En 2020, les compagnies low cost assureront entre 45 et 53% du trafic intra-européen, entre 50 et 60% en prenant uniquement en compte le trafic de point ŕ point. Telle est l’enseignement principal d’une étude qui vient d’ętre menée ŕ bien par York Aviation, un Cabinet britannique, pour le compte de l’ELFAA, European Low-Fare Airlines Association.
Ces repčres feront grand bruit. En effet, ils résument et illustrent une tendance de fond, qui n’est évidemment pas nouvelle, mais trop souvent noyée dans le flux de l‘actualité quotidienne.
Une leçon saute aux yeux : les élčves ont dépassé leur maître. En effet, l’inspiration est venue des Etats-Unis mais, aprčs avoir tout d’abord réagi avec lenteur, le Vieux Continent a brűlé les étapes et violemment bousculé les compagnies traditionnelles au point de les mettre dans de grandes difficultés. Mieux, le secteur européen des low cost a évité la dispersion, deux intervenants seulement, Ryanair et EasyJet, s’arrogeant trčs vite des positions dominantes. Air Berlin est un distant numéro 3, dont le modčle économique est bâtard, d’autres intervenants sont loin derričre le duo de tęte. Ce qui n’enlčve rien aux mérites et aux ambitions de Vueling, Wizz Air, Jet2.com, Flybe, etc., et męme un intervenant français étrangement modeste, Transavia.
On peut désormais se permettre d’utiliser une formule brutale : les low cost ont gagné la partie. Face ŕ eux, les Ťlegacy carriersť, alias Ťnetwork airlinesť, ont tout simplement perdu pied, incapables de tirer les leçons de l’expérience américaine post-déréglementation. Le sens profond de la disparition fracassante de Pan American, TWA, Eastern, etc., n’a tout simplement pas été compris. En un deuxičme temps, l’échec de la premičre génération de low cost (New York Air, People Express) a faussement rassuré ceux qui croyaient ŕ un phénomčne éphémčre. Pendant ce temps, Southwest tissait sa toile, lentement mais sűrement.
Ce n’est pas encore l’heure de réécrire l’histoire. En revanche, l’étude de York Aviation, qui tient en une quinzaine de pages, résume bien un psychodrame aux conséquences multiples, profondes, désastreuses. Le monde n’a pas changé, ce sont les structures du transport aérien qui ont connu une révolution, la fleur au fusil. Les ŤBarbaresť ont gagné, en męme temps que les consommateurs, et le nier relčverait de l’inutile combat d’arričre-garde. Reste le fait qu’il faudra en gérer les conséquences, ŕ commencer par l’indispensable cure d’amaigrissement que les compagnies traditionnelles vont devoir s’imposer, condition de leur survie.
Pour qui en douterait, les données de York Aviation sont suffisamment parlantes. Dans les 10 ans ŕ venir, la capacité offerte par les low cost européennes devrait augmenter de 72%, contre 27% pour leurs concurrents classiques. Lesquels profiteront peu de la progression de la demande. York Aviation propose aussi un scénario plus optimiste, en termes de progression de la demande au cours de la décennie qui vient de s’ouvrir, lequel justifierait que les low cost augmentent leur offre de 108%.
John Hanlon, secrétaire général de l’ELFAA, en tire une conclusion d’un implacable flegme britannique : Ťles low cost airlines sont l’avenir du transport aérien européenť. Force est de constater qu’il est devenu impossible de lui apporter la contradiction.
Pierre Sparaco - AeroMorning