Le Dernier Shogun (Saigo No Shogun)
de Ryotaro Shiba
1967 - 2001, Picquier
Genre : roman historique.
Alors que je lisais Tengu, le manga de Hideki Mori, il m'est apparu indispensable de pallier mon ignorance concernant cette période charnière de l'histoire : la fin du Shogunat et la restauration de l'Empire, à la fin du 19ème siècle, qui fit entrer le Japon dans l'ère moderne. Le Dernier Shogun est une biographie romancée d'un des principaux protagonistes de cette époque tourmentée : Yoshinobu, quinzième et dernier Shogun de la famille Tokugawa.
Le livre couvre toute la vie de celui qui eut le destin particulier d'être le dernier de la prestigieuse lignée des Shoguns de la famille Tokugawa, fondée en 1600 après la victoire du grand Ieyasu Tokugawa à la bataille de Sekigahara (image à gauche) . Depuis cette date, le Shogun était le général en chef de toutes les forces militaires, et dictateur de droit et de fait de l'archipel Nippon ; tandis que l'Empereur était relégué au second plan, dans un rôle de pure représentation.
Deux siècles plus tard, le Japon est toujours sous la coupe du Shogunat. Mais les héritiers de la famille Tokugawa s'avèrent de moins en moins aptes à occuper cette fonction : maladies, décès prématurés, l'avenir de la dynastie est menacé. Issu d'une branche cadette de la famille Tokugawa, Yoshinobu n'était pas pré-destiné par sa naissance à devenir Shogun. Mais intelligent, fort et en bonne santé, il est élevé et formé dans la perspective de prendre la succession. En 1862, âgé de 25 ans, il devient le tuteur et le régent du jeune Shogun en titre, Iemochi Tokugawa, 14 ans. Mais celui-ci décède à 20 ans. Yochinobu, déjà chef du Gouvernement, est nommé Shogun. Il ne le sera que pendant deux ans, n'ayant pas su empêcher les seigneurs rebelles des clans Satsuma, Choshu et Tosa de lever une armée pour le déposer. Le pouvoir revient, en 1868, définitivement entre les mains de l'Empereur. C'est la fin du Shogunat.
Ce que j'en pense :
Je suis, quant à moi, plus réservé sur le personnage. Yoshinobu, tel qu'il est présenté, sous un jour positif, demeure tout de même un homme pétri de contradictions, difficile à cerner, et moins clairvoyant que l'auteur cherche à nous le faire croire. Incontestablement, Yoshinobu était un politicien accompli, éloquent et fin négociateur. Mais dans le même temps, son caractère méfiant et solitaire, son penchant pour les plans trop compliqués et certaine forme de double jeu ont fini par le faire échouer dans une impasse, rejeté par tous, y compris par ses propres partisans.
- entre les partisans du Shogunat et ceux de l'Empire,
- entre les xénophobes (majoritaires) et les partisans de l'ouverture.
Oui, parce qu'un des aspects les plus révélateurs de ce livre est l'enracinement très profond des idées xénophobes dans l'ancien Japon. Dans le Dernier Shogun, le thème de la xénophobie d'Etat est tellement présent (presqu'à chaque page) que l'on peut affirmer, sans se tromper, que c'est un des piliers de l'identité nippone, du moins à cette époque. Rappelons qu'il était interdit, sous peine de mort, à tout étranger de poser le pied sur le sol Japonais. Yoshinobu, au moins, eut le courage d'essayer de contrer cette tendance. Mais on ne change pas 250 ans d'isolationnisme en un trait de plume...
Que reste-t-il de Yoshinobu aujourd'hui? Presque tombé dans l'oubli, il est considéré aujourd'hui comme un perdant, un héros malchanceux, mais au Japon, ce type de personnage attire la sympathie. Comme le dit l'auteur, au dernier chapitre : "Ici, les gens aiment le théâtre, et spécialement la tragédie : les héros malheureux gagnent la faveur du public."
Retraité à 33 ans, Yoshinobu vécut jusqu'à 72 ans une existence retirée, ne se mêlant plus de politique. Il se consacra aux arts, notamment à la peinture et à la photographie, et au sport, surtout à l'équitation, et même, avec passion... à la bicyclette ! Au fond, cet homme que l'on avait élevé, dès son plus jeune âge, dans le seul but de gouverner, enfin libéré de ce poids, devint enfin ce qu'il n'avait pas encore eu le temps d'être: un enfant.
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