Samedi après-midi j’ai vu un très beau film qu’il était temps que j’attrape avant qu’il ne disparaisse des écrans parisiens, Rabbit Hole. Le second film de John Cameron Mitchell, Shortbus, était un pur moment d’extase cinématographique qui avait fait peur à trop de spectateurs peu à l’aise avec la représentation de la sexualité à l’écran. Retrouver le cinéaste américain sur un projet comme Rabbit Hole tient presque de l’étrange, tant cette histoire d’un couple de quadras cherchant à reprendre pied quelques mois après le décès accidentel de leur petit garçon semble à mille lieues de Hedwig and the Angry Inch et Shortbus. Pourtant Mitchell fait preuve d’une grâce réalisatrice qui transcende les barrières apparentes, celles qui pourraient faire croire qu’il doit être difficile d’être touché par Shortbus si l’on n’a pas une sexualité débridée partant dans tous les sens, et celle qui donc ici imposerait d’être parent pour comprendre la détresse d’un tel couple.
John Cameron Mitchell nous plonge avec délicatesse dans les affres humaines de la perte, qu’elle soit vécue ou causée. Le destin des parents rendus orphelins de leur enfant touche autant que la confusion triste de l’adolescent qui a causé malgré lui leur malheur. Mais je n’étais pas parti pour tirer les louanges de Rabbit Hole si rapidement. J’avais commencé à faire mon mea culpa de maniaque car Rabbit hole a une fois de plus fait ressortir cet aspect de ma cinéphilie. Je ne m’étais pas rendu compte que le film de John Cameron Mitchell était en danger de disparaître des écrans parisiens, déjà plus présent que dans trois salles trois semaines après sa sortie. Le week-end dernier la mission Rabbit Hole s’est donc inscrite à mon programme.
Du coup me voici planté devant l’Orient-Express, tiraillé par le fort désir de voir le film, mais mon incapacité à me résoudre à le voir ici. Élo, pendant ce temps, hallucine, je le sens bien, et comprend avec désolation que je ne vais pas me résoudre à changer d’avis. Plan B donc, on ira voir Rabbit Hole plus tard à l’UGC Odéon, mais en attendant on se dirige vers Le Chaperon Rouge au Ciné Cité des Halles (je sais, mais après le sale coup que je fais à mon amie, il faut bien faire une concession et accepter un autre deal). Je passerai l’évocation du film de Catherine Hardwick dans lequel Amanda Seyfried montre ses grands yeux à un loup-garou dans un conte filmé rappelant plus Twilight que les frères Grimm.
Le film commence, mais moi, tout ce qui attire mon attention, c’est la tête de ce grand ado qui barre une partie de l’écran à mon amie par ma faute. Je m’en veux tellement de l’avoir fait changé de place, je n’arrive pas à me retirer cette tête de l’esprit, et je passe le premier quart d’heure du film (même un peu plus) à penser à elle. Moi elle ne me gêne pas le moins du monde, pas plus que celle qui est devant moi, mais voilà, elle m’obsède autant que si c’était ma vision qu’elle barrait. Finalement la qualité du film de John Cameron Mitchell, la délicatesse de ce couple en perdition incarné par Nicole Kidman et Aaron Eckhart, l’esquisse de cet adolescent rêveur et percé à jamais par la mélancolie, cette émotion douce et juste, auront eu raison de cette encombrante tête dans mon esprit. Ce que ça peut être fatigant d’être maniaque au cinéma… Heureusement que les films sont là pour me faire oublier que je peux être chiant devant un grand écran.
(P.S. : après avoir vu le film, je ne comprends toujours pas la laideur de l’affiche française, qui du coup n'illustre pas ce billet)