Déclaration Publique et Appel à Solidarité*
Vivent les Migrants Tunisiens de Lampedusa !
Justice, Papiers, Liberté !
Vers 14h mercredi 4 mai 2011, le collectif des Tunisiens de Lampedusa a violemment été expulsé du bâtiment appartenant à la mairie de Paris, au 51 avenue Simon Bolivar. Les migrants tunisiens ainsi que toutes les personnes solidaires qui se trouvaient sur place ont été évacués à coup de matraques, arrêtés et conduits dans différents lieux de détention. D’après les informations que nous avons recueillies (et que nous n’avons pu vérifier), l’opération qui a mobilisé d’énormes forces et moyens de police a été coordonnée à partir du commissariat du dix-neuvième arrondissement de Paris par le ministre de l’intérieur, M. Claude Guéant en personne.
Les Tunisiens qui se trouvaient dans ce bâtiment sont une partie de ceux qui sont arrivés sur l’île de Lampedusa puis en France après avoir initié la révolution démocratique tunisienne et arabe, et fait tomber la dictature du général Ben Ali. Après la chute de la dictature, les conditions de vie dans leurs régions se sont sérieusement dégradées vu que les principales activités économiques (tourisme, commerce transfrontalier avec la Libye…) se sont pratiquement arrêtées. K. B., l’un des occupants de la rue Bolivar disait : « Bon, le dictateur est tombé, mais maintenant nous devons trouver le moyen de nous en sortir, d’aider nos familles à vivre et peut être d’aider à construire une vraie démocratie dans notre pays ».
Le collectif des Tunisiens de Lampedusa s’est rendu dans le bâtiment de l’avenue Bolivar dans la nuit du premier au deux mai avec l’aide de plusieurs personnes solidaires. Cela s’est fait suite à une discussion lors de laquelle les Tunisiens ont décidé qu’ils ne pouvaient plus supporter d’être dispersés dans la rue ou dans les différents jardins de la ville, pourchassés et harcelés par la police comme des animaux. Ils ont décidé qu’ils avaient besoin d’un lieu où ils pourraient s’abriter et –surtout— où ils pourraient discuter et s’organiser afin de faire valoir leurs droits.
A partir du lundi 2 mai des représentants de la mairie de Paris ont pris contact avec le collectif afin de négocier le relogement des Tunisiens et l’évacuation du bâtiment, propriété municipale. Ils ont déclaré soutenir la cause des Tunisiens et vouloir leur proposer une solution de logement décent. Il y a donc eu une négociation à l’issue de laquelle les Tunisiens ont décidé d’accueillir favorablement les propositions de la mairie. Pourtant il s’est avéré par la suite que la mairie ne proposait de logements que pour une centaine d’entre eux dans l’immédiat, et que les autres devaient évacuer le 51 avenue Simon Bolivar sans délai. Il s’est également avéré que le bâtiment de cent places proposé allait être géré comme un centre d’hébergement d’urgence pour SDF avec une fermeture dans la journée, des contrôles et une liberté très limitée.
Les migrants tunisiens, après discussion, ont estimé : 1/ qu’ils ne pouvaient pas accepter que certains d’entre eux soient logés pendant que d’autres sont rejetés à la rue, que ce serait contraire à leur conception de la justice et de la solidarité. 2/ qu’ils n’avaient pas fait la révolution, puis risqué leur vie en mer, puis supporté le harcèlement de toutes les polices d’Europe pour venir mendier un logement pour SDF à la mairie de Paris. Ils ont décidé que leur priorité et leur revendication principale est la régularisation de leur situation à tous, de manière à ce qu’ils puissent vivre, circuler, travailler comme tout être humain devrait pouvoir le faire ; et qu’ils resteraient unis afin de l’obtenir. A partir de ce moment, la mairie de Paris ne s’est plus manifestée si ce n’est par la demande d’évacuation sur la base de laquelle –dixit la police— l’intervention musclée d’aujourd’hui a eu lieu.
D’autre part, à Nice, un foyer de travailleur où s’étaient réfugiés des tunisiens de Lampedusa a été investi par un grand nombre de policiers qui ont procédé à l’arrestation de prés de 70 migrants tandis qu’un millier de migrants étaient attaqués par environ deux cent policiers et maîtres-chiens sur un terrain du département des Alpes maritimes. A Marseille, des centaines errent dans les rues et sont la cible de harcèlements policiers permanents et d’arrestations alors que la cour d’appel d’Aix en Provence a établi récemment pour l’un d’entre eux qu’ « étant titulaire d’un titre de séjour régulièrement délivré par les autorités italiennes, est autorisé à circuler dans l’espace Schengen et donc en France », ce qui est le cas d’une partie importante des Tunisiens concernés. Plus de trois mille migrants Tunisiens ont été interpellés dans la région PACA dans le cadre de la chasse aux Tunisiens lancées par les autorités françaises ces dernières semaine. A Vintimille, ville italienne frontalière, prés d’une centaine de migrant tunisiens ont entamé le deux mai une grève de la faim demandant la liberté de circulation en Europe et le droit de travailler.
