Des étrangers avant d’être des malades

Publié le 05 mai 2011 par Hmoreigne

La Commission mixte paritaire (CMP), instance composée de 7 députés et 7 sénateurs (8 UMP, 6 de l’opposition) a tranché le 4 mai le différent entre les deux assemblées concernant le droit des étrangers malades. La CMP s’est prononcée en faveur de l’amendement de François-Noël Buffet (UMP), homme de paille pour l’occasion du ministre de l’intérieur, restreignant très sérieusement la possibilité de soins en France pour des personnes étrangères gravement malades. Sans surprise donc Claude Guéant n’a pas caché sa satisfaction à l’annonce de la décision alors que l’opposition dénonce “un scandale”.

La bataille engagée par les associations Aides et Act Up qui redoutent la survenue prochaine “d’expulsions vers la mort par les autorités préfectorales” semble mal engagée. Les hypocrites l’ont emporté sur Hippocrate.

L’opinion labourée avec soin par le FN et la majorité présidentielle semble de plus en plus hostile à l’égard des étrangers considérés comme porteurs de toutes les menaces, religieuses et économiques. Les dérives actuelles de la Fédération Française de Football attestent de la grisaille qui gagne insidieusement tous les esprits.

Il semblerait que les 8 députés UMP aient tous voté en faveur de ce texte, qui doit désormais être entériné par le gouvernement et les 2 Assemblées. Si tel est le cas, la délivrance d’une carte de séjour temporaire pour soins ne sera désormais possible que si le traitement nécessaire est “absent” du pays d’origine. Le terme est problématique car présent dans le pays d’origine ne signifie pas pour autant qu’il soit accessible. Dans les faits, les préfets se voient confier un très large pouvoir d’appréciation.

Derrière les mots se cachent des situations humaines dramatiques. En donnant une appréhension purement administrative des cas le texte ouvre la porte à ce que l’on peut qualifier de “crimes de bureau” par des fonctionnaires obscurs.

La France a peu à y gagner. Economiquement, rien n’est démontré. Seul reste ce sentiment de faire payer les étrangers présentés comme des parasites qui n’apportent rien à notre pays. En ligne directe avec la souffrance, de très nombreux médecins dénoncent un amendement inutile qui donne une bien piètre image de la France.

Aides et Act Up estiment dans un communiqué commun que l’Etat “condamne 28 000 étrangers malades“, dressant un “acte de décès” du droit au séjour pour soins, “au mépris de tous les impératifs élémentaires de déontologie médicale et de santé publique”.

L’amendement Buffet est conforme aux fantasmes entretenus par le FN et plus grave par la majorité présidentielle sur ces hordes d’étrangers qui nous menaceraient ou qui abuseraient de la générosité de la France. 28 000 malades étrangers c’est moins de 1% des étrangers présents sur notre territoire. Il est donc difficile de parler de dérives en la matière et d’ immigration thérapeutique comme on l’affirme à l’UMP.

L’Observatoire du Droit à la Santé des Etrangers (ODSE) souligne le tournant engagé sous Nicolas Sarkozy par rapport à la loi Debré de 1997, renforcée par la loi Chevènement de 1998, qui intégrait dans la législation française la protection des étrangers gravement malades contre l’éloignement du territoire.

L’ODSE s’appuie sur l’esprit de cette loi, rappelé le 7 avril 2010 par le Conseil d’Etat, “qui est de faire en sorte qu’un étranger gravement malade et sans accès effectif aux soins dans son pays d’origine soit protégé de l’expulsion et puisse avoir accès aux soins en France dans des conditions de vie stable pour éviter la mort prématurée ou la survenue de graves complications ou de handicaps dans un pays où il ne pourrait pas être soigné“.

Cet amendement ressenti comme scélérat pousse de nombreux acteurs de la santé vers la désobéissance civile. Médecins sans frontières (MSF) ou Médecins du Monde (MDM) ont déjà annoncé qu’ils continueront de soigner les étrangers malades, quels que soient leurs nationalités et leur statut administratif.

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