[comics] Crossed 01 : zombiesque, trash et gore

Publié le 05 mai 2011 par Vance @Great_Wenceslas


Une série de Garth Ennis (2010), dessinée par Jacen Burrows, collection « Milady Graphics » éditions Bragelonne (2011).  


Résumé : Un mal étrange et contagieux s’est répandu dans le monde entier, poussant les infectés à commettre les pires atrocités sans aucun tabou. Les meurtres et viols déciment la population et les rares qui parviennent à y échapper sont condamnés à se terrer et à tenter de s’organiser comme ils le peuvent. Mais comment faire ? Eviter les zones peuplées et avancer sans jamais regarder en arrière, quitte à abandonner tout espoir, voire toute humanité…

Une chronique de Vance

Après les (plutôt réussis) one-shots du duo Ellis/Ryp, tous caractérisés par une vision sanglante et violente, mais surtout cynique, du monde des super-héros, nous voilà devant ce qui pourrait être présenté comme une alternative à Walking Dead et aux Marvel Zombies qui pullulent dans nos comic-shops. Il suffit de comparer la couverture de cet album et celle, par exemple, du premier opus de Walking Dead chez Delcourt (qui reprend le visuel du n°5 en fait) et on s’aperçoit immédiatement de la parenté : un groupe d’individus résiste, armes au poing, à une horde menaçante.

Flagrant.

Mais c’est à Ennis qu’on a affaire, et le bonhomme est tout sauf un tendre (il suffit de lire ce qu’il fait avec la série the Boys). Si, cette fois, il n’a pas recherché l’originalité du sujet, on peut être certain qu’il ira aussi loin que possible dans l’exploration des situations extrêmes que permet son postulat de départ. Car, ici, on n’a pas vraiment affaire à des morts-vivants au regard vide et aux capacités de raisonnement proche du néant : les personnes affectées par ce qui s’apparente à un virus (mais aucune explication n’est pour l’heure avancée avec certitude, nous en sommes réduits aux mêmes conjectures que les survivants lorsqu’ils ont le loisir de s’adonner aux hypothèses – ce qui est rare) développent un besoin inextinguible de violence et, pour ce faire, sont capables de s’adapter, d’utiliser des armes, de concocter des pièges de plus en plus évolués et d’échafauder des tactiques tordues. Ils violent et torturent avant de tuer, et peuvent s’y mettre à plusieurs tout en utilisant ce qui leur tombe sous la main. Burrows, qui connaît bien Ennis et s’est fait la main sur des récits horrifiques d’Alan Moore, s’en sort assez bien avec des dessins explicites, parfois en pleine page, mais sans se focaliser dessus (le découpage permet par exemple de jouer sur le hors-champ avec intelligence) : ce seul album (pour l’heure) se montre extrêmement imaginatif sur les différentes manières de tuer et/ou de faire souffrir en tâchant d’y prendre le plus grand plaisir.

Et si… ils avaient tellement de mal en eux que ça devait sortir, peu importe comment ?

Pourtant, ce n’est pas les horreurs dont se rendent coupable les infectés (qui ne changent pas vraiment d’apparence, seule une croix rouge apparaît progressivement sur leur visage tandis qu’ils adoptent un langage le plus ordurier possible – oui, ces zombis parlent…) qui forment le nœud de l’histoire, mais bien le destin de ces quelques survivants qui tentent de faire face à une adversité qui dépasse leur entendement. Toute tentative d’explication rationnelle leur échappant, il ne leur reste qu’à chercher à gagner un endroit utopique où leur espérance de vie serait plus élevée. Or, un groupe aussi disparate que celui-ci devra faire preuve d’une discipline et d’un sens du sacrifice implacables dans une Amérique vouée aux gémonies. Dix mois après le début de ce « merdier total », ses membres ont changé, quelques-uns sont restés, qui étaient ensemble depuis le début, dans cette petite bourgade près d’une centrale atomique qui a fini par exploser… Parfois, des planches nous racontent la genèse de leur fuite en avant, qui alternent avec leur survie immédiate, les tentatives de comprendre les possédés, d’élaborer une parade mais aussi, et surtout, la manière dont chacun devra faire face à l’impensable, parce qu’il finira bien tôt ou tard, par survenir : Ennis amène ces situations complètement amorales, où chacun ira jusqu’à questionner ce qui fait de lui un être humain, avec une science consommée, par petites touches encourageant petit à petit le lecteur, pourtant écoeuré par les turpitudes décrites plus haut, à prendre conscience de l’horreur indicible qui étreint chaque membre de ces survivants de l’impossible. Ce n’est pas tant ce dont les infectés se rendent coupables que ce qu’eux-mêmes devront se résigner à accomplir  pour leur échapper qui nous rendra nauséeux.


La violence gratuite, complaisamment exposée, s’effacera ainsi derrière la rancœur, le dégoût et surtout cette capacité à aller au-delà de l’humain en échappant à l’inconcevable qui caractérisent les seuls capables de résister en conservant un semblant de raison. Mais sont-ils encore des hommes après ça ?

A suivre forcément, mais à ne pas mettre entre toutes les mains.

Ma note : 3,6/5