Ecoute du souffle

Publié le 06 mai 2011 par Anargala

[Le yoga de l'actualisation du souffle vital]

On doit d'abord bien se recueillir sur les cinq modalités

Déjà décrites[1]

De ce souffle qui est puissance de vie.

En observant avec attention les mouvements du souffle,

Le yogin suprême

Traverse alors les six royaumes de la félicité[2].

A travers cette délectation qu'est la félicité du monde

Il pénètre enfin l'état suprême, celui de Śiva. 25-26

Ce yoga ainsi décrit dans les enseignements de Śiva

Est le yoga de l'actualisation du souffle vital.

Dans ce yoga, (les signes suivants) surviennent :

Délectation, bond (de joie), tremblement,

Sommeil et ivresse. 27

[Le yoga des postures divines]

On doit contempler l'état de Śiva

Par une évocation intense

Du corps déployé dans une forme sacrée particulière[3],

Ou bien des roues[4] (du corps subtil) et des canaux.

Tel est le yoga des postures divines. 28

[Le yoga de la résonance]

On doit écouter la syllabe

Incréée, résonance du souffle de vie.

Puis l'on doit déposer en elle les Mantras[5].

On contemplera alors l'état de Śiva.

C'est ainsi que le yogin deviendra un adepte du yoga de la résonance. 29[6]

Balajinnātha Paṇḍita, Le Miroir de la liberté (Svātantrya-darpaṇaḥ), Munshiram Manoharlal, Delhi, 1993


[1] Ce cinq modalités sont l'expiration, l'inspiration, l'intervalle entre eux, le souffle quasi-suspendu et le souffle omniprésent, "spatialisé".

[2] Selon Abhinavagupta, ce sont la félicité naturelle, la "non félicité, l'au-delà de la félicité, la félicité immense, la félicité intégrale et la félicité de la conscience. Au-delà se trouve le domaine de la félicité du monde (jagad-ānanda) ou plutôt, le monde comme félicité. Ceci correspond à "l'au-delà du quatrième état" (turya-ātīta) et au souffle "omniprésent" (vyāna). Autrement dit, c'est la liberté en cette vie même (jīvan-mukti).

[3] mudrā : désigne ici une posture corporelle.

[4] cakra.

[5] Les mantras ou Mantras, avec une majuscule, désignent ici les divinités qui symbolisent les facultés humaines et les puissances cosmiques. On "dépose" les hiérarchies divines dans le corps, sur les roues, dans les canaux du corps subtil et dans le cycle du souffle inspiré-expiré. Concrètement, on visualise ces éléments étagés sur le canal central, depuis le centre du cœur jusque dans l'espace au-dessus du crâne. Dans le cadre de la pratique à deux, on se concentre sur le canal central depuis le cœur jusqu'à l'espace au-dessous des organes génitaux.

[6] L'auteur précise que ce type de pratique est courant dans d'autres formes de tantrisme. Mais c'est seulement dans le śivaïsme du Cachemire que la "contemplation intense" ou "évocation créatrice" (bhāvanā) se voit accorder toute son importance.