Gustave et Martial Caillebotte, le peintre et le photographe, sont exposés conjointement au musée Jacquemart-André jusqu’au 11 juillet 2011.
Bien sûr il y a ces grandes toiles avec régates, bien sûr il y a l’Homme au balcon et le triptyque qui fut présenté pour la première fois lors de la 4e exposition de peinture impressionniste de Paris, en 1879, Baigneurs, bords de l’Yerre, Les Périssoires et Pêche à la ligne, tableaux sur lesquels, autour des hommes en loisirs, se mélangent lumière, eau, feuillages et ciel. Cependant, l’intérêt de l’exposition présentée au musée Jacquemart-André –soit pas très loin de là où vécurent les deux frères (au 31 boulevard Haussmann après la mort de leur mère en 1878-, est de faire renvoyer les grandes toiles colorées impressionnistes de Gustave Caillebotte (1848-1894) aux discrètes photographies de Martial (1853-1910). Si dans les premières, les personnages vacants à leurs occupations et à leur solitude détournent le regard (Le Déjeuner, Portraits à la campagne, Canotier au chapeau haute-forme), les clichés du benjamin sont les instantanés d’une vie familiale heureuse où perce une chaude intimité : ses enfants s’y pourlèche les babines, sa femme se prélasse dans son bain et le chien y est complice du maître. «Ça a été», écrivait Roland Barthes pour expliquer en quoi ce bonheur passé dont nous sommes, par la photographie, les anachroniques témoins, nous touche…*
Jean et Geneviève Caillebotte léchant des cuillères autourd'une marmite dans le jardin de Montgeron
Tirage photographique, 11,5 x 14 cm, collection particulière
© D.R.
« Ça a été » : ces clichés en noir et blanc sont en effet le précieux témoignage d’une époque, celle d’un Paris qui vient de faire, grâce à Haussmann, «sa toilette de civilisation», d’un Paris doté « d’habitations dignes de l’homme, dans lesquelles la santé descend avec l’air, et la pensée sereine avec la lumière du soleil»… écrivait Théophile Gautier. La fin de siècle célèbre aussi l’arrivée du téléphone (commercialisé en France dès 1879) et la présence de l’objet, comme de l’eau courante, dans l’appartement de Martial, illustre le haut niveau de vie des deux frères, légataires de leur père. Sans cesse dans leurs œuvres, les signes d’un monde en accélération (le téléphone, structures métalliques des ponts en construction, les premières lignes de chemins de fer), côtoient la douceur bourgeoise d’une fin de siècle attachée aux régates et aux pêches en seine, aux parties de campagnes dans de belles propriétés…
Un Balcon, boulevard Haussmann
1880, huile sur toile, 69 x 62 cm, collection particulière
Courtesy Comité Caillebotte, Paris
Outre les sujets, les techniques de cadrage sont chez les artistes parfois bien similaires : Gustave Caillebotte peut, à la manière des photographes, utiliser la découpe des objets de premiers plans pour circonscrire sa scène, voire se passer de sujet phare afin de ne garder qu’un cadrage et une lumière. Certes les outils différent, de même que cette manière de saisir les hommes (grave chez Gustave, plus humoristique chez Martial), mais au final, les deux œuvres paraissent s’entrelacer pour ne former qu’une.
* in La Chambre claire, Note sur la photographie, Barthes, 1980.
« Dans l’intimité des frères Caillebotte », Musée Jacquemart-André
158, boulevard Haussmann 75008 Paris, métro Miromesnil,/Saint-Philippe du Roule
Tous les jours de 10h à 18h, les lundis soirs jusqu'à 21h.
Tarifs : 10 euros, 8,50 euros pour les étudiants.
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