Magazine
C'est une question récurrente à laquelle répondent les lecteurs de Rock & Folk chaque mois. Qu'est-ce qu'être rock'n'roll aujourd'hui? Une question que je me pose, chaque matin, que vous vous posez peut-être.
Les sentiers de la vie rock sont aujourd'hui bien balisés. Comme l'image du Che, comme les Converse AC/DC, le teddy, le perfecto, les RayBan Wayfarer, etc. L'imagerie rock a été digérée, tout comme l'esthétique punk ou le chic hippie. Tout cohabite dans le paysage mental du citoyen lambda. Et plus rien ne fait peur. Comme le rock a pu faire peur, quand des hordes de jeunes se rassemblaient en 1960 pour un concert Place de la Nation.
De 1954 à 2011, quel parcours... De l'attitude rock authentique aux stéréotypes. Le phénomène du meme constaté sur Internet, est applicable IRL à l'imagerie du rock'n'roll. Depuis toujours, avec une accentuation depuis que le groupe ou l'artiste est devenu marque, déclinable en t-shirts, baskets, casquettes, ad lib. Le merchandising poussé à l'extrême place à même niveau chanteurs morts et artistes en pleine possession de leurs moyens. Mais tous, par la magie du merchandising et l'exploitation des back catalogues restent présents dans l'esprit des fans. On peut en 2011 être fan de Jimi Hendrix ou Jim Morrison quand on a 15 ans. Parce que les mythes perdurent, que l'oeuvre -musique, iconographie et lifestyle- a traversé les décennies. On peut être fan de valeurs plus éphémères, en adhérant soit à la musique, soit à l'esthétique, soit au mythe. On est loin de la rock'n'roll attitude...
Il n'y a pas de message autre qu'esthétique. Un côté tribal, certes. Le code vestimentaire permet de s'intégrer dans le groupe. D'affirmer son nouveau conformisme. Le bobo porte des Converse à 40 ans passés. Mea culpa.
Que reste-t-il de la vraie rock'n'roll attitude? Quelques vieux rockers comme Lemmy, Keith ou Iggy. Plus ou moins rangés, mais dont la longévité physique serait la preuve du pacte faustien des vrais rockers avec celui dont on ne doit pas prononcer le nom, là bas au crossroad... Sympathy for the devil, lust for life, ou pour citer Neil Young: It's better to burn out than to fade away.
Qu'est ce qui marche aujourd'hui? Thom Yorke ne défonce pas les chambres d'hôtel. Il boit une gorgée de thé pour faire glisser ses cachets de Xanax. Chris Martin couche ses enfants, embrasse Gwyneth sur le front, promène son labrador, puis s'endort vers 22h00 du sommeil du juste. Une dure journée de labeur au studio l'attend le lendemain. Et ça remplit les stades... Côté rock'n'roll attitude on repassera... L'ennui suinte par chaque pore de peau. Les frères Gallagher ont bien essayé de reprendre le flambeau. Ils avaient l'attitude, manquait la musique, un truc un peu révolutionnaire qui change le monde.
Dans les salles de concert, législation oblige, on ne fume plus. Dans les salles de concert, on boit de la bière sans alcool, dans un gobelet en plastique. On te pique le bouchon de ta bouteille d'eau. On te file des bouchons d'oreille. Il ne se passe rien de dangereux. Même dans les festivals où l'on va en famille pour une émotion artistique, mêlant réminiscence d'une époque révolue et réelle expérience collective. Le pogo dévastateur et bon enfant du concert d'Offspring lors de Rock en Seine 2009, entre aspersions de bière le nuage de poussière, a réveillé en moi le punk enfoui!
Qu'est-ce qu'être rock? Pas ce que tente de nous faire croire M6 dans X Factor, où des boys bands médiocres lookés comme des rockers syncrétiques se trémoussent sur des "chorés" vitaminées. Et ce malgré la "caution" de l'un peu Pete Best français, Henry Padovani (pour qui j'ai malgé tout le plus grand respect...).
Qu'est-ce qu'être rock en 2011? Considérer qu'à 47 ans, tu en as toujours 25. Du moins côté capacité d'émerveillement. Se méfier de la hype. Préférer parfois les copies à l'original, Fleet Foxes vs CSN. Trouver que Didier Wampas est cool. Ne pas aimer Manu Chao, pas plus que Yannick Noah ou Christophe Mae. Parce que c'est consensuel. Naviguer en permanence entre passé et présent, d'album incontournables en sensations du moment. Réévaluer ses détestations anciennes, sauf peut-être Björk et Emerson, Lake and Palmer. Mettre le son sur 11 en permanence. Se dire que quand on en parle dans Elle, il va falloir probablement finir par détester. Se dire que quand on en parle dans Paris Match, il faut remiser la chose par devers soi et se dire que c'est mainstream. Continuer à apprécier l'humour noir. Desproges, Gainsbourg, Spinal Tap, Weird Al Yankovic, c'est rock. Les Monty Pythons aussi. Que le 25 décembre on fête aussi James Brown Et que le 15 août, on fêter Elvis.
Enjoy!