La revue Inuits dans la jungle publie dans son numéro 3 un bel ensemble de poèmes de la grande poète danoise Inger Christensen (1935-2009), traduits par Janine et Karl Poulsen.
Poezibao a publié la bio-bibliographie de la poète ainsi que des extraits de son œuvre traduits par Jean-René Lassalle.
« Dans une interview, sa dernière, [Inger Christensen] dit au sujet des relations entre la poésie et la musique qu’elle considère la poésie comme une discipline musicale (subdivision underafdeling de la musique). Quiconque l’a entendue lire ses textes, sait de quoi je parle : elle ne "lisait" pas, elle chantait – une sorte de messe incantatoire faisant de chaque poème un tout indivisible et solidaire, indéfaisable : rythme – sonorité – sens : une intimité avec bien des faits de la vie qui n’existe pas aussi grande dans l’emploi même le plus sensible des mots, des simples mots. Lié par la voix au corps qui se "sait" mortel, et par le sens à la conscience qui, elle, se croit immortelle. Horloge, temps, temps imparti – comment dépasser ce fait que la vie dépasse le chagrin, autre expression pur oubli – et le rendre fertile – autre mot pour souvenir ? »
Karl Ejby Poulsen, introduction au dossier de poèmes d’Inger Christensen in revue Inuits dans la jungle, n° 3, p. 6.
LE TEXTE extensions
1
Dans le silence de l’écriture / le silence de l’écrivant
la terrible machine à silence de l’écrit
le monde disparaît / un monde après l’autre
disparaît / s’enfonce dans un monde
de silences polis / dans un monde
de squelettes de marbre / dans les baldaquins
amibes et organes génitaux congelés / dans
les crânes vidés des touches perdues
dans le cœur / dans le cerveau
dans les intestins et glandes peints sur carton
pâte / dans la maison en plâtre des pensées
le bloc de ciment dur des muscles
l’acier du sentiment / ressemble à un chantier
des bruits d’un silence tonitruant
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LE TEXTE universalités
1
Je vois que j’écris
Je le vois s’écrire Vois l’écrit
je lis et je vois le lu
Je revois le silence devant
Je le vois se régler sur mon écriture
Je le vois disparaître dans l’écrivant écrit
Se lire
Commencer de crier à lui-même
LE TEXTE universalités
5
Je vois que j’ai entraîné mes mots
À déplacer mon corps
À le faire traverser le monde
Sain et sauf
Pendant que le corps reste couché, réveillé,
Sachant parfaitement bien où il est
Perdu en moi
Inger Christensen, traductions du danois de Janine et Karl Poulsen, in revue Inuits dans la jungle, n° 3, pp. 15, 23 et 25.
Revue Inuits dans la jungle, comité de rédaction, Jacques Darras, Jean Portante, Jean-Yves Reuzeau, rédaction, Le Castor Astral. Abonnement trois numéros, 30 €.
Inger Christensen dans Poezibao :
bio-bibliographie ; sa mort, extrait 1, extrait 2
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