Un opus composé de poèmes qui vient après Bouche entre deux (2003) chez le même éditeur, poèmes qui jouent de leur disposition, courts à vers brefs, ciselés et suspendus, semi-télégraphiques, à syntaxe elliptique et paratactique, ou plus phrasés, périodiques, à tendance impaire, tous à rythme heurté, ni justifiés à droite ni justifiés à gauche, mais centrés, dans une apparence qui rappelle parfois un baroque formel à la façon Jude Stéfan, et tous à dominante domestique, ménagère ou quotidienne (« Ah ! que la Vie est quotidienne…. », Jules Laforgue), où les travaux poétiques sont à compter au cœur des travaux quotidiens, avec un plaisir à la mastication du temps et de l’apparemment rien, passant par celle du mot, et du mot rare, ou ancien (ramentevoir, se condouloir…), qui relèvent le geste et l’acte et la chose, avec, encore, cette hésitation constante au bout du vers, mais gourmande d’attente.
IV
Comme linge impollu angles et galbes l’amble
du corps endimanchant négligemment s’affale
entaché de la chambre au palier anonyme
devenu tas puant de hardes à la remise
selon tri fait fleurants nœuds moites au tambour
rendre d’une secousse à vent pincé filant
ses chaussettes veuves au tiroir
*
à mes filles
de s’abeausir en pendouillerie
Psyché fristoullant l’habillage
pour matin seoir à temps et gens
pile tombant pli tenue finie
repasse gêne aux entournures
à corps perdu la paraguante
nippe reprise à l’occasion
Il faut faire resurgir d’une journée sa possible pépite lexicale. Explorer poétiquement la vie quotidienne, on le sait, est une entreprise à haut risque, celle de retomber à plat, mais l’exigence de langue de Christine Bonduelle transforme cette exploration en relation charnelle avec l’espace devant soi.
[Jean-Pascal Dubost]
deux autres extraits de ce livre ici
Christine Bonduelle
Ménage
Obsidiane
80 p., 14 €