Le ti-cul

Par Pierre-Léon Lalonde
— Vous faites attention pour pas en renverser OK?
— Pas de problème boss.
Je me demande quel âge peut bien avoir ce kid. Onze ans? Douze peut-être? Accompagné d’un autre garçon à peine plus vieux que lui, ils se vautrent sur la banquette arrière et se partagent une grosse king can de bière.
J’sais pas si c’est l’effet du houblon, mais le plus jeune est volubile. Avec un discours qui semble être copié d’un adulte de son entourage, il jase de dope, de prostituées, de magouilles diverses. Son comparse entre deux gorgées de bière, boit ses paroles.
Je me dirige rapidement vers l’endroit qu’ils m’ont demandé en me retenant pour ne pas rire de la situation, mais plus je roule, plus je doute de la frime du ti-cul. Les histoires qu’il raconte d’une voix qui n’a pas encore muée sont suffisamment garnies en détail pour me faire réaliser que j’ai à bord un vrai petit pusher.
Un enfant d’école qui joue un jeu dangereux dans la cour des grands.
Quand j’arrive à destination, le petit maudit sort de ses poches une liasse de 20 dollars, une couple de mois de salaire en ce qui me concerne. Il me dit qu’il aime ma façon de conduire et me demande mon numéro de téléphone. Il ajoute qu’il cherche des chauffeurs comme moi pour faire des « livraisons »!
Pendant un instant, une grosse envie de mettre mon pied au cul de ce ti-cul me traverse l’esprit...
Je serre les dents, lui donne son change, décline son offre et lui dis de faire attention à lui.
Secoué, j’ai poursuivi mes déambulations.