Bon, le sans-faute n’a pas non plus été réalisé, puisque Scream 4 et Mon père est femme de ménage m’ont finalement laissés sur ma faim, le premier par abus d’effets de style saoulant, le second par une sympathie trop légère qui ne mène au bout du compte nulle part. Parlons des autres films, plutôt. Parlons de Source Code, le tant attendu second film de Duncan Jones, qui avait ébloui avec son premier essai Moon, et confirme ici qu’il est l’un des jeunes cinéastes les plus ambitieux et élégant en matière de science-fiction. Il propulse avec Source Code Jake Gyllenhaal dans une course contre la montre, le faisant revivre inlassablement les mêmes huit minutes dans la peau d’un autre afin d’élucider un acte terroriste.
Comme avec Moon auparavant, Jones surprend en poussant son film plus loin que ce qu’on attend de lui, s’intéressant tout autant aux questions éthiques et morales de notre société qu’à l’efficacité de son action. Le film court en ne choisissant pas la voie de la facilité, bousculant les attentes quitte à dérouter dans son dénouement. Il y en a deux qui bousculent eux aussi, d’une autre façon, ce sont les frères Farrelly avec leur opus Bon à tirer (B.A.T.), dans lequel les frangins à qui l’on doit les cultissimes Mary à tout prix et Dumb & Dumber (entre autres, bien sûr), ne reculent devant rien. Ils lâchent les brides de la réserve pour s’épancher dans le burlesque pur, osant le scabreux jusqu’au-boutiste comme au temps de leur gloire dans les années 90. Ils écorchent le modèle moral de la famille prisée par la comédie américaine pour la confronter à l’infantilité masculine et la tromperie féminine.
Au rayon bonne surprise, je plaide coupable devant Devil de John Erick Dowdle, éreinté par tous mais qui m’a malgré tout fait marcher. La faute en revient certainement à la patte Shyamalan, cinéaste qui tombe peu à peu au fond du gouffre mais ici producteur et auteur qui parvient à retrouver un peu de ce qui a fait le sel de ses meilleurs films, à savoir un sens du récit qui happe l’attention du spectateur avec cette histoire de cinq étrangers qui se trouvent bloqués dans un ascenseur qui pourrait bien se révéler être la dernière demeure de quatre d’entre eux... Certes il ne s’agit pas là d’un film d’épouvante majeur, mais il applique une narration posée à un concepte efficace, ce qui rend le film tout à fait prenant. Bien sûr pour ce qui est du récit, pour qui aime plus alambiqué il faut plus certainement se tourner vers Road to Nowhere.
Le jeune cinéaste suisse signe avec Il était une fois un meurtre, récemment récompensé au Festival du Film Policier de Beaune, un polar empruntant largement à Memories of Murder de Bong Joon-Ho. Je n’ai pas lu d’interviews d’Odar, mais pas besoin de sa confirmation pour voir dans son film une filiation avec le chef d’œuvre coréen. Comme lui, son film commence dans un champ de blé dans les années 80. Comme lui, ses flics se heurtent à un tueur insaisissable dans une province campagnarde, voyant leurs vies chamboulées et leur force mentale balayée par cette course dans le vide. En choisissant de montrer d’entrée de jeu au spectateur le visage des meurtriers, le réalisateur ne cherche pas à jouer la carte du suspense conventionnel. Il appuie sur les codes moraux, jonglant avec la fine ligne de l’humanisation de pédophiles. Il en fait trop, sûrement, mais son ambition explose à l’écran et impressionne, à défaut de forcer l’admiration.
Merci Duncan Jones, les Farrelly Bros., Tsui Hark et les autres, d’avoir contribué à égayer mes vacances parisiennes.