Un livre qui se lit par la fin, est-ce bien raisonnable ? (Petite précision: c'est de mon fait, bien sûr et peut-être pas très malin.)En tout cas, c’est possible, avec 31 songs de Nick Hornby, que je viens de remonter de la dernière à la première page, sans problèmes et avec jubilation, comme un magazine à vrai dire, comme un manga, de droite à gauche. Ça fonctionne très bien.J’ai donc ouvert ce livre à reculons, craignant de ne pas pouvoir entrer facilement dans ce qui n’est ni un roman, ni un recueil de nouvelles, peut-être juste un essai sur les chansons préférées de l’auteur dont tous les romans tournent autour de la musique pop.Ma lecture s’est révélée un enchantement : 31 chansons «favorites parmi les favorites», 31 chapitres, 31 bijoux d’une écriture simple, sincère, drôle, tendre, émouvante, passionnante, 31 facettes de cet auteur que j’aime et pourtant je ne suis pas fan de cette musique mais j’ai connu avec d’autres chansons ces mêmes sentiments et ces mêmes émotions. Ce sont autant de petites madeleines de Proust mises en musique, de ces phrases un peu bêtes mais joliment lancées dans l’air du temps que l’on se plaît à retrouver dans notre mémoire, comme les cailloux blancs du Petit Poucet qui ramènent sur le chemin de la maison.Dès l’introduction, Nick Hornby précise son choix : Les 32 chansons choisies ici sont celles qui l’accompagnent sans cesse mais curieusement elles n’évoquent pas de souvenirs précis comme peuvent le faire les chansons liées à un événement exceptionnel :«Quand on aime une chanson, quand on l’aime assez pour la laisser nous accompagner tout au long des différentes étapes de notre vie, la répétition gomme tout souvenir spécifique.»Nous voilà prévenus : il ne s’agit pas d’un livre de souvenirs sous couvert de chansons évoquées et cependant dans chaque chapitre un aspect de la vie de l’auteur, de sa personnalité ou une allusion à un de ses livres retient l’attention et pimente l’intérêt du lecteur.C’est ainsi que la chanson 21 : «Puff the Magic Dragon» de Gregory Isaacs est centrée sur l’évolution de Danny, son fils autiste, de ses progrès et de ses rapports avec la musique de sa naissance à ses sept ans au moment de l’écriture du livre.La chanson 20 : «So I’ll Run» de Butch Hancock et Marce Lacouture ne raconte rien moins que la genèse de «Haute Fidélit黫Je sais que, sans ces morceaux de musique, le travail d’écriture aurait été bien plus ardu. Alors merci, Marce et Butch. Sans vous, Rob n’aurait jamais couché avec une musicienne, et c’est lui qui en aurait été vraiment malheureux.»La chanson 19 : "Caravan" de Van Morrison est celle que l’auteur a choisie pour l’accompagner le jour de ses obsèques. C’est là qu’il explique son goût pour la musique pop au détriment de la musique classique. C’est dans ce chapitre également qu’il précise le but de son ouvrage :«Ce livre n’est pas fondé sur le fait que vous et moi partagions l’aptitude d’entendre exactement les mêmes choses; en d’autres termes, ce n’est pas de la critique musicale. Tout ce que j’espère ici, c’est que vous ayez des équivalents, que vous consacriez beaucoup de temps à écouter de la musique et que vous la laissiez bercer votre imagination.»La chanson 18 : «A Minor Incident» de Badly Drawn Boy, parle de l’adaptation de son livre: «A propos d’un gamin», écrit en 1996, l’année où on a fini par diagnostiquer l’autisme de son fils. J’y ai appris, presque mine de rien, que lui aussi, comme l’héroïne, avait pensé au suicide. Mais voilà où il voulait en venir : «J’ai écrit un roman qui ne parlait pas de mon fils, puis quelqu’un d’autre, en s’inspirant d’un épisode de mon livre, a écrit une belle chanson qui s’avère avoir à mes yeux une signification bien plus personnelle que n’en a mon livre.»Un excellent livre, différent, original, séduisant : du Nick Hornby en somme.Je participe au challenge Nick Hornby de Sofynet. Livre aimé aussi parClashDoherty,Nick Hornby: 31 songs, (10/18, 2010, 200 p) Traduit de l’anglais par Christine Barbaste