Le bouclier fiscal a encore permis à plus de 14 400 contribuables de recevoir un chèque moyen de 40 900 euros, selon une estimation du fisc qui ravive la polémique autour d’un dispositif moribond, symbole du quinquennat de Nicolas Sarkozy devenu un symbole d’injustice. Président socialiste de la commission des Finances de l’Assemblée, Jérôme Cahuzac a dénoncé la persistance l’an dernier de cas « absurdes et choquants », dans un courrier à ses collègues socialistes. Le député du Lot-et-Garonne pointe les « 32 contribuables dont le revenu annuel déclaré est inférieur à 3 467 euros, alors que leur patrimoine est de plus de 16,48 millions d’euros ». Ils n’étaient que 17 dans ce cas en 2009.
Le bouclier, qui plafonne le total des impôts directs à la moitié des revenus d’un contribuable, encaisse cependant ses dernières flèches. Le 11 mai, le Conseil des ministres devrait consacrer son abolition tout en allégeant nettement son corollaire, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), second volet d’une réforme de la fiscalité du patrimoine qui doit être examinée dès le mois juin au Parlement. Le bouclier était pourtant l’une des mesures phares du « paquet fiscal », adopté à l’été 2007 dans l’euphorie de la victoire, au nom de la revalorisation du travail et du fameux « travailler plus pour gagner plus ».
« Un symbole d’injustice » (François Baroin)
L’affaire Bettencourt, révélant que l’héritière du groupe L’Oréal a récupéré 30 millions d’euros à ce titre en 2008, a fini par convaincre le président Sarkozy d’y renoncer. Son ministre du Budget, François Baroin, avait lui-même porté le coup de grâce en octobre, le qualifiant de « symbole d’injustice ». La majorité, qui a payé le prix de son impopularité aux régionales de 2010, espère se mettre ainsi en ordre de marche pour affronter la présidentielle de 2012.
Un dispositif transitoire est même prévu cette année-là pour que le bouclier ne vienne pas empoisonner sa campagne. Les contribuables les plus aisés, qui auraient pu encore prétendre à des chèques de remboursement du fisc, devront déduire eux-mêmes, ni vus ni connus, le montant de l’ISF dont ils s’acquittent parallèlement. En attendant, les 32 contribuables pointés par Jérôme Cahuzac ont reçu du fisc des chèques d’un montant moyen de « plus de 169.200 euros ». Coût pour les caisses de l’État : 5,4 millions, contre 3,7 millions en 2009.
Coût du bouclier fiscal : 591 millions d’euros
Le député souligne aussi que « les 925 contribuables les plus aisés » parmi les 14 443 qui bénéficient du bouclier « concentrent à leur profit 60% » des sommes rendues par le fisc, soit « un chèque moyen de 381 000 euros ». « Plus largement, 3 267 contribuables disposant de revenus inférieurs à 3 467 euros sur l’année sont pourtant imposables à l’ISF, car leur patrimoine est supérieur à 790 000 euros », poursuit Jérôme Cahuzac.
En 2010, le bouclier aura coûté 591 millions d’euros aux caisses de l’État et bénéficié à 14 443 contribuables, selon cette « situation provisoire » établie par Bercy en date de février 2011. Ces chiffres devraient cependant être revus à la hausse. L’an dernier, à la même époque, le bilan provisoire du bouclier 2009 faisait état d’un coût similaire (586 millions d’euros pour 16 350 contribuables), mais le bilan définitif dressé quelques mois plus tard avait fait apparaître un coût de 678 millions et quelque 19 000 bénéficiaires.
Un chèque moyen de 40 900 euros pour les 14 400 bénéficiaires du bouclier fiscal – Le Point.