et 2003, tandis que les cours des actions fluctuaient de 19,6 %. En somme, les dividendes ne fluctuent pas en fonction des perceptions qu’ont les investisseurs de l’économie et du potentiel de la Bourse, mais bien en fonction de la croissance réelle des profits des sociétés.
Les dividendes possèdent donc la qualité de bonifier la gouvernance de la société et d’accroître ses profits, tout en diminuant la volatilité du titre ! L’arrivée à la retraite des baby-boomers crée de plus un engouement sérieux pour ces valeurs sûres et lucratives, comme le confirme plus loin André Gosselin :
À la fin des années 1990, 220 entreprises du S&P 500 (ou 44 %) émettaient un dividende à leurs actionnaires. L’an dernier, ce chiffre grimpa à 387 (ou 77 %). Comment expliquer une telle progression ? Pour les uns, les entreprises sont en train de dire à leurs actionnaires qu’elles sont à court d’idées ou de bonnes occasions d’investissement, et qu’il vaut mieux, dans un tel contexte, remettre une part des profits aux actionnaires. Pour les autres, c’est la demande du côté des baby-boomers vieillissants qui incitent les sociétés à combler une partie de leurs besoins en revenus. Selon la firme de recherche financière DSG-Network, 98 % des planificateurs financiers américains recommandent à leurs clients des titres à dividende pour leur plan de retraite, et 70 % vont classer ces titres dans leurs deux principales recommandations. Les entreprises américaines semblent avoir compris le message, car le pourcentage des membres du S&P 500 qui ont augmenté leur dividende est passé de 33 % en 2003, à 40 % en 2003 et 54 % en 2004. Qu’elles le fassent pour des raisons démographiques ou pour des considérations liées à une meilleure gouvernance, les sociétés américaines et canadiennes qui choisissent de distribuer leurs profits à leurs actionnaires (sous forme de dividende, de rachat d’actions ou de fiducie de revenus) sont de plus en plus nombreuses.
Bien entendu, cet engouement peut lui-même être à la base d’un nouveau mouvement spéculatif, raison pour laquelle il convient de toujours bien s’interroger si ce que l’on obtient (par exemple les dividendes) s’achète à un prix correct. Le rendement peut être un indicateur allant dans ce sens, mais il n’est pas suffisant. Nous verrons dans notre prochain article de cette série deux autres indicateurs importants et parlerons des qualités inhérentes aux dividendes croissants.