Ménage, de Christine Bonduelle (par Jean-Pascal Dubost)

Par Florence Trocmé

Un opus composé de poèmes qui vient après Bouche entre deux (2003) chez le même éditeur, poèmes qui jouent de leur disposition, courts à vers brefs, ciselés et suspendus, semi-télégraphiques, à syntaxe elliptique et paratactique, ou plus phrasés, périodiques, à tendance impaire, tous à rythme heurté, ni justifiés à droite ni justifiés à gauche, mais centrés, dans une apparence qui rappelle parfois un baroque formel à la façon Jude Stéfan, et tous à dominante domestique, ménagère ou quotidienne (« Ah ! que la Vie est quotidienne…. », Jules Laforgue), où les travaux poétiques sont à compter au cœur des travaux quotidiens, avec un plaisir à la mastication du temps et de l’apparemment rien, passant par celle du mot, et du mot rare, ou ancien (ramentevoir, se condouloir…), qui relèvent le geste et l’acte et la chose, avec, encore, cette hésitation constante au bout du vers, mais gourmande d’attente. 

IV 
 
Comme linge impollu angles et galbes l’amble 
du corps endimanchant négligemment s’affale 
entaché de la chambre au palier anonyme 
devenu tas puant de hardes à la remise 
selon tri fait fleurants nœuds moites au tambour 
rendre d’une secousse à vent pincé filant 
ses chaussettes veuves au tiroir 
 
 

à mes filles 

de s’abeausir en pendouillerie 
Psyché fristoullant l’habillage 
pour matin seoir à temps et gens 
pile tombant pli tenue finie 
repasse gêne aux entournures 
à corps perdu la paraguante 
nippe reprise à l’occasion 
  

Il faut faire resurgir d’une journée sa possible pépite lexicale. Explorer poétiquement la vie quotidienne, on le sait, est une entreprise à haut risque, celle de retomber à plat, mais l’exigence de langue de Christine Bonduelle transforme cette exploration en relation charnelle avec l’espace devant soi.  
 
 
[Jean-Pascal Dubost] 
 
deux autres extraits de ce livre ici 
 
Christine Bonduelle 
Ménage 
Obsidiane 
80 p., 14 €