Vous ne trouvez plus dans votre pharmacie le médicament à base de plantes que vous avez l'habitude de prendre ? C'est peut-être à cause de l'application d'une directive européenne dans le domaine de la phytothérapie: depuis le 30 avril 2011, tous les médicaments à base de plantes, même ceux qui étaient sur le marché depuis des années, doivent être dûment enregistrés auprès de l'Afssaps selon une nouvelle procédure. Une échéance qui a semé une belle pagaille et suscite encore bien des craintes, parfois exagérées. Voici quelques éléments d'explication.
De quoi s'agit-il?
Adoptée en 2004, la directive européenne 2004/24/CE sur les produits à base de plantes médicinales traditionnelles a été transposée en France en 2007, modifiant radicalement la procédure de mise sur le marché. Les fabricants avaient jusqu'au 30 avril 2011 pour se conformer aux nouvelles règles, " sinon la commercialisation des produits concernés cessera à compter du 1er mai ", avait prévenu l'Afssaps (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé).
Quelles sont ces nouvelles règles?
Les fabricants doivent désormais motiver la mise sur le marché d'un médicament à base de plantes en apportant la preuve d'un usage d'au moins trente ans (dont quinze dans l'Union européenne), par exemple dans la médecine chinoise ou ayurvédique. Ils n'ont pas à prouver l'efficacité clinique (considérée comme plausible du fait de cette utilisation traditionnelle), mais l'innocuité du médicament. Pour ce faire, ils peuvent se référer à des listes de plantes et d'indications établies par le HMPC, un comité européen ad hoc (mais les Etats membres peuvent interdire certaines plantes s'ils le jugent utile). Objectif de cette réforme: harmoniser les pratiques dans l'Union européenne afin d'empêcher la commercialisation de médicaments " naturels " fantaisistes.
Combien cela coûte-t-il aux fabricants?
L'enregistrement de chaque produit auprès de l'Afssaps coûte 5055 euros pour un médicament déjà sur le marché, le double pour un nouveau. Les frais d'étude préalables à cet enregistrement peuvent être élevés, pour atteindre quelque 100 000 euros dans les cas complexes.
Qu'est-ce que cela change pour les patients?
Environ 200 médicaments à base de plantes restent autorisés à la vente en France, contre 800 avant le 30 avril. Des fabricants ont préféré abandonner la commercialisation de certains produits, d'autres ont tardé à se mettre en règle mais vont le faire bientôt. Attention: on parle ici de médicaments. Il existe beaucoup de produits à base de plantes avec une " allégation santé ", vendus hors pharmacies, qui relèvent de la législation sur les compléments alimentaires (leur mise sur le marché dépend de la DGCCRF, direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes).
Pourquoi cette réforme fait-elle râler?
Des professionnels du secteur dénoncent les tarifs élevés de cette nouvelle homologation (qui favorisent les grands groupes), la rigidité du système européen (qui pénalise la mise sur le marché de nouveaux médicaments à base de plantes et certaines médecines alternatives) et l'application tardive du texte au niveau national qui n'a pas permis de travailler dans la plus grande sérénité.
Certains s'étonnent aussi des indications associées aux plantes par le comité européen et des critères d'application du texte d'un pays à l'autre : étrangement, une plante médicinale peut être autorisée en Allemagne et interdite en France car considérée comme trop toxique.
Des acteurs, enfin, craignent de disparaître : ne pouvant plus vendre leurs produits comme médicaments, ils se tournent vers la distribution de compléments alimentaires avec une " allégation santé ". Mais les dossiers sont de plus en plus souvent rejetés par la DGCCRF car, là aussi, la législation se durcit pour éviter les abus.
Des craintes exagérées
Depuis plusieurs mois, certains sites (comme www.defensemedecinenaturelle.eu) relaient l'information (lancée par l'Alliance internationale pour la santé naturelle, un lobby anglo-saxon), selon laquelle l'application de cette directive signifie la mort de la médecine par les plantes, ce qui est faux.
" Cet appel présente toutefois le mérite de soulever et de porter au débat public la question du développement inquiétant de l'arsenal des normes, des experts, des homologations qui aboutit au verrouillage et au contrôle du secteur ", note Thierry Thévenin, du Syndicat des simples (qui regroupe regroupe 60 producteurs cueilleurs de plantes).