La FTCR considère que :
· L’attitude des migrants tunisiens est un exemple magnifique de solidarité, de fraternité, de courage et de responsabilité. Elle est à la hauteur de cet esprit qui a pu faire tomber une dictature policière des plus dures du monde, et qui a initié une révolution démocratique qui ne fait que commencer ; révolution qui tend à s’étendre à toute la région arabe malgré les difficultés, et tend également à construire des rapports entre les peuples plus justes, plus équilibrés et plus fraternels.
· L’attitude de toutes les personnes et de tous les groupes qui ont été activement solidaires –en étant présents, en ravitaillant les migrants, en les aidant à se protéger et à s’organiser, en les aidant à accéder à un bâtiment qui les abrite, ou tout simplement en venant leur exprimer un soutien— est un signe important. Le signe du fait que la nécessité de se battre pour des rapports et des conditions plus justes, plus fraternels et plus démocratiques s’impose bien au-delà de la Tunisie et du monde arabe.
· Les forces politiques et les institutions françaises, italiennes et tunisiennes, y compris celles qui déclarent être solidaires des migrants tunisiens et de leur cause, n’ont pas pris la juste mesure de ce que ce mouvement pose comme questions. Il ne s’agit pas d’un cas humanitaire à régler par des mesures caritatives ni d’un fait divers qui peut être réduit par des mesures de police. Nous sommes devant un mouvement concret, massif et inexorable qui pose que l’humanité ne peut plus être divisée en deux catégories : Celle qui a le droit de se déplacer librement, travailler, investir, étudier là où elle en a l’opportunité ; et celle qui a le choix entre être enfermée à l’intérieur de frontières où elle se fait surexploiter et réprimer sous la surveillance de dictatures soutenues à bout de bras par « le monde libre », ou alors risquer sa vie pour devenir la proie des polices de l’immigration et des exploiteurs au noir.
La FTCR demande : A la France et à l’Italie
· Une mesure immédiate de protection temporaire ouvrant droit au travail et à la formation visant les migrants ressortissants des pays subissant les contrecoups économiques de révolutions ou d’insurrections populaires contre des régimes anti-démocratiques ayant été soutenus par la France et l’Italie.
· Un plan d’urgence d’aide et de logement pour les migrants tunisiens de Lampedusa pourchassés et maltraités depuis leur arrivée en Europe.
· La libération immédiate des migrants tunisiens détenus ainsi que des personnes les ayant soutenus. L’annulation de toute poursuite et de toute mesure d’éloignement les visant.
· L’annulation sans délai des mesures et pratiques policières, administratives et judiciaires visant en particulier les migrants tunisiens, que nous considérons comme illégales au regard du droit communautaire et international outre le fait d’être tout simplement racistes.
· Des excuses officielles publiques aux migrants, ainsi qu’au peuple tunisien en général, pour les propos et les mesures hostiles et insultantes formulées et mises en œuvre par des personnalités et des institutions officielles.
A l’Union Européenne
· De prendre acte du fait que les lois et politiques de contrôle et de répression de l’immigration en vigueur, de même que l’accord de Schengen sont caducs ; qu’outre le fait d’être injustes, elles sont inapplicables, coûteuses, inefficaces et nocives. L’accès égal pour tous à la liberté d’aller et venir est plus que jamais une nécessité et un droit fondamental. La privation de ce droit de manière discriminatoire, appliquée à des groupes et à des individus en fonction de leur origine constitue un crime portant gravement atteinte à l’intégrité physique et morale de populations entières. Ces politique, par ailleurs, sont la cause directe de la mort de milliers de personnes, notamment en mer.
Au gouvernement provisoire tunisien
· La cessation immédiate de toute coopération visant à permettre des mesures d’éloignement de migrants vers la Tunisie et la suspension de tous les accords portant sur la gestion et le contrôle des flux migratoires.
· La mise en place dans les plus brefs délais d’un Conseil pour les droits des migrants, constitué de représentants des différentes administrations compétentes, de représentants des migrants et de personnes qualifiées de la société civile. Ce Conseil doit être chargé de l’élaboration d’une véritable politique de protection et de promotion des populations migrantes (prés de 10 % de la population) ainsi que des droits des migrants en Tunisie.
· La mise à disposition de moyens d’urgence nécessaires à l’aide et au soutien des migrants arrivés récemment en Europe par Lampedusa.
La FTCR appelle :
· A une mobilisation générale en France, en Italie et en Tunisie pour 1/ La régularisation 2/ La fin de la politique de la chasse à l’homme et de la guerre aux migrants 3/ L’égalité des droits à la vie et à la mobilité
Pour la FTCR : Omeyya Seddik
*Déclaration lue au Rassemblement devant le Ministère de l’ Intérieur , pour soutenir les jeunes migrants tunisiens .
Place de la Madeleine à Paris le 05 Mai 2011 en présence de plusieurs Elus, Associations, Partis de gauche et Syndicats.
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CHERBIB Mouhieddine
0615577914
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