Bien involontairement, les Etats-Unis ont révélé l’existence d’une version furtive de l’hélicoptčre Sikorsky UH-60 Black Hawk, cela en marge de la mission qui a mis un terme ŕ la triste carričre d’Oussama Ben Laden. C’est en effet un appareil de ce type qui s’est écrasé au cœur de l’action, un atterrissage trčs dur, non programmé, mettant fin ŕ sa participation ŕ la mission punitive nocturne. Il a été rapidement détruit pour qu’il ne risque pas de tomber entre des mains inamicales. Quelques photos de l’épave circulent sur le Net et permettent d’entrevoir, de maničre trčs fragmentaire, les débris d’un UH-60 profondément modifié. Ils ont été évacués ŕ la hâte, des bâches dissimulant prudemment les pičces de l’oiseau mortellement atteint.
Peu importent les circonstances de l’accident, apparemment liées ŕ une température ambiante nettement supérieure aux prévisions des météorologues de l’U.S. Army. Il est en revanche intéressant de souligner que le Pentagone, ŕ son corps défendant, nous rappelle ainsi qu’il n’a pas renoncé ŕ ce qui l’est convenu d’appeler les Ťblack programsť, c’est-ŕ-dire la mise au point dans le secret le plus absolu d’appareils nouveaux (ou de dérivés), une maničre de faire bien rodée qui avait connu son apogée au plus fort de la Guerre Froide. On se souvient notamment de l’effet de surprise créé par la divulgation des F-117, B-1 et B-2. Toutes capacités opérationnelles mises ŕ part, ces programmes ont constitué, chacun ŕ sa maničre, la preuve d’un savoir-faire qui n’était ŕ la portée d’aucune autre nation, une illustration de suprématie tout ŕ la fois technologique et militaire.
Le Ťnouveauť Black Hawk, dont on ne sait strictement rien, trouve sa place dans la continuité de cette maničre de faire. S’il a participé ŕ l’opération d’élimination du terroriste le plus recherché de la plančte, c’est évidemment parce qu’il est bel et bien opérationnel, qu’il n’est pas un prototype ou un démonstrateur. Or personne n’en connaissait l’existence hors Pentagone et U.S. Army, la preuve d’une maîtrise parfaite du secret militaire le plus absolu.
Nous voici, dčs lors, bien au-delŕ des polémiques inutiles qui se déroulent dans l’hémicycle de l’Organisation mondiale du commerce ŕ propos de subventions et autres aides étatiques qui fausseraient la concurrence au sein de l’industrie aérospatiale mondiale. Bien sűr, le marché des hélicoptčres civils n’aspire pas ŕ la mise en œuvre d’appareils plus ou moins Ťinvisiblesť ou tout au moins furtifs. En revanche, sur un plan plus général, des avancées de cette envergure ne peuvent pas ętre financées sur fonds privés. Sikorsky est trčs compétitif, face, notamment, ŕ Eurocopter aussi grâce ŕ cette maničre de procéder, dite Ťdualeť. D’autant que le ŤBlack Hawkť furtif présente des caractéristiques, par exemple en matičre de réduction de son niveau sonore, qui peuvent ętre transposées ŕ des applications civiles. Les décibels sont tout aussi gęnants, qu’ils soient civils ou militaires. Il y a lŕ matičre ŕ réflexion, des progrčs liés ŕ des exigences militaires pouvant évidemment bénéficier au secteur civil.
Le Black Hawk n’a pas fini de faire parler de lui. Sa réussite est éclatante, il sert sous les couleurs de l’U.S. Army mais aussi celles de l’U.S. Navy, de l’USAF, du Marine Corps, il a été largement exporté, il se pręte ŕ toutes les utilisations, ce qui correspond d’ailleurs ŕ la fiche programme qui lui a donné vie il y a une trentaine d’années, l’Utility Tactical Transport Aircraft System, UTTAS. Sans préjuger de nouveaux développements secrets, d’autres dérivés sont trčs officiellement en préparation, dont celui qui, ŕ l’horizon 2015, pourrait lui permettre d’ętre utilisé sans pilote ŕ bord.
Cette option trčs Ťtendanceť est omniprésente au Pentagone et il est probable, sinon certain, qu’elle s’applique ŕ un autre Ťblack programť, le plus secret de tous, celui qui prévoit l’entrée en service, en principe ŕ l’horizon 2018, d’un nouveau bombardier stratégique. La rumeur publique dit que le prototype pourrait effectuer son premier vol dans moins de cinq ans, une information qui n’est peut-ętre pas sans fondement mais qu’il n’est évidemment pas possible de confirmer. L’épisode d’Abbottabad vient de nous le rappeler, aux Etats-Unis, le secret Défense reste une solide réalité.
Pierre Sparaco - AeroMorning