Mario Rigoni Stern
Robert Laffont
231 pages
Résumé:
Un homme se penche sur le passé du pays de son enfance. Nous sommes dans le Haut-Adige, après la deuxième guerre mondiale, sur cette montagne vénitienne dévastée par d'âpres combats. Au fil d'une série de flash-back, le narrateur - qui n'est autre que l'auteur - se souvient des années de misère qui avaient déjà suivi la grande guerre. De son ami Giacomo, qui exhumait le cuivre des obus et des bombes de 14-18, de l'exil des pères vers la Lorraine ou l'Amérique, de la montée du fascisme...
Mon commentaire:
L'histoire de Giacomo se déroule de l'entre-deux-guerres à la campagne de Russie, à travers le temps et la vie de pauvreté réservée aux montagnards italiens. Giacomo c'est un ami de Mario Rigoni Stern, mais c'est aussi un peu lui, sa vie, son hameau perdu dans les montagnes. Il nous raconte la vie d'un village à travers les souvenirs, les tranches de vie à différentes époque, l'organisation du hameau et les vestiges que la guerre a laissé. Le lecteur assiste à la construction d'une église et de ses cloches, à des incendies, à la sécheresse, aux famines qui sont récurrentes et difficiles, à la vie des paysans pour joindre les deux bouts et réussir à passer l'hiver.
Les villageois ont assez peu de méthodes de subsistance. Entre la terre qui ne donne pas grand chose et l'appel du travail dans les autres pays, plusieurs pères de famille doivent déserter le hameau pour trouver de l'argent ailleurs, dans les mines ou les chantiers. Le père de Giacomo revient d'ailleurs dans sa famille après trois ans d'exil. Il faut aussi entrenir les quelques animaux de ferme et s'occuper de la coupe du bois de chauffage. La cueillette de petits fruits et celle des munitions enfouies dans la terre, vestiges des guerres passées, sont des moyens pour adoucir le quotidien.
On sent, à la lecture du récit, l'ombre de la guerre qui a laissé d'importantes marques. Les plus jeunes récupèrent les munitions, les désamorcent et tentent de revendre le métal et la poudre pour contribuer au revenu familial. Le paysage montagnard italien est joliement décrit, mais laisse aussi apercevoir de vilaines cicatrices de guerre: trous et tranchées laissées par les batailles qui se sont déroulées à flanc de montagne. Chaque villageois a une histoire de guerre à raconter...
Les saisons de Giacomo est un excellent volume. Ce récit tout en finesse et sensibilité nous replonge dans le passé et dans une petite communauté attachante, marquée par la pauvreté et la rudesse du quotidien. Ici, Stern reprend des thèmes qui reviennent dans toute son oeuvre: la nature, la guerre, mais aussi une sensibilité que l'on retrouve rarement chez les écrivains.
Tout ce que j'ai lu de Mario Rigoni Stern jusqu'à maintenant me séduit. Avec un style bien à lui, mêlant douceur, souvenirs et poésie, il nous offre un hommage à la nature et aux petites choses du quotidien, un quotidien impitoyable et difficile, mais profondément touchant.
Quelques extraits:
"Giacomo et son père, quand le soleil en fin de matinée venait réchauffer les terres des indivis, allaient eux aussi avec leur pioche et leur bêche débrouissailler un petit bout de terrain vers le bois. Le père tout comme la grand-mère pensaient qu'on pourrait y cultiver des lentilles; et peut-être bien des pommes de terre l'année suivante. Arriver au mois de novembre avec vingt kilos de lentilles à la maison cela voulait dire de bonnes soupes pour tout l'hiver." p.118
"Vint un hiver comme les autres: de la neige, de la pluie, de la neige, du froid; mais bien pis pour d'autres raisons, car dans pas mal de maisons le soir on éteignait feux et lumières pour aller se coucher très tôt: on ne consomme pas pendant qu'on dort et on ne sent pas la faim." p.172